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SURTAXE DE TROIS MOIS SUR LES APPELS ENTRANTS Le volume baisse de 82,2 millions de minutes en 3 mois

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Le président a convoqué le 10 août un conseil présidentiel pour remettre sur la table les articles suspendus 6, 7, 8 et 9 du décret portant régulation des appels internationaux entrants. A l’unisson la direction de la Sonatel et les syndicalistes ont réitéré leur ferme opposition à un tel projet. Dans ce combat des arguments, ils font face à l’Etat et au président de l’Ascosen, Momar Ndao.

Les appels entrants surgissent de nouveau dans l’espace public à la faveur de l’annonce du président de la République de revenir sur la suspension du décret créant une surtaxe sur le trafic international entrant lors du conseil présidentiel sur la Sonatel tenu le mercredi 10 aout. Pour justifier ce revirement, le président dit dans son allocution que la suspension du décret était destiné à « éviter une épreuve de force dont les travailleurs seraient victimes. Depuis cette suspension, l’Etat a pris « le temps d’étudier les arguments de la Sonatel et de recueillir différents avis ». Ce temps de réflexion a permis, d’après le Président de la République, d’évaluer les pertes de l’Etat. « De la suspension à ce jour, soit 12 mois, l’Etat a perdu 60 milliards de Fcfa dont nous avons pourtant grandement besoin », assène le chef de l’Etat à l’adresse de ses interlocuteurs.

Le président de l’association des consommateurs du Sénégal Momar Ndao défend la position du gouvernement et dit ne pas comprendre celle de la Sonatel qui ne veut pas qu’on touche le trafic international entrant. « Je ne peux pas comprendre que le Directeur général de la Sonatel demande lors du Conseil présidentiel au Président de la République de ne pas créer de surtaxes sur les appels entrants tout en lui demandant d’augmenter l’impôt sur les sociétés ». Ce qui de l’avis de Momar Ndao est curieux parce que dit-il, ça équivaut à défendre les émigrés et les institutions internationales au détriment des consommateurs nationaux. En outre, selon M. Ndao, l’Impôt sur les sociétés (Is) ne rapporterait à l’Etat que 15 milliards de Fcfa « alors que l’Etat a un besoin de 60 milliards ». Comment un Etat peut-il exprimer un besoin de 60 milliards sur le chiffre d’affaires d’une société de droit privé ? La fixation des prix est une décision souveraine de l’entreprise, répond Mamadou Aïdara Diop. L’argument principal brandi par les « Sonatéliens », relève le consumériste était axé sur les risques de renchérissement du coût des appels entrants qui in fine va faire baisser le volume du trafic. Or le rapport annuel 2010 de la Sonatel fait remarquer que « les balances internationales entrantes ont une contribution de 20.9% aux revenus du groupe avec une croissance de 12.52%, soit + 13.9 milliards de Fcfa ». Il indique également : « la croissance des revenus du Sénégal est essentiellement tirée par les balances internationales (+ 11.4 milliards de Fcfa), l’activité mobile (+6 milliards de Fcfa) internet et données (+ 2.4 milliards de Fcfa) qui compensent les baisses de l’activité fixe (- 3.1 milliards de Fcfa), l’interconnexion nationale (- 2.3 milliards de Fcfa) et les liaisons louées (- 1.2 milliards de Fcfa). » Suffisant pour que Ndao souligne que la Sonatel utilise un argument éculé pour ne pas se plier à la décision de l’Etat. A cet égard les services financiers de la Sonatel reconnaissent « bien qu’il y a eu une hausse de près de 11 milliards des balances internationales ». Cependant notent-ils « dans ce montant la part liée au trafic entrant terminal concerné auquel s’applique le tarif de terminaison est de 5 milliards ». Ils ajoutent : « cette hausse de 5 milliards (et non 11), alors que les volumes en minutes ont baissé de 8,5%, est due à l’augmentation du tarif de terminaison de 13% faite par la Sonatel à la fin 2009 (septembre) et destinée à aligner les tarifs du Sénégal sur ceux des autres opérateurs. Cette baisse des volumes provoquée par la hausse des tarifs confirme bien notre thèse ».

Dans le rapport 2010, il est écrit que « le trafic arrivée international avec 866 millions de minutes est en baisse de 8.5%, soit 82,2 millions de minutes de moins qu’en 2009 ». Cette baisse s’explique principalement selon le rapport « par les perturbations occasionnées sur le second semestre 2010 par l’instauration de la surtaxe sur les appels internationaux entrants (du 1er août au 19 novembre) ». Ainsi, d’après les financiers sur la période d’application de la surtaxe qui va de août à la mi novembre 2010, (soit à peine 3 mois) il y a eu une baisse en volume de 15% et en valeur de 10% par rapport à la même période de 2009. En l’occurrence, la baisse en valeur « a été limitée par la hausse du tarif de septembre 2009 qui a eu un effet au cours de l’année 2010 ». En outre, ajoutent-ils, la hausse des tarifs de terminaison de 60% provoquera bien une baisse progressive du volume de trafic allant jusqu’à 33 à 50%.

