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Soda Mareme Fall «Paralysée, je suis souvent abusée sexuellement par les miens»

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Brillante collégienne, elle en est réduite à mendier sur une chaise roulante, par la faute de sa mère. Elle était promise à un bel avenir. Le sort l’a voulu autrement. Atteinte d’une mystérieuse maladie, elle a fini par perdre l’usage de ses membres inférieurs et de sa main gauche. Orpheline de père, sa propre mère s’est montrée hostile à son endroit, refusant catégoriquement de l’aider à recouvrer la santé. Aujourd’hui, elle est réduite à quémander sur une chaise roulante. Pour survivre…

«Je m’appelle Soda Maréme Fall. Je suis la fille aînée d’une famille de sept enfants. J’ai perdu mon père alors que j’avais environ 14 ans. A 31 ans, je suis mère de deux enfants, âgés de 8 et 3 ans et ma vie est un véritable tourment J’ai l’impression d’être dans un gouffre sans aucun espoir d’apercevoir un jour le bout du tunnel. Ma douleur est d’autant plus profonde que c’est ma propre mère qui est à l’origine de ma souffrance. Aujourd’hui, elle ne m’adresse plus la parole, tout simplement parce que je suis paralysée des deux pieds et de la main gauche, A ses yeux, je constitue la honte de la famille à cause de mon handicap physique. Ce qui me désespère le plus, c’est que ma mère inflige la même torture à mes enfants, au point que j’ai été contrainte de les amener loin de la maison familiale, en les confiant à d’autres membres de ma famille, pour leur éviter d’endurer la souffrance que je vis quotidiennement.
Mon histoire remonte à 1992. Depuis lors, cela fait 13 ans que je suis sujette à une maladie incurable qui me ronge à petit feu, au point de paralyser mes deux membres inférieurs et ma main gauche. A l’époque, j’étais en classe de 4e au Collège Thierno Souleymane Agne de Tamba. J’étais vouée à un brillant cursus scolaire. En atteste mes bonnes notes à l’école et les appréciations positives de mes professeurs. C’est alors que j’ai commencé à ressentir les symptômes de cette maladie qui m’a réduite à la mendicité. Et pourtant, dès les premiers signes de ma maladie, qui se signalait par de mystérieuses douleurs au niveau de mes pieds, je m’en suis ouverte a ma mère ainsi qu’à des membres de la famille de ma tante, pour être soignée. A ma grande surprise, aucun d’entre eux n’a daigné donner du crédit à mes propos. A la limite, on me prenait pour une fainéante capricieuse. Pis, de connivence avec ma propre mère, des membres de ma famille m’ont, fait subir un traitement cauchemardesque, que je ne suis pas prête à oublier. Je me demandais, par moments, si je suis vraiment des leurs.
Le fait d’être délaissée par les miens, dont ma propre mère, a précipité le développement de ma maladie. Au fil des semaines, des mois, je ne parvenais plus à faire mes cours d’éducation physique. Mon professeur, voyant que je souffrais, m’a conseillé d’aller à l’hôpital. Lorsque je l’ai informé que .je n’en avais pas les moyens et que je ne pouvais compter sur l’aide de mes parents, mon professeur a pris en charge mes consultations, ainsi que les analyses et autres ordonnances. Au finish, mon médecin traitant m’a révélé n’avoir curieusement détecté aucune anomalie. Et pourtant, ma maladie continuait à me faire souffrir, au point que je n’arrivais plus à me rendre assidument à l’école. En plus, des douleurs et des boutons apparaissaient au niveau de mes membres inférieurs, à présent gonflés, je passais mon temps à dormir en classe. Malgré cet état qui commençait à hypothéquer mes études, ni ma mère, ni les autres membres de ma famille n’ont daigné me soutenir. Conséquence : je ne parvenais plus à me déplacer et du coup, je n’allais presque plus à l’école. Cette situation me rongeait car vu que j’étais brillante, je tenais à décrocher haut la main mon Bfem et mes professeurs m’y encourageaient, convaincus que ce défi était à ma portée.
