L’échec de Abdoulaye Bathily à la présidence de l’Union africaine est aussi une «défaite de la diplomatie sénégalaise». C’est la lecture de Thierno Bocoum. Le chargé de la communication de Rewmi invite le gouvernement à en tirer «toutes les conséquences», mais aussi «les leçons». A quelques mois des Législatives, le député fait le bilan de la 12ème Législature. «La rupture n’a pas été au rendez-vous», dit-il.
L’échec de la candidature de Abdoulaye Bathily à la présidence de l’Union africaine est-elle une défaite de la diplomatie sénégalaise ?
Comme vous l’avez dit, c’est une défaite de la diplomatie sénégalaise. Il faut en tirer toutes les conséquences et surtout les leçons. Nous avons l’impression qu’on a une diplomatie passive. En réalité, dire que certains pays de la Cedeao se sont désolidarisés du Sénégal est un constat d’échec. Puisqu’il fallait anticiper sur ce résultat pour qu’on ne soit pas dans cette surprise. Je pense que le Sénégal doit davantage huiler ses rapports avec ses voisins.
L’opposition ne cherche-t-elle pas à politiser la situation ?
Il ne s’agit pas de politiser la situation. Lorsque le Sénégal a un candidat, ce dernier est celui de tous les Sénégalais. Nous aurions souhaité qu’il y ait une victoire de Abdoulaye Bathily, mais bien entendu les conditions qui devraient aboutir à ce résultat doivent être encadrées par le gouvernement. Il reste entendu qu’il n’appartient pas à l’opposition d’aller parler avec ces Etats-là. Il appartient au président de la République, qui est le chef de la diplomatie, de faire le travail nécessaire. On a l’impression aujourd’hui que la situation est une grosse surprise et c’est ça qui est inquiétant. Parce qu’on ne peut pas comprendre à ce stade de responsabilité comment, sur une question aussi sérieuse, un gouvernement peut être surpris de cette manière jusqu’à, d’une manière violée, proférer des menaces. Je pense qu’il faut savoir raison garder, retravailler la diplomatie et poursuivre nos bons rapports avec nos voisins. Mais de façon générale, privilégier le dialogue Sud-Sud, car notre pays est plus tourné vers la coopération et le dialogue Nord-Sud. Aujourd’hui, chaque pays du monde, de manière géostratégique, cherche à se positionner selon ses intérêts. On ne peut pas se permettre de vouloir imposer à un pays souverain d’adopter une position quelconque.
Comment se porte Rewmi, votre formation politique ?
Rewmi se porte très bien. Comme vous le savez, c’est une formation politique ancrée dans l’opposition et connue pour ses positions sur toutes les questions qui concernent le pays. Nous ne cesserons jamais de le répéter : Rewmi est un parti libéral qui s’inscrit dans la liberté, la responsabilité et qui fait tout pour mettre en avant les intérêts des populations. Nous sommes présents dans les débats politiques, surtout le terrain et à l’écoute des Sénégalais pour recueillir leurs préoccupations afin de préparer un programme alternatif pour que le Sénégal puisse avoir des lendemains meilleurs avec le président Idrissa Seck.
Beaucoup de vos responsables sont partis grossir les rangs du parti au pouvoir, l’Apr. N’y a-t-il pas un vide autour de Idrissa Seck ?
Il n’y a aucun vide. Tout au contraire, nous avons une équipe de compétence prête à l’exercice du pouvoir autour du président Idrissa Seck. Comme vous le savez, en politique, chacun est libre de choisir son camp. Tout le monde peut constater que le président Idrissa Seck a toujours eu la possibilité de s’appuyer sur des personnes déterminées et engagées, prêtes à le soutenir dans son combat. C’est pourquoi tous les postes à Rewmi sont occupés par des personnalités de haut rang et qui font convenablement leur travail.
Cela fait un peu longtemps que nous n’avons plus des nouvelles de Idrissa Seck. Qu’est-ce qui explique ce silence et cette démarche ?
Non, ce n’est pas forcément un silence. Il faut le dire clairement, le président Idrissa Seck n’a jamais habitué les Sénégalais à parler de tout et de rien. Mais il n’a jamais manqué à un appel quand il s’agit de défendre son pays et de faire des propositions aux populations. Donc, il faut le comprendre, aujourd’hui il est dans une logique de défense des intérêts de la population. Il s’informe nuit et jour de leurs préoccupations. Je considère que, de ce point de vue, il n’y a pas de soucis à se faire. Le leadership à Rewmi s’exerce de manière éclatée. Ce qui permet à tous nos responsables de pouvoir participer au débat national.
