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Serigne Moustapha sy, 58 ans, guide religieux: Soif de savoir. Portrait d’un homme qui possède les clefs de l’éloquence.

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Doué d’une grande intelligence, le guide moral des moustarchidines séduit par son verbe et sa prestance. Portrait d’un homme qui possède les clefs de l’éloquence.

Sur scène, il se révèle. Yoff, le 12 août. La place des prières accueille ce rhétoriqueur hors pair pour la 15e édition de l’université du ramadan devant un public conquis d’avance. « Il est exceptionnel, soupire une dame. Il parle, il vous prend. » Ibrahima Faye, retraité de l’enseignement : « Je bois ses paroles. C’est un homme remarquable, un orateur très érudit, une connaissance extraordinaire ! » Le voilà qui monte sur scène. Doué d’une grande intelligence, le guide moral des moustarchidines séduit par son verbe et sa prestance. Portrait d’un homme qui possède les clefs de l’éloquence.

1,92 mètre et plus de 80 kilos, dans un camaïeu de vert et de bleu : une djellaba couleur vert pomme de mise, intérieur bleu marine et l’immanquable chéchia remplacé cette fois par un bonnet en laine couleur nuit. Le poing levé, sourire radieux aux lèvres, Moustapha s’avance de sa démarche dégingandée un peu girafe. A la vue de sa silhouette, les disciples partent en cris stridents. Les familles qui étaient venues avec les enfants comme on va à un pique-nique se transforment en fanatiques. C’est la ruée son corps est à la ramasse, il semble affaibli. Mais son oeil pétille et son cerveau bouillonne pour des heures de causerie, sans note. Le sujet : Le cercle du pouvoir, une légitimité divine ou une légalité constitutionnelle  ? Le verbe est son arme. il peut être fin et drôle, intarissable. Quand serigne Moustapha sy parle, on dirait qu’il se voit en grand timonier. Il dit : « Dieu ne donne pas le pouvoir, il le confie à quelqu’un, il le donne à qui on fait confiance et le retire à celui qui a perdu la confiance du peuple ». A bon entendeur, salut !

C’est là devant ses disciples que le guide des Moustarchidines se sent le mieux. Là, il élabore ses « chantiers », s’abîme dans l’étude des textes religieux musulmans. Par passion et aussi pour y puiser les éléments permettant de « construire un islam qui prend en considération le contexte dans lequel on vit. » C’est au nom d’un dialogue franc avec son public que la figure du mouvement des Moustarchidines, embraille avec cette diction qui lui est propre : « on gouverne tout sauf le coeur. On peut être entouré de beaucoup de personnes sans pour autant conquérir leur coeur ». Sous les traits d’un modèle d’humanité, guide doué d’une grande intelligence, honnête et efficace, fin stratège, Moustapha séduit par son verbe et sa prestance et éblouit par son gout du vrai : « il ya peu d’hommes de Dieu au Sénégal. Il y a beaucoup plus de marabouts  ».

Né le 10 juin 1952, Moustapha est élevé par un père guide spirituel, serigne cheikh ahmed tidiane sy et une mère aux traits doux mais au caractère bien trempé. Le petit Moustapha se découvre un amour pour la religion par le biais de ses lectures. Très proche de sa défunte mère, Moustapha voyait rarement son père du fait de ses retraits spirituels. un témoin : « son père est resté 10 ans sans sortir de sa retraite spirituelle ». Adolescent, il grandit entre le dahira de serigne ababacar sy et la zawiya. Makhary Mbaye chargé de communication du mouvement : « même quand son père faisait des conférences, il n’y assistait pas car il était au daara.

Cependant, il se procurait son discours pour le mémoriser ». Homme de pensée et d’action, il a toujours maintenu la tension dialectique entre l’engagement et la réflexion. Il a autant cherché à comprendre la société sénégalaise qu’à peser sur son évolution. Pour se faire, à défaut d’un dahira, il crée une troupe théâtrale pour mieux véhiculer son message. Makhary Mbaye, le confirme : « il formait les jeunes de sa génération en véhiculant le message islamique à travers le théâtre populaire. » Ses thèmes sont accompagnés et orientés vers l’histoire du monde musulman. Il y exprime les angoisses, les ambivalences, les hésitations tout autant que les espoirs qui ont façonné le monde musulman. Ses inquiétudes, ses incertitudes et ses passions étaient à l’image même de son vécu : serein et plein de vie.

Paradoxe : son érudition est immense, et la compréhension de son récit présuppose le plus souvent une solide connaissance de base de l’histoire factuelle et de la culture arabe, sans quoi certaines phrases, certains passages demeurent si hermétiques, passent si loin au-dessus de la tête, que le fou rire nerveux devient le seul choix laissé au profane. Paradoxe ! Moustapha n’a jamais quitté nos frontières pour aller chercher le savoir. C’est un pur produit du terroir avec comme toile de fond tivaouane, la ville de ses aïeuls, là où il a tout appris. Makhary : « il ne s’est jamais inscrit dans une université étrangère. Même la langue arabe qu’il manie comme personne, il l’a apprise ici. » Le français dans tout ca ? « C’est un autodidacte, il n’a jamais fréquenté l’école française », renchérit Makhary.

