Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général du Ps : Pourquoi une candidature unique est impossible
Il n’a pas participé aux manifestations du 23 juin à Dakar et aux Etats-Unis. Il en a été empêché par ses réunions avec certains de ses camarades de l’Internationale socialiste présents à l’assemblée générale des Nations unies. Ousmane Tanor Dieng en a profité pour demander des soutiens politiques auprès de ses pairs afin que les élections présidentielles et législatives sur le continent africain se passent dans la transparence et la régularité afin que le nombre de chefs d’Etat et de gouvernement socio-démocrates augmentent dans le monde. Dans cette interview qu’ils nous a accordée, hier, lors de son escale à Paris où il a rencontré ses camarades socialistes français et ses militants parisiens, le Secrétaire général du Ps est revenu, entre autres, sur le processus de désignation de la candidature de l’unité de Bennoo Siggil Senegaal.
Wal Fadjri : Vous venez de l’Assemblée générale des Nations-Unies où vous avez rencontré certains de vos camarades de l’Internationale socialiste. Vous avez parlé des élections en Afrique et j’imagine aussi au Sénégal. Pourquoi ?
Ousmane Tanor Dieng : Après l’ouverture de l’Assemblée générale, le troisième de chaque année, la première semaine est consacrée aux interventions des Chefs d’Etat. Et parmi ces Chefs d’Etat et chefs de gouvernement, il y a quelques-uns de nos camarades qui, il y a un an encore ou un peu plus, étaient dans l’opposition, en plus de ceux qui étaient déjà au pouvoir depuis quelques années. Nous profitons de cette occasion pour les rencontrer vers la fin de leur séjour en une réunion entre le Présidium de l’Internationale socialiste, c’est-à-dire les présidents et vice-présidents et le coordonnateur de l’Internationale socialiste au niveau continental. Nous échangeons avec ces camarades, anciens leaders de l’opposition, devenus chefs d’Etat et chefs de gouvernement sur leurs expériences de l’exercice du pouvoir, les difficultés qu’ils rencontrent, les réalités dans une mondialisation capitaliste, leurs inquiétudes et leurs peurs. Nous aussi, nous leur parlons des difficultés que nous rencontrons dans l’opposition dans laquelle nous sommes. Cet échange nous permet chaque fois d’être mieux informés des états nationaux dans le monde. A la suite de ces échanges, nous leur demandons leur solidarité, leur soutien dans les élections que nous aurons – soutien politique s’entend bien sûr – pour que les élections soient transparentes, régulières, que ces chefs d’Etat et de gouvernement se fassent l’échos de nos préoccupations. Je crois que nous les soutenons dans les difficultés dans lesquelles ils sont, notamment en Grèce avec le président Papandréou. On avait tenu un Conseil là-bas. Le peuple grec avait fait d’énormes sacrifices, mais aujourd’hui se retrouve à la case départ. Cela veut dire que les mesures qui sont prises ont un caractère cosmétique et ne touchent pas au fond leurs problèmes, c’est-à-dire faire face au capitalisme financier. Elles ne s’occupent que du court terme, en réalité la spéculation financière de la bourse au lieu de s’occuper de l’économie réelle. Je crois que c’est ça le fond du problème auquel nous sommes confrontés.
Pour notre cas, en Afrique, il y a d’ici à une année, une trentaine d’élections présidentielles et législative. Dans la plupart de ces pays, des partis socio-démocrates sont impliqués. Nous voulons avoir le soutien et l’appui de nos camarades pour que nos élections soient transparentes, régulières. A ce propos, nos camarades doivent se faire l’écho de nos revendications et nous apporter toute la solidarité, tout le soutien qu’ils peuvent. De ce point de vue, ils se sont engagés à faire preuve de solidarité à notre égard, à nous soutenir dans le combat que nous menons pour que, année après année, le nombre de chefs d’Etat, de gouvernement, socialistes ou socio-démocrates augmente en Afrique pour élargir la famille politique que nous constituons qui est la plus grande famille politique au monde.
