Thierno Saïdou Nourou TALL entra dans la vie au moment où son grand-père, Cheikh Omar Al Foutiyou TALL en sortait, et ce, sur le même territoire notamment, en république du MALI. L’avenir montrera que ce bébé était dès lors porteur du legs de son mystique grand-père, disparu mystérieusement dans les falaises de Bandiagara le 12 février 1864 quand lui naissait non loin de là, à Nioro du Sahel d’une mère malienne, Aïssatou Kamissoko descendante de l’illustre roi de l’Empire du Mali, Soundiata KEITA. Il assumera de façon exemplaire cet héritage spirituel, religieux, politique et social durant la longue vie que Dieu lui accorda, soit 116 ans (1864 – 25 janvier 1980); certainement pour qu’il puisse parfaire l’?uvre de son Saint Grand-père, Cheikh Omar Al Foutiyou, l’Être le plus érudit du XIXe siècle qui organisa la résistance à la conquête coloniale, lança la Jihah omarienne pour achever l’islamisation des pays d’Afrique de l’Ouest et opéra à l’expansion de la Tidjaniya dans ces contrées, conformément à la mission que lui a confié son Maître spirituel, Cheikh Ahmed TIDJANI.
Très jeune, il entreprit des études coraniques et théologiques. Sa quête du savoir le mena dans divers pays de la sous-région Ouest-Africaine, soit, à Médina Khasso (MALI), à Boghé (MAURITANIE) puis, à Aéré Lao et à Tivaouane (SÉNÉGAL). Les savoirs acquis et assimilés au cours de ces séjours d’études auprès de grands maîtres, furent de lui un auteur distingué en langue arabe et un homme d’une vaste culture arabo-musulmane maitrisant la connaissance de l’humain et de la géopolitique mondiale.
De part sa double descendance d’Empereurs, notamment de Soundiata KEITA, père de sa mère, Aïssatou Kamissoko et d’Omar Al Foutiyou, père de son père, Nourou TALL, Saïdou Nourou était un ÊTRE ROYAL. Il fut un Khalife royal de part son apparence, son regard intelligent et perçant qui suscitait admiration et respect, son élégance, son autorité et son courage à exprimer ses idées quelque soit la personne en jeu (autorité coloniale, personnalité politique tels les présidents d’Afrique).
En fait, Thierno Saïdou Nourou régna sur l’Empire Toucouleur d’Él Hadj Omar tel que l’avait dénommé ses adversaires Français, eux-mêmes. Cet Empire correspond aujourd’hui à l’espace de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) composés de 15 pays d’Afrique de l’Ouest.
Il opéra avant tout à la reconstruction de cet « Empire » spirituel et religieux, ciment entre les Ouest-Africain-e-s. En effet, à la disparition de ses frères Amadou Mountaga Tall de Boghé en Mauritanie, Mountaga Daha Tall de Louga au Sénégal et d’Amadou Habibou Nourou au Nigeria, il ramena à Dakar leur descendance ainsi que celle de sa s?ur, Fatima Nazirou TALL, épouse de Thierno Mamadou Moussa LY de Dara KhalayBé (Sénégal). Il les rassembla autour de lui, s’occupant de tous. Il réorganisa ensuite le Khalifa dans l’aire Ouest-Africaine selon la volonté de son grand-père, Cheikh Omar TALL. En effet, il désigna Amadou Kabirou, Khalife au Nigeria, Madani Tall à Ségou (Sud du Mali), Khouraichi Aguibou Tall à Bandiagara (Nord du Mali), Alpha Amadou Tall à Dinguiraye (République de Guinée). L’Empire Omarien spirituel et religieux était ainsi reconstitué. Les générations suivantes prirent la relève avec Thierno Hady, Khalife à Nioro, Thierno Mountaga Madani à Ségou, Thierno Maky Khoureychou à Bandiagara, Thierno Oumar Tall à Boghé (Mauritanie) et Thierno Mountaga Amadou au Sénégal. Ce sont les descendants de ceux-là qui sont aujourd’hui sur le trône du Khalifat, notamment, Th. Madani et son frère Th. Saïdou (Imam) au Sénégal, Th. Amadou Hady à Nioro, Bâ Seydou à Ségou, Thierno Amadou au Nigeria, Baba Saïdou en Mauritanie, etc. .
