Des informations de sources généralement bien informées, font état de recrutement massif dans le camp libéral, toutes tendances confondues, de « gros bras », que l’on dote d’un matériel de dernier cri comme les bâtons paralysants et autres bombes asphyxiantes en quantité. Si pudiquement, le mot « calot bleu » est passé de mode, garde corps semblant plus approprié au nouveau statut des tenants du pouvoir, il reste que l’importance de ces milices politiques, face à un service d’ordre officiel à l’effectif réduit et aux moyens quasi inexistants, fait peser un réel danger sur le pays, notamment en cette période préélectorale tendue. D’autant plus que les camps d’en face n’entendent pas s’en laisser compter. Va-t-on vers une « Duvaliarisation » du Sénégal ?
Le président de la République, Me Abdoulaye Wade sacrifiant au rituel de la prière de la Tabaski qu’il a effectuée à la mosquée mouride « Massalikoul Jinaan » à Dakar lundi, a souligné que « le Sénégal est un havre de paix qui nous a été légué par nos devanciers qui ont tous cultivé la paix. Donc, tous les Sénégalais doivent souhaiter la paix et inscrire toutes leurs actions dans la paix parce que rien à part la paix ne peut prospérer dans ce pays ».
Un tel discours même de circonstance, atténue assurément ce qui passait jusqu’ici aux yeux de l’opinion publique comme une prime à la violence avec les chaleureuses félicitations décernées en Conseil des ministres par lui-même à un ministre dont les partisans s’en étaient agressivement pris aux manifestants du Mouvement du 23 juin (M23) à Bambey. Dans le même temps, le chef de l’Etat rabrouait un autre qui en appelait lui, à l’apaisement, notamment dans l’affaire dite Malick Noël Seck du nom du jeune militant du Parti socialiste (Ps) parti d’opposition condamné à deux ans fermes.
Thierno Lô, le ministre du Tourisme,, n’a eu d’autres recours que de démissionner avant d’être « supplié » de rester. Cela faisait un peu désordre, aux yeux du chef du gouvernement et du Président du Sénat. L’attitude présidentielle dans les deux cas, laissait croire néanmoins que l’option « d’œil pour œil… » était la seule valable en ces périodes préélectorales grosses de tous les débordements.
Il s’y ajoute que de sources généralement bien informées, on apprend que le camp libéral a massifié ses milices. Des gros bras ont été recrutés en nombre et ont été outillés avec du matériel dernier cri. On parle même de chiens d’attaque dans le camp de la mouvance présidentielle. Ils s’entraineraient quelques parts dans la région de Dakar à l’abri des regards indiscrets. Des gros bras qui n’ont pas tardé à prendre du service et à faire dans l’intimidation. Dans l’affaire Malick Noël Seck, jeune dirigeant de Convergence socialiste incarcéré pour avoir déposé une lettre aux juges du Conseil constitutionnel, geste considéré comme une tentative de menace à l’encontre des cinq sages, des nervis se sont en effet, postés devant les domicile de Moustapha Niasse, Secrétaire général de l’Alliance des forces du progrès (Afp) et de Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste, avait rapporté la presse sans être démentie.
Assurés d’impunité certainement, ces hommes de main se sont ostensiblement manifestés au grand jour. Tout comme ils avaient agressé le président de la Rencontre Africaine des Droits de l’Homme (Raddho) le 23 juin dernier devant l’hémicycle de la place Soweto à l’occasion de l’examen du projet de loi portant ticket présidentiel. Submergés cependant par la détermination « citoyenne » et arrêtés par une réaction républicaine des forces de l’ordre, les « briseurs » de mouvements libéraux avaient eu affaire ce jour-là, à forte partie.
