(Correspondance) – La cour d’assises de Thiès siégeant pour la première session 2010 a vidé hier la première affaire inscrite à son rôle. Une affaire de meurtre qui remonte au 4 novembre 2006 au village de Darou Fall dans le département de Tivaouane. C’est en effet à cette date que la gendarmerie de Mboro fut saisie par le chef du village qui, au téléphone, fit part de blessures graves qu’aurait fait subir à son épouse le sieur Modou Diouf Der et que cette dernière répondant au nom de Mame Diarra a été évacuée au centre de santé de Diogo. Sur les lieux du drame, plus précisément chez Ellis Mathioune Fall, père de la victime, les gendarmes enquêteurs découvriront des traces de sang à l’entrée de la chambre de la victime ainsi que de la poudre blanche répandue à l’intérieur. Le mis en cause était, quant à lui, absent des lieux. Il sera, par la suite, appréhendé au niveau du village Dandal (Segeul Kope) à 14 kilomètres de Darou Fall, lieu du crime. Le mis en cause qui venait alors de piquer une crise, subissait un traitement au niveau du poste de santé.
Aussi les enquêteurs mentionneront n’avoir pas trouvé sur l’inculpé l’arme du crime, un couteau. Puisque, en effet, le sieur Modou Diouf Der aurait poignardé à trois reprises son épouse comme en atteste le certificat de genre de mort qui fait état d’une plaie sus-capillaire droite d’environ 2 cm de large, oblique vers la ligne des épineuses vertébrales et profonde de 10 cm, d’une autre plaie dorsolombaire droite de 2 cm de large avec effraction des muscles des vertèbres atteignant la région prétoriale et d’un hématome rétro-péritonéale au regard des vaisseaux et atteinte de veine cave intérieure. Toutes blessures qui vaudront à la victime un transfert vers l’hôpital Amadou Sakhir Ndièguène de Thiès. Malheureusement, Mame Diarra Fall n’arrivera jamais à destination en vie. Elle rendra l’âme au cours de son transfert.
Quant au mis en cause qui avait piqué une crise, il ne recouvrira ses esprits que le 6 novembre. Interpellé, il reconnaîtra devant les gendarmes enquêteurs avoir porté les coups de couteau à son épouse tout en précisant que c’est en riposte à des coups de couteau que sa conjointe lui assénait. Ainsi fera-t-il savoir qu’il avait récupéré le couteau des mains de la dame pour accomplir son forfait. Et ajoutait-il, toujours devant les gendarmes enquêteurs, que son épouse avait, cette nuit-là, refusé d’entretenir avec lui des rapports sexuels. Suffisant pour qu’il soit inculpé de meurtre puisqu’à ses aveux est venu s’ajouter le témoignage du père de la victime qui déclare que son gendre, Modou Diouf Der avait proféré des menaces comme quoi si on ne lui remboursait pas la dot qu’il avait donnée lors du mariage, du sang allait être versé. Devant le juge d’instruction, le mis en cause ne variera pas dans ses aveux. Il reconnaîtra avoir donné les coups de couteau qui ont entraîné la mort de son épouse.
Aussi ne se rebiffera-t-il qu’hier devant la cour. Modou Diouf Der, bien que ne rejetant pas les faits qui lui sont reprochés se réfugiera pour sa défense dans une sorte de semi démence instantanée. Puisqu’il dit ne se souvenir de rien depuis le coup de couteau que lui a asséné sa dame. Il dit ne se souvenir même pas de son arrestation. Pour cause, il soutient être sujet à des crises d’épilepsie depuis sa tendre enfance. Et, à la question de savoir pourquoi il ne porte pas de traces des coups qu’il avait reçus, il déclare être invulnérable, ‘dama toul’.
Cette nouvelle version des faits ne convaincra pas l’avocat général Ndiaga Yade qui estime que des crises d’épilepsie ne suffisent pas pour expliquer un crime en plus du fait qu’il a lui-même reconnu les faits au moment de l’enquête policière et devant le juge d’instruction. Aussi dans son réquisitoire demandera-t-il à la cour de lui appliquer une peine de vingt ans de travaux forcés.