En tant que député, vous êtes à la fin de votre mandat. Que retenez-vous de cette 12e Législature dirigée par le président Moustapha Niasse ?
Nous avons fait énormément de promesses aux populations lors de la campagne de 2012 avec comme mot fétiche «la rupture» dans les pratiques et les manières de faire. Cette rupture n’a pas été au rendez-vous, et cela n’est pas la faute d’une ou de deux personnes, mais plutôt celle de toute la majorité. Parce que dans une Assemblée nationale, c’est la majorité qui dicte sa loi. Quels que soient les débats et les idées pertinentes, on passe toujours au vote et c’est la majorité qui l’emporte. Et cette majorité est pilotée par le président de la République à partir du Palais. Cela a beaucoup gêné le travail du Législatif puisque nous avons toujours constaté une mainmise dans le fonctionnement du Législatif par l’Exécutif. Ce qui a expliqué l’inaction dans le contrôle de l’action gouvernementale. On aurait pu faire des commissions d’enquête parlementaire pour éclaircir pas mal de dossiers, notamment celui du pétrole, de Necotrans au port de Dakar, et d’autres qui ont soulevé des vagues. Par exemple, en ce qui nous concerne, nous avons eu l’initiative de faire venir des personnalités publiques à l’Assemblée nationale, mais on nous a opposé un niet catégorique. La majorité a été contre. On aurait pu davantage encadrer les initiatives parlementaires avec plus de propositions de loi et de questions d’actualité ou orales.
Mais la rupture s’est matérialisée avec le passage du Premier ministre et de tout son gouvernement à l’Assemblée pour répondre aux questions d’actualité…
La venue du Premier ministre à l’Assemblée nationale a été véritablement un fiasco, une tribune politique et de propagande avec des questions qui lui sont posées à l’avance. Il vient répondre sans aucune possibilité de revenir à la charge, sans aucune interaction. C’est juste des discours avec des positions unilatérales. Récemment, lors des dernières plénières, ils ont interdit aux députés de revenir à la charge. Après les questions, les ministres ont la possibilité de répondre ou de ne pas le faire sans contradiction. Et les lois les plus importantes qui nécessitent une très bonne analyse des articles nous sont parvenues à travers des procédures d’urgence et sont votées très rapidement.
Le Président Macky Sall a fixé la date des Législatives au 30 juillet 2017. Qu’en dites-vous ?
D’abord nous regrettons le fait que le Président Macky Sall ne cherche plus le consensus avec l’opposition. Malheureusement, vous avez tous remarqué qu’après la rencontre de Manko wattu Senegaal, les services de la Présidence avaient sorti un communiqué pour dire que sur les points où nous sommes tombés d’accord, il y a la date des élections législatives fixées le 2 juillet 2017. Finalement, le président de la République, d’une manière unilatérale, a tout simplement décidé de reculer les élections jusqu’au 30 juillet, sans aucune concertation avec l’opposition. Maintenant, nous dénonçons ces séries de décisions unilatérales du président de la République qui est juge et partie. Il est le chef de la coalition Benno bokk yaakaar qui sera face à nous et c’est lui-même qui fixe la date et les règles.
Et comment comptez-vous aller aux Législatives ?
Pour ces élections législatives, comme à l’accoutumée, Rewmi et d’autres partis s’organisent pour aller en coalition. Il y a une forte demande pour cela. Et nous avons, au sein de l’opposition, des leaders responsables qui ont eu à occuper de très hauts postes de responsabilités. De ce point de vue, n’ayez aucune crainte, il s’agira de discussions et nous espérons qu’on mettra en avant cette forte demande des populations qui consiste à demander que l’opposition s’organise pour avoir une très forte coalition.
Quelle lecture faites-vous de l’affaire Barthélemy Dias ?
Je rappelle que le problème s’est posé en 2011, et ils ont attendu fin 2016 pour nous parler de procès au moment où Barthélemy décide de changer de camp et de prendre sa liberté. C’est à partir de ce moment qu’ils ont décidé de lever son immunité parlementaire et de l’envoyer en procès. C’est une coïncidence troublante. En tout cas, il y a une suspicion dans la démarche. C’est pourquoi nous étions au Tribunal pour le soutenir et je rappelle que le président de la République l’avait même soutenu en son temps.
Entretien réalisé par lequotidien.sn