Il se raconte également, que la riposte du M23 le même jour porterait plus les couleurs du « camp libéral » de cette entité. Des éléments proches de Macky Sall de l’Alliance pour la République (Apr) et de Idrissa Seck du Rewmi avaient été les plus déterminants en effet dans l’occupation de la rue et le dressage des barricades. Ils sont allés à bonne école. Ce qui a fait dire à Moussa Tine, de l’Alliance démocratique Pencoo, membre de l’alliance de l’opposition « Benno Siggil Senegaal » et du M23, « nous ne voulons pas suivre Wade dans sa stratégie de chaos, raison pour laquelle, nous ferons tout pour éviter la provocation ». Mais il n’empêche, l’opposition recrute également des gros bras. Tous les leaders ont une garde rapprochée qui n’est pas toujours formée par de simples militants. La plupart sont mêmes de véritables hommes de main payés souvent à la tâche. Mais, le camp présidentiel et celui de ses dissidents que sont Macky Sall et Idrissa Seck semblent les plus pourvus dans ce domaine.
Au début, étaient les calots bleus !
Au sortir des événements politiques extrêmement tendus des années 80 qui ont culminé pendant la période préélectorale de 1988, des jeunes, désœuvrés pour la plupart, laissés pour compte par le système socialiste s’étaient offerts comme rempart pour l’opposant Wade victime, à leurs yeux de la violence des brigades de vigilance du Parti socialiste (Ps) alors au pouvoir. Ils voyaient en l’avocat politicien, l’homme providentiel et lui vouèrent un culte tel à un Dieu. Face à la violence du pouvoir socialiste qui avait décidé de briser les reins de l’opposant Wade, les Calots bleus, pendants des brigades de vigilance socialiste, opposèrent une violence tout aussi féroce, mais qui avait l’avantage de s’adosser, fait-on remarquer, sur une légitimité populaire. Ils étaient les « Robin des Bois », et autres Yadikoone, cet outlaw sénégalais dont la légende veut qu’il fût « Zorro », le justicier qui prenait au fort pour donner au faible.
Sous la houlette de Meïssa Sall, député libéral, ancien policier radié ou renvoyé, c’est selon, mais non moins militant de la première heure du Parti démocratique sénégalais (Pds) et du mouvement associatif sénégalais, notamment l’Oncav, les calots bleus ne faisaient pas que de riposter. Bien souvent, ils ont été plutôt à l’origine des « débordements » politiques avec parfois des conséquences même dramatiques. Ils étaient forts dans l’intimidation de leurs adversaires socialistes dont les brigades de vigilances ont rapidement été dépassées au point d’être inopérationnelles et dissoutes par conséquent au grand dam de certains de leurs animateurs de l’époque. Les calots bleus avaient eux, le soutien populaire des masses déshéritées qui voyaient en l’opposant Wade, le Messie.
Une situation qui est autre aujourd’hui. Victimes également de l’arrivée au pouvoir, le gros de la troupe a été « démobilisé ». Le reste, une poignée intégré par « commandement » présidentiel dans les forces de l’ordre. Même s’ils ont gardé leur pratique d’antan, ils sont devenus moins fougueux, la plupart dépités par « l’ingratitude » d’un pouvoir qu’ils ont contribué à asseoir. Est-ce la raison pour laquelle, on en a recruté de nouveaux pour casser de l’opposant ? Des recrues qui n’ont plus la flamme militante d’alors, mais qui ne font que monnayer au plus offrant leurs muscles. De véritables mercenaires que l’on a pourvus d’un outillage dernier cri de briseurs de mouvement, confient les mêmes sources.
Même si les accusations du leader de l’Apr, Macky Sall sur le recrutement de près de 400 mercenaires ivoiriens ont été démentis, il reste que la présence de milices « privées » dans le champ politique n’est plus à démontrer. Une présence qui a certainement amené le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur Me Ousmane Ngom à déclarer récemment que « force restera à la loi ». Interrogé par nos confrères de la Radio futurs médias (Rfm), il avait indiqué qu’au Sénégal «il y a un Etat qui veillera pour que le droit soit respecté par toutes les parties et en permanence. Il faut donc que chacun se le tienne pour dit. C’est-à-dire nous n’accepterons pas que le pays bascule dans la violence et nous serons intransigeants de ce point de vu, quel que soit le bord où la violence se situerait». Simple profession de foi, face à la recrudescence des milices, « véritables tontons macoutes » qui ont pris possession de l’arène politique ? Les forces de l’ordre souffrent elles, d’effectifs conséquents et de matériels adéquats.
Par Madior Fall