Ce réquisitoire de l’avocat général sera battu en brèche par l’avocat de la défense, Me Cheikh Tidiane Mbodji. Ce dernier, soutenant que son client était dans un état second au moment des faits puisque sujet à des crises demandera à la cour de disqualifier les faits en coups et blessures ayant entraîné la mort sans avoir l’intention de la donner. Ceci, du fait qu’il n’y avait pas de préméditation. Mais aussi de lui faire bénéficier d’une application bienveillante de la loi.
La cour, après en avoir délibéré, reconnaîtra Modou Diouf Der coupable des faits qui lui sont reprochés avant de le condamner à une peine de 15 ans de travaux forcés.
DEMARRAGE TARDIF DE LA SESSION D’ASSISES : A l’origine, une grève des greffiers
A cause de son mouvement d’humeur, le syndicat des travailleurs de la justice a retardé de beaucoup le démarrage des audiences de la première session 2010 des assises de Thiès. Après la cérémonie officielle, il a fallu à la cour d’attendre jusqu’à 12h07 minutes pour pouvoir siéger. En effet pour pallier l’absence d’un greffier, la cour a dû recourir aux services d’un auxiliaire de justice, un garde pénitencier. Lequel a prêté serment avant de siéger et permettre ainsi à la cour de démarrer les travaux. S’agissant de la cérémonie officielle, elle s’est déroulée en présence du greffier en chef qui s’est éclipsé aussitôt après.
Ce mouvement d’humeur du syndicat des travailleurs de la justice, Me Ousmane Diagne, secrétaire général dudit syndicat, l’explique comme une réaction des travailleurs face aux tentatives d’intimidation et aux menaces de la part du Garde des sceaux, Me Amadou Sall, sur qui ils avaient pourtant porté beaucoup d’espoir pour servir de courroie de transmission dans le sens de l’application rapide du protocole d’accord qu’ils avaient signé avec le gouvernement. ‘A notre très grande surprise le garde des sceaux n’a aucune maîtrise du dossier qu’il a trouvé sur place mais aussi il a cherché à jouer sur l’intimidation et les menaces pour nous faire reculer. Ce que nous n’avons pas accepté car nous ne cédons à aucune de ces formes de pression’. Aussi le secrétaire général du Sytjust de faire savoir que ce mouvement est pour se porter en faux contre les engagements du Garde des sceaux quand il prétend pouvoir les faire travailler par force. Et poursuit-il, ‘puisqu’il est dans dynamique de combat nous le suivons sur son terrain et on verra ce qui va se passer’. Et revenant sur le mot d’ordre de grève, il dira qu’il s’agit d’un boycott des assises et de toutes les audiences foraines sur l’ensemble du territoire national. Lequel mot d’ordre sera de rigueur jusqu’à ce qu’une réponse favorable à leur doléance survienne.
S’agissant de la cérémonie officielle de démarrage de la présente session, elle sera l’occasion pour l’avocat général de faire le souhait qu’une chambre criminelle soit instituée à Thiès. Laquelle chambre devrait avoir l’avantage de réduire très sensiblement la durée de la détention préventive. Et fera-t-il savoir, il est indéniable que la décentralisation des assises a fortement contribué à la réduction de cette durée puisque parmi tous les prévenus attraits devant cette juridiction pour la présente session aucun n’a fait plus de quatre ans de détention. Pour dire qu’une chambre qui siégerait en permanence serait la bienvenue.
En effet, les longues détentions préventives ont toujours posé problèmes et causé des préjudices certains aux prévenus surtout pour ceux qui se retrouvent innocentés et relaxés après plusieurs années de détention préventive. Surtout quand on sait qu’ils ressortent sans aucune forme de réparation du tort subi.
Sidy DIENG
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