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TIVAOUANE PEULH : Un village qui vit mal son urbanisation rapide

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L’accès à l’eau et l’électrification sont les principaux problèmes de Tivaouane Peulh. Comme tous les villages de la communauté rurale de Sangalkam, ce village situé au nord-est de Keur Massar est la cible des promoteurs immobiliers. Les habitants qui vivaient d’agriculture et d’élevage doivent faire face à l’insécurité et au chômage. A une nouvelle vie.

A la sortie de Keur Massar, la route offre un décor fait de nids de poule, de mares et de pierrailles. Une situation accentuée par les intenses précipitations de la veille. C’est un véritable « parcours de combattant » pour reprendre les propos d’un habitué de cette route. « L’accès à Tivaouane Peulh est une grande équation pour les habitants, surtout en période d’hivernage », confie Boubou Sow, le chef de village. Cet homme qui a vu Tivaouane Peulh se former sous ses yeux soutient que le village n’était pas à son emplacement actuel. Les habitations étaient dispersées. « C’est en 1968 qu’on a décidé de s’établir ici », dit-il non sans préciser : « c’est un de nos délégués qui était à Sébikotane, Moutar Diop, qui avait proposé aux villageois de se regrouper afin d’être pris en considération, parce que l’union fait la force ». A l’époque, dit-il, M. Diop leur faisait comprendre qu’en se regroupant, les villageois pourraient bénéficier d’infrastructures comme une école, un dispensaire, une mosquée, etc. Ils pourraient aussi bénéficier d’une voie d’accès, de l’eau courante et de l’électricité. Près d’un demi-siècle après, les faits ont donné raison à Moutar Diop. Aujourd’hui, ce hameau sorti de terre, il y a exactement 42 ans, compte plus de 7.000 âmes réparties dans treize quartiers dont Wakhal Diam, Tawfeekh, Deggo. Le chef du village, Boubou Sow, est assis confortablement dans son fauteuil, il suit avec les siens un programme religieux diffusé par une chaîne de télévision de la place. La salle est spacieuse et bien ventilée. Il se souvient encore de cette époque : « On a d’abord choisi le lieu, puis on l’a assaini et, finalement, on est venu y habiter. A l’époque, on avait des cases en paille et les maisons étaient dispersées. On s’était très bien organisé pour le déménagement et l’aménagement ». Il poursuit : « On s’est dit qu’on va baptiser le village Tivaouane Peulh, parce que nous sommes des musulmans de confrérie tidiane et d’ethnie peulh. C’est par la suite que certains de nos parents sont venus nous rejoindre. Depuis, on vit ici en paix et en harmonie. Maintenant, on a presque tout et le village a radicalement changé. Il est animé et il y fait bon vivre. Beaucoup d’autres gens, non peulh, sont venus y habiter ». Puis, avec un brin d’humour, il dit : « On pouvait ne plus dire Tivaouane Peulh, mais tout simplement Tivaouane, parce que les Peulh sont maintenant minoritaires ».

Au cœur des préoccupations, le foncier !

Le village de Tivaouane Peulh de 2010 est devenu un véritable « melting pot » où l’on retrouve, selon le chef du village, des Sérères, des Diolas, des Wolofs, bref un petit peu de tout. Maintenant, le petit hameau de 1968 est devenu un bourg de treize quartiers. Et, Wakhal Diam, qui signifie littéralement en wolof « ne dire que les bonnes nouvelles » en est le premier. Il y a ensuite Tawfeekh, qui veut dire le bien-être, Diawrigne I et II, Baol, Darou Salam, Médinatoul Mounawar I et II, Deggo, quartier Baye Fall. Comme tous les villages de la communauté rurale de Sangalkam, Tivaouane Peulh a ses réalités, ses doléances et ses souhaits. Le village, perché sur une dune crevassé par endroits, est mal loti et mal assaini. Outre le problème d’assainissement, le village dispose d’un marché qui est devenu trop petit pour sa population. Mais son plus grand problème, c’est le foncier. Il y a quelques jours, les populations ont marché contre l’idée de reloger les sinistrés des inondations de la banlieue dans la zone. Selon le chef du village, Boubou Sow, il y a environ cinq promoteurs immobiliers qui sont présents à Tivaouane Peulh. Par ailleurs, la localité a été choisie par les autorités pour abriter les 3.000 ménages déplacés pour les besoins de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio. Un site de 165 hectares est consacré à cet effet.

« On n’est pas contre le fait que les gens viennent ici, seulement faudrait-il que les choses se fassent dans les règles de l’art », soutient le chef du village. Il déplore le fait qu’ils ne soient pas associés au choix concernant leur village comme site devant abriter les sinistrés des inondations. A l’en croire, les gens ont marché pour dire leur inquiétude. « Dès qu’on parle de projet immobilier, on pense automatiquement à Tivaouane Peulh. Pourtant, la communauté rurale compte 32 villages », renseigne le vieux chef. Il poursuit : « Il n’y a pas moins de cinq promoteurs dans le village. Nous pensons que c’est injuste. Nous pensons que ces promoteurs doivent passer d’abord par notre président de communauté rural ». A l’en croire, les promoteurs viennent et s’établissent sans concertation. Ainsi, de nouvelles cités ont vu le jour à Tivaouane Peulh. Il s’agit, selon le chef du village, de Namora, Naby, Apix, Sn Hlm, Socabeg, etc. « Si on a marché, c’est parce qu’on en a ras-le-bol. On prend nos terres et, au lieu de nous informer, on nous menace », se plaint le chef de village. Il soutient que « les promoteurs, avec le sous-préfet et le cadastre, débarquent sans même avertir, disant qu’ils ont des décrets signés par le chef de l’Etat, alors qu’il n’est même pas au courant ». De son point de vue, « on peut accepter les inondés, parce que ce sont des sinistrés. Le problème, ce sont les promoteurs qui prennent nos terres sous le prétexte qu’ils vont construire des cités, au lieu même de le faire, ils les revendent après au plus offrant. Nous pensons que c’est douteux ! »

