Serigne Mbacké Ndiaye : «C’est inévitable, Macky Sall va se séparer de ses alliés du moment»

Pour Serigne Mbacké Ndiaye, ministre conseiller sous le régime de Wade, ce n’est qu’une question de laps de temps : le président Macky Sall va se séparer de ses alliés de circonstance au nom des retrouvailles entre Libéraux. Pour l’ancien porte-parole de l’ancien président, c’est dans l’ordre normal des choses.

La proposition de retrouvailles de la famille libérale a été faite par Wade, Macky semble être dans les mêmes dispositions. Comment appréciez-vous cela ?
Je pense que c’est le lieu de se réjouir de la réaction non seulement du président Macky Sall, mais de beaucoup d’autres Sénégalais à propos de ces retrouvailles de la famille libérale dont on parle. Moi-même, à l’occasion de la dernière réunion du Comité directeur, j’ai eu à introduire cette question. Il est donc heureux aujourd’hui que ce débat soit lancé et qu’il ait connu autant d’engouement et de succès. Cela dit, s’il reste à Abdoulaye Wade une mission importante – en tout cas parmi les missions qui lui restent – c’est de réunir la famille libérale. Il a eu la chance de diriger ce pays pendant douze ans, de le quitter dans la paix et la sérénité, de résider encore au Sénégal et d’être remplacé par un de ses disciples, en l’occurrence le président Macky Sall.
Wade et ses alliés disaient qu’ils resteraient au pouvoir pendant cinquante ans. La «prophétie» se réaliserait-elle à travers ces retrouvailles ?
L’accession de Macky Sall à la magistrature suprême donne dans une certaine mesure raison au président Wade qui disait qu’il souhaitait que son parti garde le pouvoir pendant cinquante ans. Quand il le disait, Macky Sall était encore au Pds. Et cette famille libérale réconciliée peut garder le pouvoir pendant très longtemps. Cela dit, il faudrait quand même qu’on est une bonne lisibilité et une bonne visibilité dans le champ politique. Contrairement à ce que beaucoup de gens soutiennent, moi je suis de ceux qui pensent que les idéologies sont comme les religions ; elles ne peuvent pas mourir. Sous ce rapport, quand quelqu’un vous fait confiance ou fait partie de votre famille, vous avez le devoir de le soutenir.

Vous allez donc soutenir Macky ?
Ce que je dis, c’est que quand il faut développer un pays, la conception du socialiste est fondamentalement différente de la conception d’un libéral ou d’un communiste. Il y a fondamentalement une différence. Maintenant vous pouvez pratiquer une doctrine sans savoir que vous êtes en train de mettre cette discipline-là en pratique. En tout état de cause, il serait heureux d’avoir des familles politiques limitées : les Communistes, quelle que soit leur obédience (marxiste, léniniste, trotskyste…) ; les Socialistes ; les Libéraux… Au moins on aura au plan politique une claire vision du champ. Et j’ajoute sur cette question-là que les Libéraux à l’Assemblée nationale, ceux de l’Apr, de Bokk Gis Gis, de Rewmi, font près de 100 députés. Cela donne une écrasante majorité qui permet au président de la République de gouverner tranquillement.

Vous n’allez donc pas glisser des peaux de bananes, mais collaborer ?
Je dois préciser que cela qui n’a rien à voir avec la transhumance, et je veux être très clair là-dessus. Je prends l’exemple des denrées de première nécessité. Si par exemple le gouvernement est confronté à un problème tel que le prix des denrées doit être augmenté, le président discute d’abord avec cette famille politique qui soutient son action et chacun apporte sa contribution. Et si on constate que la seule possibilité aujourd’hui c’est d’augmenter le prix des denrées, le président prendra la mesure, et la famille politique le soutiendra. Par rapport aussi et surtout au conflit casamançais, tous les Sénégalais doivent s’unir pour des solutions à trouver.

Iriez-vous jusqu’à demander au président Macky Sall d’écarter ses autres alliés ?
Mais je n’ai pas besoin de le demander parce que cela se fera. C’est la réalité. Vous savez, il y a des combinaisons en politique qui ne durent pas. Je vous toujours les murs sur lesquels il est écrit : «Macky Sall le traître du M23». Parce qu’au moment où les gens étaient à la place de l’Indépendance, lui il était sur le terrain en train de battre campagne. Donc ce qui s’est passé entre les deux tours n’est pas rationnel. Avec les retrouvailles entre Libéraux, les Sénégalais ont là l’opportunité de se taire et de travailler pendant cinq ans. Parce que s’il n’y a pas un consensus fort, le pays vivra dans une campagne électorale permanente. En 1981, Abdou Diouf, avec l’appui de Doudou Sine, avait théorisé le compromis historique. C’est exactement ce qu’on est en train de dire aujourd’hui. Mais ça ne pouvait pas prospérer parce qu’Abdou Diouf lui-même manquait de légitimité dans son propre parti et n’avait pas été élu par les Sénégalais. Il avait bénéficié de l’article 35 de la Constitution. C’est Senghor qui lui avait donné le pouvoir. Il n’avait aucune légitimité pour réunir les Sénégalais autour de lui. En 2000, Abdoulaye Wade est arrivé au pouvoir après une lutte âpre. Les séquelles étaient là. Il a gagné c’est vrai, mais l’adversité entre Abdoulaye Wade et ceux qu’il avait vaincus était telle que ceux-là ne pouvaient pas écouter son appel et répondre à cet appel là. Mais aujourd’hui c’est la chance que Macky Sall a. Il a été bien élu et personne ne peut le contester, même nous qui l’avions combattu savons parfaitement qu’il a été bien élu. L’autre avantage du président Macky c’est que celui qu’il a battu (Abdoulaye Wade, ndlr) n’est plus intéressé par un poste de président de la République ou quoi que ce soit. Abdoulaye Wade ce qui l’intéresse aujourd’hui c’est d’aider le président Macky Sall qui a la chance de réussir ce que ses prédécesseurs ne pouvaient pas réussir.
Source : La Tribune