Est-on, pour la première fois, parvenu à «guérir» une personne de son infection par le virus du sida? C’est ce que laisse penser une communication médicale faite dans le cadre de la 20e Conférence internationale sur les rétrovirus et les maladies opportunistes qui s’est ouverte le 3 mars à Atlanta.
Les éléments du dossier sont détaillés sur le site du New York Times. Cette communication n’a pas encore fait l’objet d’une revue médicale et scientifique avec comité de lecture. Elle n’en retient pas moins l’attention de tous les spécialistes de la lutte contre le sida.
L’affaire concerne un enfant aujourd’hui âgé de deux ans et demi et qui était né infecté par le VIH dans une région rurale du Mississippi. La mère n’avait pas été suivie médicalement durant sa grossesse.
L’enfant ne montre plus aujourd’hui aucune trace de cette contamination. En l’état actuel des données de la littérature médicale, c’est une première concernant les infections périnatales par le VIH.
Peut-on pour autant parler de «guérison»? La question reste pour l’heure ouverte. Les différents examens biologiques pratiqués à la naissance avaient parfaitement établi que l’enfant avait bien contracté cette infection in utero (ou plus vraisemblablement lors de l’accouchement).
Le taux de l’infection était relativement bas. L’équipe médicale a alors décidé d’administrer au nouveau né une association de trois médicaments antirétroviraux, et ce dès sa trentième heure de vie.
Vingt jours plus tard aucune trace de VIH n’était plus décelable dans le sang de l’enfant. Il en est de même aujourd’hui, les seize examens biologiques pratiqués ayant tous conclu à une disparition du virus de son organisme.
«Les médecins ont perdu la trace de la fillette pendant de longs mois et l’ont revue seulement à l’âge de vingt-trois mois. Ils ont appris à cette occasion qu’elle ne prenait plus de traitement depuis l’âge de dix-huit mois, précise sur son blog Jean-Daniel Flaysakier, journaliste médical de France 2 présent à la conférence d’Atlanta. Malgré cet arrêt, les examens restaient négatifs, toujours pas de charge virale détectable dans le sang.»
Le Dr Deborah Persaud (Université Johns Hopkins, Baltimore) préfère parler ici de «guérison fonctionnelle», une précision sémantique qui traduit l’incertitude des médecins et des virologues quant au véritable statut de cet enfant. L’une des hypothèses est que le traitement antirétroviral très précoce et (inhabituellement) intensif a permis d’obtenir une éradication du virus de l’organisme. Le VIH n’aurait alors pas eu l’opportunité de gagner les sanctuaires (ou «réservoirs») immunitaires au sein desquels il peut rester à l’état latent et reprendre ultérieurement sa réplication.
S’il est le premier à être décrit chez un nouveau-né, ce cas n’est pas le premier dans la littérature. Une publication du New England Journal of Medicine datée de 1995 avait ainsi détaillé le cas de Timothy Brown, un malade habitant à Berlin, souffrant de leucémie, et qui avait reçu une greffe de moelle osseuse provenant d’un donneur génétiquement résistant au VIH.
«Pour la pédiatrie, c’est notre Timothy Brown, a déclaré le Dr Deborah Persaud en parlant de cet enfant dont le nom n’a pas été dévoilé. C’est la preuve de principe que nous pouvons guérir l’infection par le VIH si nous pouvons reproduire ce phénomène.»
La «preuve de principe» n’est pas une démonstration, seulement l’espoir concret que cette démonstration est possible. D’ores et déjà des travaux sont en cours pour lancer de nouveaux essais cliniques. Ils viseront à modifier les protocoles thérapeutiques des nouveau-nés dont on découvre à la naissance qu’ils sont porteurs du VIH et qui n’ont pas pu être traité, avec leur mère, durant la grossesse.
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