Peut-on alors affirmer que vous étiez allé chercher un soutien ?
Oui, nous étions allés chercher la solidarité et le soutien de nos camarades. Mais il faut entendre par soutien, soutien politique. Il ne s’agit pas de soutien financier, mais plutôt de soutien politique et moral, notamment qu’ils dénoncent partout les exactions qu’il y a. Par exemple, il y a ce qui est en train de se passer au Cameroun où, pratiquement, il y a une camisole de force mise en place qui conduira inéluctablement à une élection de Paul Biya. Le cadre est antidémocratique. Il vaut mieux prévenir que guérir parce que si on ne le fait pas, ce qui est arrivé en Tunisie, en Egypte où les élections ont été gagnées à plus de 80 %, quelques mois après il y a eu la rue qui a pris le pouvoir. Et il peut s’en suivre une guerre civile, il peut s’en suivre des conflits. Il faut prévenir et éviter cela, sinon ils peuvent créer les conditions pour gagner en utilisant les deniers de l’Etat, en utilisant les moyens de l’Etat, mais en définitive, on finit par ce qui se passe dans les pays d’Afrique du Nord.
‘Dans le cadre du M23, le Ps n’est pas ostracisé. Nous ne l’aurions pas accepté évidemment.’
Vous avez aussi rencontré vos camarades socialistes français. Est-ce que c’est pour chercher le même soutien politique ?
Avec nos camarades socialistes qui sont des chefs d’Etat et chefs de gouvernement, le but de l’exercice, c’est qu’on sache un peu, nous qui cherchons le pouvoir, les difficultés en exerçant le pouvoir. Par exemple, il y a un d’entre eux qui nous a dit que la situation est telle qu’il a très peu d’espoirs de respecter les engagements qu’il a pris tellement la marge de manœuvre est faible. C’est bon pour nous de le savoir. Il nous a dit : ‘Attention, ne faites pas de promesses que vous ne pourrez pas tenir parce que la conjoncture mondiale est mauvaise et elle va empirer. Il ne faut pas que vous promettiez n’importe quoi.’ Ça, c’est le plus important. Maintenant la partie qui concerne leur soutien, leur solidarité, est une partie importante. Ici aussi, avec nos camarades français, bien sûr nous les avons félicités de cette succession de victoire des cantonales, des régionales, des municipales et aujourd’hui les sénatoriales. C’est remarquable et, à quelques mois des élections, c’est encourageant. Nous sommes aussi dans une dynamique victorieuse et nous espérons que, dans six mois, après Mitterrand, on aura un président socialiste. Ils sont aussi dans les primaires.
J’ai essayé de faire le point avec eux pour savoir comment ça se passe. Ils ont eu un premier débat qui s’est passé de manière très civilisée. Et aujourd’hui (hier, Ndlr), ils ont un autre débat et un autre au deuxième tour. Tout ceci doit se passer dans le fair-play, dans le respect mutuel. Une fois qu’ils auront fini les primaires, ils se mettront tous derrière le candidat élu. C’est ça qu’ils m’ont dit et ça me rassure beaucoup. Ils nous aussi demandé de faire tout, au Sénégal, pour avoir un candidat du rassemblement et d’unité le plus large possible à défaut d’avoir un candidat unique. C’est ça qui permet d’avoir une force motrice, une force entraînante. Et il faut utiliser tous les moyens possibles – eux ils parlent de consultation citoyennes comme ils le font ici. Je leur ai dit que nous cherchons le consensus et je pense qu’on y arrivera. Mais ils m’ont dit de trouver les formes démocratiques pour avoir un candidat de rassemblement et de l’unité parce que c’est ça qui va nous donner de meilleures chances de gagner à défaut d’être dans le deuxième tour et gagner.
Vous avez aussi rencontré vos camarades socialistes à huis clos. Qu’est-ce que vous vous êtes dit ?
