Paris est attentif même s’il n’est pas du tout inquiet sur la situation préélectorale sénégalaise. Tout en parlant aux différents acteurs du jeu politique et des membres « influents » de la société civile, la France à l’instar de la communauté internationale, de dit disposée à aider à la facilitation de l’approfondissement du dialogue politique « pour dépassionner le débat » et désamorcer la crise latente.
La présidentielle sénégalaise prochaine est dans moins de quatre mois, si elle se tient à date. La candidature déclarée du président sortant, Abdoulaye Wade est le sujet d’une vive polémique, voire d’une tension politique qui va crescendo à mesure qu’approche l’échéance. L’opposition et une bonne frange de la société civile lui dénient en effet, le droit de se (re)présenter pour une troisième fois, à leurs yeux, tandis que ses partisans trouvent sa candidature tout à fait légale. Une situation préélectorale grosse d’implosion au point que le clergé musulman et catholique du pays élève la voix et en appelle à la raison. La communauté internationale n’est pas en reste. Cependant si elle est attentive, elle n’est pas préoccupée pour autant, ni même inquiète, à en croire des sources dignes de foi.
Paris est dans les mêmes dispositions, malgré la courtoisie et l’écoute des personnalités ayant reçu une délégation du Mouvement du 23 juin (M23), conduite par Alioune Tine, Président de la Rencontre Africaine des Droits de l’Homme (Raddho), qui avait à ses côtés entre autres, l’ancien plénipotentiaire de Wade, devenu son farouche opposant, Cheikh Tidiane Gadio, l’entrepreneur Bara Tall, leader du mouvement « Yamalé ». Ces personnalités étaient allées à Paris visiter quelques autorités françaises au Quai et à l’Elysée pour amplifier leur message dans la ville lumière.
En France, la délégation du Mouvement du 23 juin, regroupement opposé à la candidature du président Wade, a effectué une tournée dans certains pays de l’Union européenne dont la France après s’être rendue auparavant aux Usa. Elle souhaitait notamment que l’ancienne métropole use de son influence pour que Wade ne se présente pas en 2012 Dans le souci de préserver la paix sociale au Sénégal. Pour le M23, si le chef de l’Etat sortant se présente « tout peut arriver même la révolution ».
Tout en restant attentif à la situation politique sénégalaise, Paris ne la juge pas inquiétante. Il est d’avis que « les Sénégalais et leur classe politique ont suffisamment de maturité et l’ont prouvé pas plus tard que le 23 juin dernier à l’occasion de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi sur le ticket présidentiel » finalement retiré par le gouvernement devant la clameur populaire. Et dans d’autres circonstances. Pour des autorités françaises au Quai d’Orsay tout comme à l’Elysée, « le Sénégal a des ressorts politiques, une tradition démocratique et des ressources humaines de qualité qui lui permettent de faire face. Il n’y a pas péril à la demeure». Il s’y ajoute, soulignent-elles, que la communauté internationale est disposée à accompagner le peuple sénégalais qui a une tradition démocratique de longue date.
La récente visite au Sénégal du 18 au 21 octobre, des Chefs de délégations et Chargés d’affaires de l’Union européenne accrédités au Bénin, au Burkina Faso, au Cap Vert, en Côte d’Ivoire, en Gambie, au Ghana, en Guinée Conakry, en Guinée Bissau, au Libéria, au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Nigéria, en Sierra Leone, et au Togo, à l’invitation et sous l’égide du Haut management Afrique de l’UE, procéderait de cette facilitation et de ce souci « d’affermir le dialogue politique susceptible de lever tous les équivoques ». Paris informe que « d’autres missions de facilitation » suivront qui parleront avec l’ensemble des acteurs du jeu politique sénégalais. C’est ainsi qu’en relation avec l’Union Africaine, la Cdeao, l’Union européenne, l’Allemagne et les Usa, bref, la communauté internationale, la France se dit disposée à écouter « la classe politique sénégalaise » Et si on le lui demande à aider à la facilitation du dialogue politique. Paris sapeur pompier ?
Paris a-t-il déjà avalisé la candidature de Wade ?
On se garde bien dans la capitale française de donner son opinion sur les thèses des uns et des autres quant à la recevabilité de la candidature du président sénégalais sortant. On n’entend nullement « s’immiscer » dans les affaires intérieures sénégalaises, même si on se dit tout à fait disposé à soutenir tous les efforts « de conciliation » des positions politiques et à accompagner la consolidation d’un processus électoral démocratique et transparent, compte tenu des relations particulières qui lient les deux pays. On se dit en tout cas à équidistance des coteries sénégalaises. On y est simplement soucieux de la paix et de la stabilité dans un pays « ami » de très longue date.
Déclarations diplomatiques de circonstance ? Que nenni, simple traduction d’une situation de fait et des règles qui régissent les rapports internationaux et qui commandent aux relations entre le Sénégal et la France, rétorque-t-on. Pour bon nombre d’observateurs néanmoins « cette neutralité » française tendrait plutôt à avaliser la candidature de Me Wade. Paris semble dire que le débat est ailleurs. Certains hauts fonctionnaires français se désolent de l’éparpillement de l’opposition sénégalaise. Ils font à cet égard, le parallèle avec ce qui s’est passé au Cameroun et au Gabon où « les opposants ne peuvent désormais s’en prendre qu’à eux-mêmes pour être allés en ordre dispersé à la présidentielle dans leur pays respectif, créant ainsi les conditions de leur défaite ». Est-ce à dire que si l’opposition sénégalaise est divisée, elle perdrait inéluctablement devant un Wade même vieillissant? « On ne dit pas ça, mais en partant divisée, elle ferait incontestablement l’affaire de la majorité actuelle », répondent-ils. Qu’en est-il de la candidature du président sortant ? « Le Conseil constitutionnel est seul habilité à statuer », répondent les mêmes interlocuteurs, tout en trouvant qu’il n’y avait aucune similitude entre la situation sénégalaise actuelle et celle ivoirienne postélectorale.
Ces officiels français doivent savoir qu’au Cameroun et au Gabon, l’élection est à un tour, ce qui n’est pas le cas du Sénégal. L’élection à un tour aurait poussé l’opposition sénégalaise à avoir un candidat unique, là n’est pas le débat. Dans une élection à deux tours où tout le monde sait que Wade, même s’il est candidat, ne peut gagner au premier tour. Cette élection permettra de savoir qui est qui au Sénégal, et on en aura fini avec les enchères des partis politiques comme celles de la ligue des masses ou du parti de Cheikh Bamba Dieye.
Tu m’as « marché sur les doigts », ACD ! Bien dit !