30 octobre 1993 : suite à une sortie durant laquelle il a stigmatisé trois crises dont souffrait le régime socialiste : crise de compétence, crise de confiance et crise d’autorité. Serigne Moustapha sy a été arrêté. C’est du fond de sa cellule de prison donc que serigne Moustapha sy a appris les événements qui ont été l’une des affaires politicojudiciaires les plus médiatisées de l’histoire politique du Sénégal.

16 février 1994 : La marche sur les grandes avenues de la capitale dakaroise va dégénérer en une manifestation tragique. Six policiers ont perdu la vie, avec des blessés du côté des manifestants. Plus de 150 membres du mouvement des moustarchidines sont arrêtés de même que des membres des partis de l’opposition qui vont rejoindre leur leader en prison. Ces moustarchidines et moustarchidates seront incarcérés dans les prisons de dakar et rufisque où ils vont rester des mois avant de bénéficier d’un non-lieu. Le même jour, le ministre de l’intérieur à l’époque Monsieur Djibo Ka par une déclaration télévisée annonce par décret numéro 001123 du 17 février 94 l’interdiction sur tout le territoire national des activités du mouvement des moustarchidines. Le gouvernement de Diouf était au coeur de son combat. Il le menait avec Abdoulaye Wade, opposant d’alors et président aujourd’hui. Adulé par la masse, accusé d’aventurisme par le gouvernement de Diouf, Moustapha a su mettre en échec un ennemi à l’arsenal et aux alliés dissuasifs. Libéré de prison 52 jours avant la fin de sa peine, Serigne Moustapha sy, va entreprendre des initiatives allant dans le sens de relancer les activités de son mouvement.

Ainsi, il lança les universités du ramadan en 1995/1996. Au début, c’était de petits rassemblements de quartier, élargis par le suite à force d’abnégation et de conviction. aujourd’hui, le mouvement compte plus de 700 000 membres à travers le pays. Caricaturés comme fanatiques à tort ou à raison, ils constituent une force tranquille qui s’est faite plus discrète depuis l’avènement de l’alternance. Le chargé de communication affirme le contraire en argumentant que leur guide n’est pas un activiste et que c’est un homme doué du sens de la mesure et n’attaque que s’il se sent attaqué. N’empêche, hormis l’université du ramadan, ses sorties sont de plus en plus rares dans un contexte économique et social désastreux.

1998 : Serigne Moustapha sy va changer de fusil d’épaule. A un moment où le sénégal amorçait un tournant décisif de son histoire démocratique, à savoir les élections de 2000, les moustarchidines vont créer leur formation politique (Pur) qui propose un nouveau contrat politique aux sénégalais. Son itinéraire intellectuel et politique a été balisé par les exigences du nationalisme qui est au centre de son univers idéologique. Pour le moment, les langues se délient, les questions fusent, et des réponses tardent à venir. Pourquoi on ne voit plus Moustapha à côté des masses ? Makhary répond : « Abdou Diouf avait attaqué son père. Et, personne ne touche à son père. C’est la raison pour laquelle il avait répliqué au prix de sa liberté. Cependant il n’est pas un activiste et lors des élections locales son parti a soutenu Khalifa Sall. »

Moustapha a étudié les livres et a puisé dans la science. C’est ainsi qu’il apprend la jurisprudence, la science des gens du hadith et celle des gens de l’opinion. Avec une méthodologie produite par un esprit vif et un coeur intelligent, il réunit la connaissance du coran et celle du hadith, possède les clefs de l’éloquence. Nourri de lettres, de récits, de conférences, ce passionné de foot, latéral droit dans sa jeunesse, dresse un portrait en pointillés, d’où se dégage une grande sérénité d’âme et d’esprit.

Aïssatou LAYE

lagazette.sn

10 Commentaires

  1. Voilà une description honnete et objective de la part du journaliste.
    Quant à Moustapha SY, c’est une chance pour le Sénégal. Plein d’autres pays font tout pour qu’il vienne s’installer chez eux, et faire le meme travail pour le compte de leur jeunesse.
    On l’aime ou on l’aime pas, mais l’homme est animé par un seul sentiment: LA VERITE.
    MERCI POUR TOUT

  2. On ne peut pas parler du cheminement de serigne moustapha sans parler de son oncle serigne abdou aziz al amine qui l’a eleve au moment ou son pere etait en retraite mystique. Il lui a tout enseigne. Serigne cheikh a parfait cet enseignemennt. Dieureudieuf Serigne Babacar SY, Seriniou serigne si

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