A 48 ans, Moustapha Mamba Guirassy est le pionnier de la formation supérieure privée au Sénégal. En 1996, lorsqu’il portait sur les fonts baptismaux l’Institut africain de management dans une petite maison de trois pièces au Point E, il ne se doutait guère du succès de son projet auquel avaient cru moins de vingt étudiants. Depuis lors, des milliers d’étudiants ont été formés dans ce prestigieux business school dont une moitié d’étrangers. Il ne cherche pas très loin pour expliquer le succès que connaissent aujourd’hui les écoles de commerce. « On peut d’abord dire que cela est lié au rôle historique que nos universités ont eu à jouer dans tous les domaines. La destination Dakar était prisée par tous ceux qui voulaient faire une formation en Afrique. Et cela, bien avant l’indépendance. Il y a aussi le rayonnement de nos ressources humaines partout à travers le monde », explique-t-il d’emblée. Et l’avènement des écoles de commerce qui ont « innové », notamment dans l’enseignement de la gestion « qui était extraverti dans nos facultés de sciences économiques », va tout changer. « Il n’y avait pas une promotion du secteur privé national. A mon avis, ce qui fait le charme des écoles de commerce, c’est le partenariat avec le monde des affaires. C’est dans ce domaine que les business school ont innové avec un regard nouveau ». Des bachelors et des masters vont être délivrés pour la première fois aux étudiants en fin de cursus. « Nous avons été les pionniers. L’histoire nous a donné raison parce qu’aujourd’hui tout le monde se met au système Lmd », se réjouit Moustapha Guirassy qui voit d’un bon œil cette évolution dans la formation. Et c’est le privé qui montre la voie à suivre au public. « Aujourd’hui, les écoles de commerce ont orienté la formation dans certaines universités publiques. Ce sont toutes ces raisons qui font de notre pays une destination de premier ordre pour les étudiants étrangers », assure-t-il non sans fierté.
Revers de la médaille
Dix-huit ans après la libération du sous-secteur de l’enseignement supérieur, la machine s’est un peu enrayée. En effet, de plus en plus les étudiants étrangers restent chez eux. « Parce qu’il y a une masse critique de gens qui ont été formés ici et qui reprennent la philosophie des écoles de commerce chez eux », informe Guirassy. Pour s’adapter à la nouvelle donne, la stratégie de certaines écoles de commerce, c’est de s’implanter à l’étranger. « La stratégie de certaines écoles, c’est de s’expatrier dans les pays pourvoyeurs d’étudiants. C’est la raison pour laquelle nous sommes implantés au Mali, au Bénin et au Gabon. Dans la mesure où il y a une limite à la croissance à l’intérieur, on a une politique à l’internationale pour gagner des parts de marché ou en faisant de l’enseignement à distance. D’ailleurs on observe le même phénomène entre la France et le Sénégal. Certaines écoles de commerce françaises ont ouvert des centres au Sénégal », nous apprend le Pdg de l’Iam et non moins ancien ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement de 2009 à 2012.
Cherté
Ce dernier reconnaît volontiers que « l’enseignement supérieur privé coûte cher ». A preuve, « un Mba à Hec ne coute pas moins de quinze millions par an. Alors qu’ici, cela vous revient à deux millions l’an. C’est dire que l’étudiant qui choisit de faire ses études à Dakar réalise des économies. Les gens pensent que c’est en tenant compte du pouvoir d’achat. Mais, si l’on prend en compte le bilinguisme que nous pratiquons, les professeurs étrangers que nous faisons venir de temps à temps, les chefs d’entreprises et les responsables d’organisations internationales qui prennent de leur temps pour venir donner des cours aux étudiants, ce n’est pas cher », fait-il remarquer. Et de poursuivre : « Certains de nos enseignants sont payés entre 15 et 25 000 francs. Alors que nous faisons payer à l’étudiant entre 75 à 80 000 francs. Compte tenu de toutes ces charges qui pèsent sur les écoles, elles ne sont pas chères avec de tels prix. Surtout que les établissements d’enseignement supérieur privé ne sont pas subventionnés ». Toutefois, le Pdg de l’Iam est d’avis que l’Etat pour préserver le label qualité âprement acquis par certaines écoles de commerce, a l’obligation d’assainir le secteur. « Parce qu’il y a une concurrence malsaine », déplore Guirassy, qui estime que les autorités doivent également faire en sorte que « les diplômés du public et du privé soient d’égale dignité. Pour cela, l’Etat doit réformer les textes qui régissent la fonction publique, pour donner aux diplômés du privé leur chance ». Des textes qui datent de 1978, mais qui, malheureusement, « ne tiennent pas compte des diplômés des écoles de commerce ».
Mamadou SARR