«J’ai été internée à l’hôpital Fann, mais les médecins n’ont décelé aucune anomalie» «C’est alors que j’ai commencé à avoir peur pour moi. Malgré l’hostilité de ma mère, je me suis résolue à l’affronter pour la sensibiliser une énième fois afin de l’amener à prendre au sérieux mon état de santé. Une fois de plus, elle n’a pas daigné m’écouter. Elle s’éloignait même de moi à chaque fois que je cherchais à m’approcher d’elle. Le même comportement était adopté par les autres membres de la famille de ma tante. Tous m’ont tourné le dos. Il y a aussi que ma mère m’avait quasiment interdit d’accéder dans sa chambre. Je ne prenais le risque de m’y engouffrer que lorsqu’elle était momentanément absente de la maison. Ma propre mère m’a fait subir durant toute cette période des supplices que je ne peux pas expliquer. (Elle coupe net et fond en larmes durant une bonne dizaine de minutes). Les membres de la famille se moquaient de moi et m’humiliaient à volonté et sans vergogne.
J’ai fini par m’éloigner pour de bon de ma maman. C’est ainsi que je me suis éloignée de ma propre mère, pour de bon. Une de mes amies m’a conseillé, d’aller voir du côté de la médecine traditionnelle. J’ai pris mon courage à deux mains pour aller consulter quelques marabouts. Et la chanson était la même chez ces derniers, qui m’ont tous dit que j’ai été maraboutée. Pis, ils ont soutenu que celui qui m’a maraboutée est un proche et que je le vois tous les jours. Comme je n’avais pas les moyens pour me soigner …. Au cours d’une discussion avec ma mère, elle m’a lancé : «Soda, yalla na nga wop ba adonna bi yeup xam ni wop nga» (Dieu fasse que tu tombes malade jusqu’à ce que tout le monde le sache). Ces propos m’ont tellement affligée que je m’en suis ouverte à ma grand-mère, qui lui a demandé de les retirer. Elle a catégoriquement refusé. Ne pouvant supporter toutes ces tracasseries venant de ma maman, j’ai décidé de quitter la maison familiale. J’ai débarqué chez des parents à Dakar qui m’ont acheminé à l’hôpital Fann où j’ai été internée au service neurologie. Une fois de plus, les diagnostics des médecins traitants n’ont décelé aucune anomalie. Sur ce, j’ai été libérée. J’ai fini par retourner à Tamba. Laissée à moi-même, ma maladie s’est davantage aggravée. (Elle marque un temps d’arrêt, laisse couler des larmes). C’est alors que j’ai assisté impuissante à la paralysie de mes deux membres inférieurs et de ma main gauche. Je suis restée clouée cinq mois durant sur mon lit.
Malgré cette situation, ma mère n’a daigné lever le plus petit doigt, le moindre mot pour me soutenir. De toutes façons, je n’en attendais pas plus d’elle, même si aujourd’hui, je suis déprimée, abattue et réduite à passer une bonne partie de mon temps, soit sur ma chaise roulante, soit dans ma chambre où je fais tous mes besoins naturels, sans assistance aucune. Ma grand-mère qui à un certain moment s’occupait de moi, est malheureusement décédée en 2006. Etant considérée, comme une «plaie», les membres de ma famille ne veulent même pas que des bonnes volontés viennent me voir. Et comme si cela ne suffisait pas, je suis souvent victime d’abus sexuels de la part de certains fils de ma tante. Un jour, l’un d’entre eux est venu me trouver dans ma chambre pour me proposer des rapports sexuels. D’autres membres de la famille profitent de mon sommeil pour voler les modiques sommes que je récolte de ma mendicité. C’est l’occasion pour moi de remercier du fond du cœur le Docteur orthopédiste de l’hôpital régional de Tamba. La chaise roulante qu’il m’a offerte me permet de me déplacer et suis tout de mendier pour survivre. Je profite aussi de l’occasion pour solliciter de l’aide de la part des bonnes volontés. Ce qui me chagrine le plus aujourd’hui, c’est moins ma maladie que le fait d’être traumatisée par ma propre mère».

SOURCE : L’OBS PAPE OUSSEYNOU DIALLO

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