C’était une rencontre qui m’a donné beaucoup de satisfaction en raison de la présence massive des jeunes, les jeunes cadres, la première génération d’immigrés. Ils sont venus extrêmement nombreux, déterminés à se battre. J’étais venu d’une part pour leur rendre compte de la situation dans le pays, de l’évolution du processus qui va nous conduire à un candidat de l’unité et du rassemblement et eux, me faire le point sur les inscriptions sur les listes électorales, de l’état de leur mobilisation et leur demander d’être ouverts, généreux, disponibles, rassurants à l’égard de tous les Sénégalais vivant en France pour les amener à nous accompagner dans le combat, de renforcer l’unité de Bennoo ici en France, de continuer à manifester contre les injustices, les atteintes à la démocratie et aux libertés dont Wade est l’auteur.
Aux Etats-Unis, des Sénégalais ont manifesté pour dénoncer, entre autres, la candidature du président. Vous étiez là-bas en ce moment. Pourquoi n’avez-vous pas participé à cette manifestation ?
Au moment de la manifestation, j’étais aux Nations unies. Mais mes camarades ont participé. J’étais dans les rencontres entre les Chefs d’Etat et de gouvernement. J’ai mis là-bas 72 heures. Le jour de la manifestation, c’était justement un jour de réunion. C’est ça qui a fait que je n’ai pas participé à la manifestation. Mais, mes camarades y ont pris part. Je crois qu’ils ont indiqué une fois encore qu’il (Wade, Ndlr) n’avait pas droit à un troisième mandat, qu’il ne devait insister, persister au risque de conduire le pays dans le chaos. On a vu encore aux Etats-Unis comme on le voit ici les libéraux se tirer les uns sur les autres pour des problèmes d’argent, où il y a un dîner (aux Etats-Unis) dont on dit qu’il a coûté 150 mille dollars. C’est inadmissible. Il y a aussi ces 50 000 dollars dilapidés par l’un d’entre eux. Ça donne un spectacle lamentable pour notre pays avec tout cet argent qui est gaspillé. C’est tout à fait honteux et ça donne une idée de ce qui va être comme une débauche d’énergie et d’argent lors des élections présidentielles si pour New York seulement, ce sont des centaines de milliers de dollars qui ont été dépensés.
‘La candidature unique n’est pas possible parce qu’il y a déjà des membres de Bennoo qui sont pour une candidature plurielle. Moi, je suis pour la candidature de rassemblement et de l’unité.’
Sont-ce ces mêmes raisons qui expliquent votre absence lors de la manifestation du 23 septembre à Dakar ?
Bien sûr ! Comme vous le savez, j’étais à New-York. Donc je ne pouvais pas participer à cette manifestation du 23 septembre. Mais, là aussi, mes camarades y ont pris part, ont bien participé, ont bien mobilisé.
Durant cette manifestation, une partie des militants du Ps ont dit que leur parti avait été ostracisé. Avez-vous des nouvelles ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je crois que ce n’est pas exact. Je crois qu’au niveau du M23, on avait voulu donner la parole au peuple. Ce sont des Sénégalais lambda qui devaient intervenir. Pour cela, il fallait choisir quelques leaders. Je crois qu’ils ont choisi trois parce que tous les leaders politiques, de la société civile – il y avait une centaine – ne pouvaient pas intervenir. Comme la dernière fois, je suis intervenu, cette fois-ci, ils ont choisi d’autres et il n’y a pas de problème. De toutes les façons, ça, ce n’est pas important dans une telle manifestation. Ce qui est important, c’est qu’on se mobilise, qu’on travaille. Dans le cadre du M23, le Ps n’est pas ostracisé. Nous ne l’aurions pas accepté évidemment. C’est faire mauvaise querelle au M23. C’est vouloir encore nous diviser, nous opposer les uns contre les autres. Mais ils n’y arriveront pas. Ce qui est important, c’est que nous sommes en train de travailler, nous sommes en train de rechercher méthodiquement, séminaire après séminaire, un candidat de l’unité et du rassemblement. Je pense, comme prévu, nous y arriverons à la fin du mois d’octobre avec le comité ou le groupe de facilitation qui a été mis en œuvre et qui, d’après mes sources, a commencé à travailler à partir du 26. Jusqu’au 10 octobre, ils feront le tour des parties prenantes, des membres de Bennoo, feront une évaluation de ce que veulent les membres qu’ils auront rencontrés les uns après les autres. Autour du 10 octobre, il y aura une évaluation qui va être faite. Après cette évaluation, ils vont examiner les positions pour voir si elles sont rapprochées, divergentes et s’il y a des chances de trouver un consensus.