Pour la Guinée, le rapport indique aussi que les balances internationales ont enregistré une croissance de 51%. Cette croissance est due « à l’ouverture de nouvelles localités permettant aux populations des nouveaux sites de recevoir du trafic de la diaspora guinéenne », analyse le document.

Au-delà de l’augmentation des tarifs sur les appels entrants que pose la surtaxe, elle remet en scelle en même temps le contrôle du volume de ce trafic. Une exigence que réclame le président de l’Ascosen Momar Ndao qui réaffirme que le contrôle doit être effectué par un organisme externe. En l’occurrence, il doit être effectué par l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) qui clame qu’elle n’en a pas les moyens. M. Ndao abonde dans le même sens : « L’Artp n’a pas les moyens de faire le contrôle. Il ne s’agit pas que de moyens financiers, c’est aussi une question de ressources humaines », réitère M. Ndao. Un argument rejeté par Aidara qui trouve « scandaleux » une telle affirmation au regard des redevances que perçoit l’Agence auprès des opérateurs de téléphonie ainsi que des prérogatives que lui confère le code des télécoms. Celui-ci lui permet de commanditer des contrôles aux frais de l’opérateur rappelle M. Diop. En effet le code stipule que « les comptes et les états de synthèse dégagés, au plus tard dans les trois mois suivant la date de clôture de l’exercice comptable, sont soumis annuellement pour audit à leur propre frais, à un organisme désigné par l’Artp. Le dit audit a pour objet de s’assurer que les Etats de synthèse présentés reflètent, de manière sincère et régulière les coûts, produits et résultats de chaque réseau exploité ou de chaque service offert ». Cet audit inclut un « contrôle technique » y compris le volume du trafic international, selon Mamadou Aidara Diop.

En défenseur impénitent de l’entreprise la plus performante du pays, les syndicalistes sont toujours à l’avant-garde pour défendre le maintien de la compétitivité de la société. En revanche, ils sont moins tenaces dans la défense des intérêts des consommateurs notamment les tarifs sur le trafic interne du mobile. Malgré son chiffre d’affaires Sonatel Orange Sénégal est le seul opérateur qui reprend le crédit vendu à ses clients au bout d’un ultimatum de quelques jours.

Destination des 60 milliards que doit générer la surtaxe
Le fonds ne sera pas géré par le Trésor public, selon Wade

Lors du Conseil présidentiel sur la Sonatel, le Président de la République a décliné les mécanismes d’utilisation du fonds que va générer une éventuelle surtaxe sur les appels entrants. Il révèle qu’il ne va pas le donner au Trésor. « Je vais le donner à un fonds qui sera géré par un comité de gestion composé des représentants de l’Etat, des travailleurs, et des associations de consommateurs », dit-il. Il ajoute : « le gouvernement a réfléchi sur un plan d’utilisation des 60 milliards et propose une clé de répartition :10 milliards versés dans le fonds de soutien de l’habitat des émigrés pour l’acquisition de parcelles, la viabilisation et pour aide à la construction ; 10 milliards destinés à la case des tout petits dans les villages qui n’en ont pas ; 2 milliards dans la mutuelle des employés du secteur des communications ; 20 milliards à verser au fonds de l’énergie ; 8 milliards pour les Cyber cases ; 05 milliards dans le numérique : ordinateurs ; 05 milliards dans les forages ». Mais Mamadou Aidara Diop s’interroge : « avant d’épiloguer sur la destination des 60 milliards qui ne sont pas encore disponibles qu’est-ce qui a été fait des 14,8 milliards versés par la Sonatel durant les trois mois de l’application de la surtaxe ? » A la suite mot du président, le Directeur général de la Sonatel Cheikh Tidiane Mbaye a réitéré son opposition au projet « M. le président je suis contre le projet comme l’est le conseil d’administration ». En effet, rappelle Aidara Diop, le conseil d’administration dans lequel siègent des représentants de l’Etat (le Directeur du budget, le conseiller spécial du président Thierno Ousmane Sy, le représentant de l’armée) ont voté contre la surtaxe. Il ajoute qu’afin de contrer le projet, les syndicalistes « vont maintenir la mobilisation comme l’année dernière ».

Aliou NIANE


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