Rassembleur, il fut le pont entre les deux grandes branches de la famille Tidjane au Sénégal, notamment les Tall et les SY. Mais, il sut entretenir les meilleures relations avec les autres branches Tidjanes (Madina Gounass’en, Niassène) et confréries religieuses (Layènes et Mourides) au Sénégal.
Refuge de tous, riches et pauvres, homme de pouvoir ou simple citoyen, il recevait tout un chacun. Ce d’autan plus que ses connaissances mystiques et l’efficacité de ses prières sont légendaires. Les gens venaient de partout pour les solliciter selon leurs besoins (pouvoir politique, richesse, santé, réussite des enfants, libération de prison, etc.). Thierno recevait l’argent des nantis pour les redistribuer aux démunis. Ce qui équivaut à une redistribution des richesses, garant de l’équilibre social.
En outre, Visionnaire, Thierno Saïdou Nourou TALL avait saisi l’importance du respect d’une minorité religieuse dans un pays comme le sont les Chrétiens au Sénégal (5%). Ce faisant il initia le dialogue interreligieux devenu presque la mode dans le monde d’aujourd’hui. Mais cela lui avait valu dans les temps énormément de critiques de la part de ses coreligionnaires qui estimaient que les Musulmans n’avaient rien à faire avec les Chrétiens. Certains allèrent jusqu’à le taxer de Pape. Mais, érudit, lui, il connaissait les recommandations de Dieu et de son Prophète (PSL) quand aux bonnes relations à entretenir entre les gens des Religions du Livre que sont le Christianisme, le Judaïsme et l’Islam liés par un père commun Abraham, Seydina Ibrahim pour les Musulmans. De surcroît, d’une vision éclairée, il était convaincu que ce dialogue interconfessionnel était le garant de la paix sociale.
Et, l’Histoire lui donne raison. Car, si le Sénégal échappe aujourd’hui à des guerres interreligieuses qui affectent beaucoup de pays Africains (RCA), c’est grâce en très grande partie à l’?uvre de Thierno Saïdou qui avait jeté très tôt les bases du dialogue interconfessionnel. D’ailleurs, ses amitiés avec Monseigneur Thandum sont connues de tous et perpétuées encore aujourd’hui par leurs successeurs. Thierno Saïdou Nourou fut ainsi le Veilleur sur la Paix en Afrique de l’Ouest et sur le Sénégal.
Ce Khalife royal forma également les Khalifes Tidjanes les plus distingués et plus les aimés, à savoir, Serigne Abdoul Aziz SY et Thierno Mountaga TALL dont les influences persistent encore aujourd.hui sur la société sénégalaise et sur ses Diasporas à travers le monde.
Sa longue vie (116 ans) lui permit d’être le témoin privilégié de plusieurs événements historiques en Afrique et dans le monde (Première et Seconde Guerre mondiale, luttes pour la décolonisation de l’Afrique, etc.). Il joua un rôle déterminant dans la plupart de ceux-ci, toujours dans le sens de la pacification des conflits, la paix et l’entente cordiale entre l’ancienne puissance coloniale et les pays de l’Afrique de l’Ouest, entre les peuples de la sous-région et/ou entre les citoyen-e-s d’une même Nation.
Les jeunes du Sénégal, et, plus particulièrement ceux des élèves du lycée dont il est le PARRAIN doivent s’approprier des valeurs portées et mises en ?uvre par Thierno Saïdou Nourou TALL durant toute sa vie, à savoir, la quête du savoir, la spiritualité, la culture de la paix en particulier, celle de l’entente entre les confessions religieuses d’un pays, le respect de tout individu quelque soit son statut social, l’entraide, la solidarité et le sens du partage. Car, ces valeurs sont les éléments constitutifs d’un être équilibré et garantes de la paix sociale et du développement durable de tout pays.
Paix à son âme et sa baraaka sur Nous !
Docteure LY-Tall Aoua Bocar
Chercheure associée à l’Institut d’Études des Femmes de l’Université d’Ottawa, CANADA
Sociologue, Auteure, Consultante et Conférencière internationale, QUÉBEC
Présidente-Fondatrice de DiaFéMa _Diaspora Féminine Africaine au Québec/Canada
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