Et le 15 octobre, un exposé va être fait aux leaders et indiquer l’état de la situation au sein de Bennoo dans le cadre d’une recherche d’un consensus. Si après cela, ils sont suffisamment bien avancés, qu’ils sont dans la bonne direction, maintenant, il y aura une période de deux semaines pour créer le consensus. Je crois que c’est une démarche qui est bonne et qui permettra, si Dieu le veut, si nous avons un esprit de dépassement, de trouver une formule qui satisfasse tout le monde parce que nous avons défini un profil, un ensemble de critères à partir desquels on pourra avancer. Mais ce n’est pas facile, il ne faut pas le cacher. C’est difficile parce que nous voulons un candidat consensuel. Le consensus, ça demande une discussion approfondie, longue et sérieuse pour trouver la formule appropriée. Je ne fais pas partie de ceux qui disent que, de toutes les façons, les gens ne s’entendront pas, qu’on perd du temps et qu’il fallait… (Il se répète sans terminer la phrase). Si on l’avait fait, ils nous auraient dit : ‘Vous ne voulez pas vous entendre, vous n’avez pas pris la peine de discuter.’ Si on discute, ils nous disent que ça prend trop de temps. Je comprends leur impatience. Mais nous sommes des gens suffisamment responsables. Qu’on nous laisse travailler. Je pense qu’on peut trouver une formule utile, bonne pour chacun d’entre nous et surtout pour le pays.
Il y a une vidéo qui circule sur Internet où vous dites que vous êtes contre la candidature unique…
Je ne savais même pas qu’il y avait une vidéo qui circule. De toute façon, ceux qui font circuler cette vidéo ne pourront jamais dire que je l’ai dit quelque part. Au contraire, je suis l’un des plus grands défenseurs de la candidature de l’unité et de rassemblement. La candidature de l’unité et de rassemblement est différente de la candidature unique. La candidature unique n’est pas possible parce qu’il y a déjà des membres de Bennoo qui sont pour une candidature plurielle. Moi, je suis pour la candidature de rassemblement et de l’unité. Cette candidature de l’unité et du rassemblement, nous sommes en train de la chercher parce que nous avons fait une première déclaration le 28 mai qui fixe un peu notre plateforme.
A la suite de cela, nous avons eu un deuxième séminaire qui a eu lieu la semaine dernière à la suite duquel, nous avons défini les critères et le profil. Nous avons mis en place une commission qui est chargée de faciliter cette recherche de consensus. Voilà comment on travaille. Moi, je ne suis pas du genre à dire des choses différentes en aparté et en public. Ce que je dis, je le dis clairement. Maintenant, l’intoxication, la désinformation des gens qui ont été toujours contre le Ps, qui disent : ‘Tout sauf le Ps’ ; ‘Jamais le Ps’ ; ‘Il ne faut pas restaurer l’ancien régime’ ; je n’écoute pas ces gens-là. En réalité, objectivement les gens qui disent cela travaillent pour Abdoulaye Wade. Ils veulent déstabiliser le M23, décrédibiliser certains membres. Au Ps, nous avons montré notre constance, notre crédibilité, notre foi dans le pays depuis onze ans que nous sommes dans l’opposition. On nous a jamais pris en défaut de ne pas tenir notre parole ou de ne pas faire ce que nous avons dit.
Il paraît que le comité central du Ps se tient samedi prochain. Quel est son objet ?
