«Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. A qui profite le franc Cfa ?». C’est le livre que nous propose un groupe d’économistes venus de plusieurs pays africains. La cérémonie de présentation de cet ouvrage s’est tenue, le samedi 5 novembre, devant beaucoup d’autorités politiques et de littéraires africains.
A qui profite le franc Cfa ? Est une question rhétorique. Et cela veut dire que si on voudrait se poser cette question, c’est comme si celui qui a créé le franc Cfa n’est pas capable de dire lui-même, qui en profite et qui n’en profite pas. C’est comme si celui qui a créé le franc Cfa était capable de perdre et de garder le franc Cfa. Donc à l’évidence, il est certain qu’il ne profite pas à l’Afrique, ne profite pas à l’économie africaine», a expliqué d’emblée Martial Zébélinga, co-directeur de l’ouvrage.
«C’est un système qui a été créé pour permettre à la France coloniale d’avoir accès aux matières premières»
D’après ses explications, «c’est un système qui a été créé en réalité pour permettre d’abord à la France coloniale d’avoir accès aux matières premières, gagner des marchés, de disposer d’une position géopolitique extrêmement importante. Il y a des ouvrages qui ont été publiés là-dessus et reconnus par les Français à cette époque-là et jusqu’à présent. Le franc Cfa représente aujourd’hui une lourde empreinte, une marque sur les processus démocratiques africains puisque c’est une des institutions majeures qui fonctionnent depuis et de manière anti démocratique, avec des règles que les Africains n’ont pas choisies, et aujourd’hui avec un empilement de contraintes qui sont d’européennes, françaises mais aussi qui sont des contraintes des institutions africaines sans jamais que la parole soit donnée aux Africains».
Donc, dit-il: «En tant qu’anti-démocratique, c’est une monnaie qui est problématique pour l’épanouissement des sociétés africaines. D’un point de vue purement économique, le Cfa en fait oblige la société africaine à accumuler des réserves. Et je vais vous surprendre en vous disant que le 12 octobre 2012 à Dakar, celui qui disait la même chose que je dis aujourd’hui est un monsieur que vous connaissez tous qui s’appelle François Hollande et qui a déclaré à Dakar que les pays de la zone franc devraient davantage utiliser leurs réserves de façon active pour la croissance et pour l’emploi». Et pour terminer ses propos, il a soutenu : «En réalité, c’est une monnaie qui profite à un ensemble de réseau, de groupe d’intérêt principalement les groupes stratégiques français aujourd’hui. Mais malheureusement, c’est un système qui a permis à certaines élites africaines de déterritorialiser des revenus et des ressources africains, de les mettre dans des banques européennes. Et c’est ce qu’on appelle
aujourd’hui les biens mal acquis etc».
Dans un autre registre, Ndongo Samba Sylla, économiste et co- auteur de l’ouvrage précise : «Dans le titre de mon chapitre, je parle de l’émergence, car je pense qu’il est difficile d’émerger c’est-à-dire se développer sur le plan économique avec une monnaie comme le franc Cfa pour plusieurs raisons».
«L’appartenance à la zone franc pose la question de la souveraineté démocratique»
«La première raison, c’est qu’on voit- historiquement parlant -que faire partie de la zone franc Cfa. C’est avoir sur le long terme des taux de croissances économiques très faibles. La seconde raison, c’est qu’appartenir à la zone franc Cfa veut dire être confronté à des transferts de capitaux à grande échelle mais aussi à des transferts massifs de capitaux.
La troisième raison est que lorsque vous avez le franc Cfa, cela veut dire que vous avez une monnaie forte qui pénalise vos exportations, et vous avez aussi un système de gestion monétaire qui te donne uniquement comme objectif de lutter contre l’inflation. Cela veut dire qu’il n’y avait pas assez de crédits en économie, mais aussi de croissance économique ni de création d’emploi».
Enfin, dit-il: «Le dernier argument est que, généralement, les pays de la zone franc étaient très instables dans le sens où les pays sont confrontés à des coups d’Etats. Et de manière générale, on se rend compte que les pays de la zone franc qui sont en Afrique centrale sont des pays qui ne sont généralement pas très démocratiques. Et donc, à ce titre, l’appartenance à la zone franc, pose la question de la souveraineté démocratique».
Source : Le Populaire