Au Canada, trouver un emploi, un financement ou un logement peut parfois nécessiter la vérification de l’historique de crédit et/ou des antécédents judiciaires. Ainsi, le citoyen qui a des démêlés avec la justice, qui s’endette lourdement ou qui ne paye pas ses dettes, dans certains cas, limite ses chances de vivre convenablement dans la société.
Le soufisme, islam authentique, s’intéressant aussi bien aux lois islamiques (Sharia) qu’à l’esprit de ces dernières (Haqiqa), propose des antidotes à ces deux maux que sont les antécédents judiciaires et une situation d’endettement excessif.
Le soufisme, un moyen de prévention pour le justiciable
Dans le Saint Coran, source de tout enseignement soufi, Dieu ne cesse d’exhorter les individus à avoir une conduite irréprochable vis-à-vis de la loi.
Dans la Sourate 16 intitulée Les abeilles (An-Nahl), versets 90, Dieu dit : « Certes, Allah commande l’équité, la bienfaisance et l’assistance aux proches. Il interdit la turpitude, l’acte répréhensible et la rébellion. Il vous exhorte afin que vous vous souveniez ».
Dans le verset 91 de la même sourate, le Maître de l’Univers recommande : « Soyez fidèles au pacte d’Allah après l’avoir contracté et ne violez pas vos serments après les avoir solennellement prêtés et avoir pris Allah comme garant [de votre bonne foi]. Vraiment Allah sait ce que vous faites ».
Dans les démocraties comme celle dans laquelle nous vivons, ce pacte est symbolisé par l’État de droit qui incite les citoyens à respecter les lois civiles, criminelles et pénales qui régissent la vie en société. Ainsi, au Canada par exemple, l’octroi de la citoyenneté exige de l’immigrant qui le souhaite la prestation d’un serment solennel qui réaffirme sa fidélité à la reine, qui symbolise la loi canadienne. Ce cérémonial donne loisir à l’aspirant citoyen d’évoquer un objet sacré qui fait référence à sa spiritualité personnelle. Dans un tel contexte, le respect de la législation comme l’enseigne le soufisme est doublement bénéfique. En plus de la récompense promise dans l’au-delà, la conformité aux lois garantit au fidèle la tranquillité d’esprit sur le plan social et le succès sur le plan professionnel.
Combien de fois, en effet, un fidèle respectueux des enseignements a-t-il pu obtenir un emploi ou un logement grâce à des recherches sur sa personne qui démontrent l’absence d’antécédents judiciaires ou de non-solvabilité?
Pour certains emplois d’ailleurs, un casier judiciaire vierge ne suffit pas. Une enquête de moralité s’avère parfois nécessaire en ce qui concerne le candidat au poste. Or, la morale et l’éthique faisant partie des fondements mêmes de l’enseignement soufi,
qui, mieux que le mouride ou l’aspirant au sens large, peut se conformer à la moralité?
À cet effet, deux qualités bien promues chez les soufis permettent de s’éloigner de tout démêlé avec la justice : la maîtrise de soi et le sens du pardon. Leur absence chez l’humain peut conduire à une transgression des lois. Par exemple, au niveau familial, le manque de maîtrise de soi peut facilement mener l’époux ou l’épouse vers une situation de violence conjugale pouvant générer des conséquences judiciaires désastreuses. Il en est de même pour le manque de pardon. Dans d’autres circonstances, la non-maîtrise de soi peut conduire à des réactions spontanées, voire intuitives, pouvant avoir des conséquences insoupçonnées au niveau criminel. Au Canada, une simple menace verbale peut coûter cher, car étant considérée comme voie de fait du point de vue criminel.
Dans cette même logique, le manque de pardon peut inciter l’individu à vouloir se venger ou se faire justice soi-même, ce que notre société d’accueil ne permet pas.
On comprend dès lors toute l’importance de ces passages du Coran faisant l’éloge des croyants qui font preuve de dépassement et de maîtrise de soi : « Concourez au pardon de votre Seigneur, et à un Jardin (paradis) large comme les cieux et la terre, préparé pour les pieux qui dépensent dans l’aisance et dans l’adversité, qui dominent leur rage et pardonnent à autrui – car Allah aime les bienfaisants » Sourate 3 La famille d’Imran versets 133 et 134.
