Le paysage bancaire sénégalais déjà hypertrophié, pourrait bien s’ « enrichir », d’ici à octobre 2011, d’une nouvelle banque. La holding bancaire britannique Standard Bank Group, c’est l’hebdomadaire financier LesAfriques qui nous l’apprend, aurait engagé des négociations sérieuses pour l’acquisition d’un agrément d’implantation au Sénégal. Qu’est-ce qui fait donc courir les banques au Sénégal?
Et de dix huit ? À fin 2009, le système bancaire sénégalais comptait dix-sept banques et deux établissements financiers (soit un nombre total d’établissements de crédit inchangé par rapport à 2008), à la suite de l’octroi d’un nouvel agrément de banque à la société Union Bank for Africa Sénégal et à l’absorption de la Société africaine de crédit automobile par l’établissement financier Alios Finance. La holding bancaire britannique Standard Bank Group, comme nous l’apprend l’hebdomadaire financier Les Afriques, pourrait bien venir grossir les rangs déjà serrés du paysage bancaire au Sénégal. L’attrait du marché bancaire sénégalais a ainsi de quoi susciter quelques interrogations.
Jadis chasse gardée des capitaux français, la santé du secteur bancaire dans la zone Afrique de l’Ouest et particulièrement la zone Franc, aiguise bien d’autres appétits notamment marocains et nigérians, tandis que les « françaises », à quelques exceptions près, semblent perdre du terrain devant des concurrents plus agressifs et mieux armés. Mais le nombre déjà important des établissements ne semble pas émouvoir les banques centrales, censées agir en faveur de la réduction du nombre d’établissements et qui continuent de délivrer à tour de bras des agréments. Qu’est-ce qui fait réellement courir les banques au Sénégal ?
Sénégal : un havre de liquidités
Dans cette dynamique, les conditions d’exercice semblent être un phénomène déclencheur. Dans le prolongement de l’aménagement de son dispositif effectué en juin 2009, la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) a modifié, le 16 mai 2010, les coefficients des réserves obligatoires applicables aux banques. Ce niveau a été ramené de 9 % à 7 % au Bénin et relevé de 3 % à 5 % en Guinée-Bissau et au Togo tandis que les coefficients applicables dans les autres États n’ont pas été modifiés. L’examen de la mise en oeuvre du dispositif des réserves obligatoires met ainsi en évidence une situation de liquidité excédentaire
pour les banques de l’UMOA.
Au 15 décembre 2009, pour un niveau de réserves requises de 493,8 milliards de francs CFA, les réserves des banques effectivement constituées ont atteint 910,7 milliards. Les réserves libres se sont ainsi établies à 416,9 milliards de francs CFA, contre 159,1 milliards un an plus tôt. Cette surliquidité structurelle du système bancaire de la zone franc a certes constitué une protection contre la crise.
Par ailleurs, la Banque centrale vient de relever le niveau du social des établissements bancaires et depuis le 31 décembre 2010, ce capital social minimum est passé de 1 milliard à 5 milliards de FCfa.
L’idée de cette réforme est de renforcer les fonds propres des établissements bancaires et jouer ainsi la sécurité, à la faveur du syndrome de la crise financière. L’activité de banque étant affectée par des risques, pour elle-même et pour ses clients : les profits de la banque doivent servir non seulement à rémunérer ses actionnaires, mais aussi à renforcer les fonds propres, dernier recours en cas de réalisation du risque. Aussi, la nécessité d’éviter le risque d’illiquidité et son corollaire – la panique – permettent-ils de comprendre pourquoi une banque doit détenir un stock de liquidités. Pour bon nombre de spécialistes, cette réforme serait simplement un moyen indirecte d’ « inciter » les banques à se regrouper pour créer des groupes « plus puissants et plus solides » ». Ce sont les petites structures qui risquent de passer à la trappe oligopolistique, entre fusions, acquisitions, absorptions…
Pour les banques, les ambitions sont les mêmes : ratisser large, couvrir tout le pays, conquérir le maximum de clients, intervenir dans les grands projets d’un pays en chantier. La concurrence aidant, les stratégies se multiplient pour apporter la plus-value au service. L’autre forme d’expansion consiste en la mise sur le marché des produits nouveaux : la monétique, le e-banking, les réseaux virtuels, les guichets automatiques. Le confort des usagers préoccupent : mobiliers décents, salles climatisées, multiplication des guichets, personnel affable, etc. On n’oublie pas les facilités offertes pour l’ouverture du compte et même l’octroi de crédit aux personnes et aux entreprises.
Il s’y ajoute qu’une partie non négligeable du bénéfice des banques sénégalaises est généré par les activités de « transfert d’argent ». Toutes les banques du pays sont en effet affiliées à un grand groupe de transfert d’argent international comme Western Union ou Money Gram. Les sommes envoyées au Sénégal par les émigrés partis en Europe ou aux Etats-Unis se chiffrent en centaine de milliards de CFA.
Et alors ?…
Pour les banques, le terreau est donc fertile. Mais cette surliquidité qui les caractérise est en grande partie composée de liquidités « oisives » en abondance, c’est-à-dire qu’elles ne sont plus là où elles sont le plus nécessaires. Les banques concentrent le gros de leurs crédits sur les grosses multinationales, les sociétés parapubliques, etc..
Au Mali, on estime que 83% des micro-entreprises et 72% des petites entreprises font face à des contraintes de financement. Au Sénégal, cette proportion s’élèverait respectivement à 92% et à 90%. La faiblesse des volumes de financement offerts surprend d’autant plus que le niveau des ressources disponibles ne cesse de progresser depuis 1997 au sein du système bancaire sénégalais notamment.
Rapporté au PIB, le ratio des crédits à l’économie s’est certes inscrit en légère hausse (18,8 %, après 18,1 % en 2008). Au Sénégal, les crédits à l’économie ont progressé de 8,7 % en 2009, soit à un rythme sensiblement ralenti par rapport aux deux années antérieures, où la hausse atteignait en moyenne 14 % par an. Et encore, ce sont essentiellement des crédits à court terme (environ 67% de leurs concours à l’économie) qui échoient principalement à leur clientèle la plus dense, constituée par des salariés et de plus en plus de commerçants. Comparé à des pays comme le Nigéria où ils représentaient 34%, au Maroc (77%), ou encore en Afrique du Sud (145%), y a pas photo. Encore que ces pays sont des économies autrement plus solides que celle du Sénégal, ce qui suscite davantage d’interrogations quant à la nécessité d’agréer dans ce dernier pays, autant d’établissements bancaires, même si le système bancaire sénégalais est jugé comme l’un des secteurs les plus performants de l’Union économique et monétaires Ouest africaine(Uemoa) qui regroupe huit pays.
Il n’empêche que, eu égard à l’importance des PME dans les pays de l’Afrique subsaharienne (50% du PIB et de l’emploi), les contraintes de financement ont été considérées par certaines études comme le principal obstacle au développement de ces pays, devant les problèmes de corruption et d’insuffisance des infrastructures.
Dès lors, il semble clair que, si le premier objectif des réformes du système bancaire entamées dans les années 1980, liée à la restructuration (stabilité, rentabilité) des établissements bancaires est atteint, le second qui visait à permettre un meilleur financement de l’économie, reste à l’évidence loin des ambitions des réformateurs. sudonline.sn