Des problèmes qui ont pour nom route, électricité, eau…

A l’image des villageois, le conseiller rural de Tivaouane Peulh à la communauté rurale de Sangalkam partage cette inquiétude. Selon Moussa Dia, « beaucoup de promoteurs sont présents dans la zone, parfois à notre insu. Ils doivent passer par le président de la communauté rurale qui sait les démarches à entreprendre. S’il faut convoquer les chefs de village ou de quartier, voir les propriétaires terriens, il le fera ». A en croire Moussa Dia, « les promoteurs ne consultent pas le président de la communauté rurale, ou bien s’ils le font, ils ne disent pas toute la vérité ». Il souligne : « Ce qu’on ne peut pas tolérer, ce sont les promoteurs qui présentent des projets de cités et qui, à la place, vendent des parcelles après morcellement ». Personne ne peut rester insensible aux problèmes des sinistrés, soutient Moussa Dia qui rappelle que le souhait des habitants de Tivaouane Peulh, c’est de voir le village s’agrandir. « Nous ne pouvons pas être contre le fait que des sinistrés soient relogés ici ; le problème, c’est que le site de recasement est constitué de terrains appartenant à des tiers », précise-t-il. Et de se demander : « Que vont-ils faire ces personnes qui avaient ces terrains ? »

Ce jeudi matin, les rues de la banlieue montrent une face hideuse. Les importantes précipitations qui sont tombées sur la capitale et le reste du pays, la veille, l’ont sensiblement transformée. Se rendre à Tivaouane Peulh n’est pas une promenade de santé, loin de là. La bretelle latéritique menant au village est impraticable. Il y a des haies vives et des clôtures des deux cotés de la route, laquelle est traversée par endroits de mares. Il est quasi impossible de s’y rendre à pied. Mais la route n’est pas le seul problème des habitants de Tivaouane Peulh. Il y a notamment l’électrification et l’eau courante. « Sur les treize quartiers, seuls trois sont électrifiés et ont accès à l’eau courante », révèle le chef de village. Aussi plaide-t-il pour l’extension de ces services fondamentaux à ces quartiers dans le noir et sans eau potable. « Ici, à Tivaouane Peulh, on manque de beaucoup de choses », soutient le chef du village. « Nous demandons solennellement au président de la République, à ses ministres de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire de trouver une solution à ces trois maux », lance pour sa part El Hadji Ndao, président des délégués de quartier de Tivaouane Peulh. « Notre principal souci, c’est la sécurité. On rencontre d’énormes difficultés dans ce secteur. La nuit, presque tout Tivaouane Peulh est plongé dans le noir ». La sécurité est devenue une question préoccupante dans ce village qui s’élargit chaque jour davantage. « On n’a ni poste de police, ni brigade de gendarmerie. Pourtant, on a fait la demande depuis longtemps », soutient Boubou Sow. Il informe que c’est la brigade de Niague qui intervient à Tivaouane Peulh, en cas de problème.

Chômage et sécurité au menu

Si la sécurité pose problème à Tivaouane Peulh, l’éducation elle en pose moins, si on fait la comparaison avec les autres villages de la communauté rurale de Sangalkam. L’éducation figure en bonne place dans ce village qui a son Collège d’enseignement moyen (Cem) depuis 2004. Pendant plusieurs années donc, ce Cem a polarisé les villages des environs comme Niague, Darou Thioubou et Niacoulrab. Le village dispose aussi d’une école primaire avec un cycle complet. Des écoles privées s’y implantent aussi. Ce qui n’est pas le cas pour la santé. Le village, selon son chef, ne dispose que d’une case de santé devenue trop petite pour Tivaouane Peulh, ses treize quartiers et ses cités annexes.

A Tivaouane Peulh, l’activité économique se limite au petit commerce, notamment les boutiques. Le village dispose d’un petit marché qui, selon le chef du village, est devenu trop petit. A l’en croire, un plus grand marché est en construction au quartier Baol. Comme dans toute la zone des Niayes, les habitants de Tivaouane Peulh s’adonnent à l’horticulture et à l’élevage. Malheureusement, ces deux activités sont menacées par l’urbanisation. Vêtu d’un pantalon bouffant de couleur noir, El Hadj Dia, un jeune berger de Tivaouane Peulh, estime que le problème de pâturage se pose avec acuité dans la localité. Selon lui, « les éleveurs de ce village sont obligés de transhumer en permanence dans des régions comme Thiès ». Les jeunes, croit-il, sont braves. Il pense qu’ils n’ont pas assez d’opportunités et sont affectés par le chômage. « La quasi-totalité des gens de Tivaouane Peulh qui ont un travail salarié se trouve dans les cités », renseigne le conseiller rural. D’après lui, certains sont dans le petit commerce, dans la maçonnerie et la menuiserie, d’autres, avec l’appui du service des Eaux et Forêts travaille dans le terrassement des dunes. Il invite les autorités à trouver des solutions contre le chômage des jeunes.

lesoleil.sn

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