Dans sa correspondance épistolaire d’une beauté poétique exceptionnelle adressée à son disciple Mahmoud, Cheikh Ahmadou Bamba lui prodigue les conseils suivants : « Lorsque tu es embrasé par la flamme de la dispute, éteins-la alors par l’eau du silence et du détournement. Lorsque tu es piqué par le scorpion de l’adversité, soigne-toi par le pardon et la paix. Si tu es assailli par le serpent de l’animosité, défends-toi en étant prodigue de bons conseils et de générosité. Si tu es enivré par le vin de la colère et de l’envie, abreuve-toi des eaux de l’endurance et de l’ascétisme, ainsi tu seras comblé de bienfaits ». (Extraits du poème Ilhamoul-Wadoud, Inspiration de l’Affectueux (Dieu), une réponse à Mahmoud (Mbéguéré))
Le soufisme, rempart contre un endettement excessif
La question de la dette est très chère à l’islam. Son importance est telle que le Prophète (SAWS) ne dirigeait pas personnellement la prière mortuaire d’un croyant endetté à moins qu’il n’ait des garants sûrs s’engageant à s’en acquitter.
Un fait remarquable permet aussi de mettre en lumière l’importance que notre Seigneur accorde à la question de la dette : le plus long verset du coran en traite dans sa substance. En effet, dans la Sourate 2 (La Vache) verset 285, Allah dit ceci : « Ô les croyants! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, mettez-la en écrit; et qu’un scribe l’écrive, entre vous, en toute justice; un scribe n’a pas à refuser d’écrire selon ce qu’Allah lui a enseigné; qu’il écrive donc, et que dicte le débiteur : qu’il craigne Allah son Seigneur, et se garde d’en ne rien diminuer. Si le débiteur est gaspilleur ou faible, ou incapable de dicter lui-même, que son représentant dicte alors en toute justice. Faites-en témoigner par deux témoins d’entre vos hommes; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler. Et que les témoins ne refusent pas quand ils sont appelés. Ne vous lassez pas d’écrire la dette, ainsi que son terme, qu’elle soit petite ou grande : c’est plus équitable auprès d’Allah, et plus droit pour le témoignage, et plus susceptible d’écarter les doutes. Mais s’il s’agit d’une marchandise présente que vous négociez entre vous : dans ce cas, il n’y a pas de péché à ne pas l’écrire. Mais prenez des témoins lorsque vous faites une transaction entre vous; et qu’on ne fasse aucun tort à aucun scribe ni à aucun témoin. Si vous le faisiez, cela serait une perversité en vous. Et craignez Allah. Alors Allah vous enseigne et Allah est Omniscient ».
Ainsi, on voit que les conditions de l’endettement sont bien encadrées en islam. Examinons maintenant les raisons qui y poussent l’individu.
Selon l’enseignement des ascètes (soufis), il existe un défaut majeur que l’aspirant doit s’efforcer de combattre : l’immensité des besoins.
Bien entendu, dans une société capitaliste, de consommation de surcroit, le caractère continu et illimité des besoins pousse l’individu à s’endetter lourdement.
Le sage et non moins soufi Cheikh Ibra Fall résumait en une phrase la stratégie à adopter pour vivre décemment : travailler plus et limiter ses besoins. En termes macroéconomiques, cela consisterait à augmenter la productivité et l’épargne et à réduire la consommation.
La limitation des besoins constitue donc le gage contre un endettement incontrôlé pouvant mener à la faillite.
Dans son ouvrage intitulé Le collier des perles précieuses (Silkoul Jawahiri), Cheikh
Ahmadou Bamba nous enseigne ces propos du Prophète (PSL) qui nous interpelle tous : « Celui qui se lève le matin avec comme préoccupation majeure les biens de ce bas monde, Dieu attachera à son cœur trois vices : une peur éternelle, un besoin insatiable à jamais et une pauvreté sans limite. » Ces trois vices résument notre vie au quotidien dans une société de consommation d’où la nécessité d’un retour aux sources islamiques avec le soufisme comme moyen pour accéder à notre finalité.
Ne dit-on pas souvent que la fin justifie les moyens?
Moustapha Diop,
Commission culturelle et scientifique de la Dahira Nourou Darayni de Montréal
Courriel : [email protected]
Article paru dans le magazine annuel Nourou Darayni édité au Canada à l’occasion des journées culturelles Cheikh Ahmadou Bamba.
Magazine Nourou Darayni 1 ère édition Juillet 2015.