Il y aura d’abord le bureau politique le jeudi et le samedi il y aura le comité central. Nous sommes un vieux parti, structuré qui a des méthodes de prise de décision qui sont démocratiques. Il faudra que, avant de rencontrer les facilitateurs, le parti réponde à deux questions : d’abord est-ce que le parti va être candidat à la candidature ? Il faut répondre. Si c’est oui, ensuite qui sera le candidat à la candidature et sur ces deux questions, le parti va respecter les procédures classiques de prise de décision dans le parti. Cela veut dire que c’est la base qui va décider si le parti sera candidat à la candidature et qui sera candidat à la candidature.
‘Des gens comme Robert Bourgi, il faut s’en méfier. Ils font tord à la politique sénégalaise de manière générale’
Si votre parti décide qu’il sera candidat à la candidature, seriez-vous candidat ?
Si le Ps dit qu’il y aura un candidat à la candidature, en ce moment là il va être demandé à ceux qui veulent être candidats à la candidature de se présenter. Si ces candidats à la candidature sont connus, le parti prendra une décision. C’est en ce moment seulement, lorsque le parti veut qu’il y ait un candidat à la candidature, que je vais me prononcer.
Est-ce qu’il y a une possibilité que le Ps dise qu’il ne sera pas candidat la candidature et veuille son propre candidat à l’élection présidentielle, c’est-à-dire que le Ps aille seul aux élections ?
Non, le parti ne dira pas ça. Je pense que le parti est logique, le parti est cohérent. Le parti a toujours travaillé pour que nous choisissions ensemble le candidat qui pourra nous faire gagner. Mais, dans le cadre d’une équipe. Je pense que tous les partis répondront à la question de savoir comment ils voient l’équipe. Il s’agit de se battre ensemble, de gagner ensemble et de gérer ensemble. Voilà ce que nous voulons faire. C’est cela qui va constituer la rupture. Il ne s’agit pas d’un régime personnel comme celui d’Abdoulaye Wade. C’est pourquoi la formule souvent utilisée et prêtée au Général de Gaulle, selon laquelle une élection présidentielle, c’est la rencontre entre un homme et un peuple est une formule dangereuse. Dangereuse parce que si c’est une rencontre entre un homme et un peuple, une fois que la rencontre sera faite, tout se passera entre cet homme-là et ce peuple-là et non plus en équipe. C’est ça qui conduit à la personnalisation du pouvoir parce que, comme Abdoulaye Wade l’a dit : ‘Vous m’avez élu, mais c’est moi l’élu.’ Et à partir de ce moment-là, c’est lui, son parti, son clan qui décident. C’est pourquoi nous voulons opérer une rupture pour que les gens raisonnent en terme de programme, en terme d’équipe. C’est cela qui n’est pas bien établi dans l’esprit des Sénégalais. Si nous continuons à dire que c’est la rencontre entre un homme et un peuple, ce sera la meilleure manière, demain, de personnaliser le pouvoir, de privatiser le pouvoir et s’en plaindre en ce moment-là.
Que pensez-vous de la rétractation de Robert Bougi qui avait cité le président Wade dans la valse des mallettes de billets entre des présidents africains et des présidents français, notamment Jacques Chirac ?
(Rires) J’avais été interrogé sur cette question-là. J’avais dit que je ne peux pas prêter foi à quelqu’un qui dit quelque chose et qui dit qu’il n’a pas de preuves. Les gens m’avaient dit que je n’étais pas dans la tendance des Sénégalais, qu’il faut condamner. J’ai dit que je ne peux donner foi et crédit à des propos dont l’auteur dit qu’il n’a pas de preuves. La suite m’a donné raison. Il a dit que les déclarations qu’il a faites, il les a faites sous le coup de l’émotion. C’est quand même étonnant et inacceptable qu’il dise des choses comme ça. Pour moi, des gens comme ça, il faut s’en méfier. Ils font tord à la politique sénégalaise de manière générale. Il faut s’en méfier au lieu de nous attarder à leur propos parce qu’ils peuvent se dédire le lendemain. Maintenant si des actes de cette nature existaient au niveau d’autres chefs d’Etat africains, bien sûr qu’il faut les condamner, condamner la françafrique, et établir avec la France et les Européens de manière générale une véritable rupture que nous avons définie dans le cadre des Assises nationales.
On sait que vous avez été dans les arcanes du pouvoir et que vous savez beaucoup de choses. Est-ce qu’il n’y avait pas de valse de valises de billets entre le Sénégal et la France au moment où vous étiez au pouvoir ?
Non, pas du tout. Parce que, d’abord, nous n’avions pas les moyens et ce n’était pas notre pratique de faire des choses de cette nature. Cela ne nous a jamais été demandé et cela n’a jamais été fait.
Les délestages continuent malgré les promesses du président de la République d’en finir au mois septembre. Qu’en pensez-vous ?
Je crois que l’échec le plus patent du président Wade, c’est la question de l’énergie. Vous vous souvenez bien qu’il y avait un accord entre le Sénégal et Hydro Québec-Hélyo. Le gouvernement d’Abdoulaye Wade, après l’avènement de l’alternance, a commencé par dénoncer ce contrat alors qu’il aurait pu exiger d’Hydro-Québec-Hélyo le respect de la convention. Alors qu’il n’y avait pas un an qu’elle a été mise en œuvre. S’il l’avait demandé et qu’Hydro-Québec-Hélyo ne respectait pas la convention, c’était à Hydro-Québec-Hélyo de nous verser les 43 milliards qu’on avait déjà donnés plus même des indemnités. Au lieu de faire cela, il dénonce le contrat, rembourse les 43 milliards et quelques autres milliards. Ensuite il s’est engagé dans des dépenses sans fond sur la Senelec évaluées, avant le plan Takkal, jusqu’à des centaines de milliards – 800 milliards dit-on. Voilà que le plan Takkal ajoute encore plus de 600 milliards.
Malgré tout cela, aujourd’hui encore, nous sommes dans la même situation, ou dans une situation même pire, où il y a des délestages. Evidemment, comme tout passe par l’énergie, s’il n’y en pas, il n’y a pas de fonctionnement de l’économie. Et les conséquences font que notre pays a plus d’un point de croissance en moins. C’est une situation catastrophique. C’est ça qui fait que le bilan de ce gouvernement de Wade ne peut pas être positif, ni même globalement positif. Ils ont beau faire leur bilan, mais chaque Sénégalais fait son propre bilan sur son pouvoir d’achat, sur l’éducation de ses enfants, sur la santé ; l’agriculteur sur le commercialisation de ses produits ; le fonctionnaire, le salarié sur son pouvoir d’achat. Et le bilan de chaque Sénégalais est un bilan négatif. Et ce gouvernement va être sanctionné pour ça. Ce qui a eu lieu, d’ailleurs, avec les élections locales, avec le rejet du régime de Wade. Je suis persuadé que, en 2012, pour l’intérêt de notre pays, s’il ne quittait pas le pouvoir avant, il va être balayé.
La population a beaucoup d’attente sur cette question. Si vous êtes élu, quelle sera votre solution ?
Ma solution, c’est ouvrir le capital et avoir un partenaire stratégique. C’est ça qu’il faut faire. D’ailleurs, avec la mondialisation que nous avons, travailler comme le fait ce gouvernement en étant un gouvernement libéral qui prévoit de nationaliser à nouveau, c’est totalement insensé. Bien sûr, il faut la présence de l’Etat dans les entreprises nationales, mais il faut aussi un partenaire stratégique pour avoir plus de moyens et la meilleure gestion dans la plus grande transparence possible. Donc, c’est vers un partenaire stratégique qu’il faut aller dans l’ensemble de ces entreprises-là, comme on l’a fait avec la Sonatel et qui a donné de bons résultats, comme on l’a fait aussi pour l’eau. Maintenant avoir la présence de l’Etat qui permet de tenir compte de l’intérêt général.
Propos recueillis à Paris par Moustapha BARRY