La quasi-totalité des pays africains ont cru trouver dans l’ouverture au tourisme international un levier de développement. La nouvelle industrie, vue comme étant une importante source de devises et un grand pourvoyeur d’emplois, a fait l’objet d’une forte option étatique.
En plus, pour ces pays, le tourisme aura été un puissant facteur de changement social, a propos duquel cependant bien des préoccupations, quelques fois légitimes, auront été exprimées.
Et voilà que s’appuyant sur deux grands piliers que sont le transport aérien et l’hôtellerie, le tourisme moderne connut un développement rapide, en tant que corollaire de l’avènement, en Occident, de la « Société de Loisirs».
Avec le développement fulgurant du transport aérien des trente dernières années surtout, le tourisme a fini par convaincre même des Etats naguère quelque peu réticents. Et tous, in fine, ont fait valoir sur le marché international des voyages, leurs importantes ressources naturelles, transformées en produit touristique : nature et safaris en Afrique orientale et australe, atouts culturels et plages en Afrique occidentale, sites archéologiques et soleil en Afrique du nord, etc.
Et le secteur, à force de croissance, a fini par se mondialiser en franchissant le seuil du milliard d’arrivées aux frontières internationales.
Toutefois, par sa nature complexe et son caractère transversal, le secteur du tourisme se trouve être plus sensible que bien d’autres secteurs d’activités aux impacts négatifs d’une crise planétaire. S’y ajoute le fait que pour les pays africains, l’Occident, qui se trouve justement être l’épicentre de la pandémie COVID-19, constitue le principal marché émetteur de touristes.
Sur le continent récepteur qui constitue une partie de la « Périphérie des Loisirs», le volume de tourisme est ainsi tributaire de la «santé» économique du principal marché d ‘Europe.
Chaque crise récente, que ce soit le 11 Septembre 2001 ou la Crise financière de 2008, a lourdement impacté les économies occidentales, et par ricochet et à des degrés divers, le tourisme africain. Et chaque fois quand même, une capacité de résilience avait pu être notée, variable selon les pays.
La même résilience semble être plus difficile à mesurer ou même à envisager, dans le cas de la présente crise de la pandémie COVID-19.
Cette crise, unique dans son genre tant par son ampleur que par sa vitesse de propagation, semble, pour ainsi dire, pratiquer un acharnement sur le secteur du tourisme ;
- Les plus grands marchés émetteurs de touristes, Italie, Espagne, France, Chine, Etats-Unis… ont été ses premières cibles, avec le lourd bilan macabre que l’on connaît;
- Le transport aérien, épine dorsale du tourisme, avec une baisse de 98% du trafic passagers en avril, a de loin été la principale victime de la Covid-19 ;
Et le segment du voyage long courrier, qui concerne surtout les destinations africaines, va être le plus sévèrement impacté.
- Les nouveaux comportements dictés par la Covid-19 sont assis sur tout ce qui est antinomique avec l’essence même du loisir qu’est la convivialité. Un nouveau lexique a en effet fait jour, avec les mots « distance », « isolement », « barrière » (dans les gestes), « fermeture » (de frontières), « confinement », « masques » etc., tout un vocabulaire voisin du « combat », de la « lutte », de la « guerre » que certains dirigeants se disent être prêts à livrer à la pandémie. Un nouveau champ lexical apparaît donc, aux antipodes de la pratique touristique.
Et dans ce tableau déjà sombre, la reprise, a en croire l’Association Internationale du Transport Aérien, IATA, est prévue pour être lente. On parle de l’horizon 2023 pour retrouver le niveau de trafic de 2019.
Une telle prévision sonne alarmiste certes, mais nous devons nous garder de pécher par excès d’optimisme, quant à l’échéance d’une reprise du transport aérien global.
Pour les opérateurs africains et leurs PME dans l’hôtellerie, mais aussi dans le réceptif, qui se trouvent à genoux avec une saison d’été déjà compromise, et qui ne demandent qu’à pouvoir assurer la continuité de leur activité, cette échéance s’avère être vraiment lointaine.
Ces braves acteurs en sont tous à scruter l’horizon, sans savoir de quoi l’hiver sera fait, quand l’OACI estime que d’ici au mois de septembre la COVID-19 pourrait réduire de 1,2 milliard le nombre de passagers dans le ciel.
Dans ce contexte morose, nous saluons l’initiative de certains Gouvernements africains qui, à l’instar du Gouvernement du Sénégal, ont consenti une aide financière destinée à soutenir le secteur du tourisme dans son ensemble.
Si l’initiative ne souffre d’aucun reproche, nous nous demandons comment et surtout qui va plaider la cause de tous ceux qui nombreux dans l’hôtellerie, mais aussi dans le réceptif , devant être pris en compte dans le dispositif, et qui ont des difficultés pour se conformer aux conditionnalités du prêt.
Si par extraordinaire le problème de la répartition se réglait, va demeurer la question du remboursement, par rapport à la durée, a ce jour inconnue, de la pandémie COVID-19. Voilà donc un autre casse-tête, pour le moment diffère.
Pourtant, malgré tout, nous avons bon espoir que sur le Continent, le tourisme survivra à la COVID-19.
Pour les acteurs d’un secteur susceptible bon an mal an, de générer des centaines de milliards de gains en devises et qui emploie des millions de braves, il n’y a pas d’autre alternative que la survie.
Mais la survie des PME touristiques africaines dépendra avant tout de leur capacité de résilience vis-à-vis de la crise.
Une telle résilience va être sous-tendue par une introspection et surtout une réorganisation axée essentiellement sur la reconversion au numérique.
Dans le même temps, au-delà de l’assistance financière, l’accompagnement indispensable des Etats va devoir se matérialiser, d’abord par la redynamisation des institutions communautaires du Tourisme, la Division Tourisme de la CEDEAO et le Commissariat au Tourisme de l’ UEMOA.
Ces mêmes Etats devraient parallèlement, ouvrir le ciel africain et mutualiser leur offre en transport aérien.
Il s’agira ensuite pour les Etats, tout en gardant a l’esprit que la violence sous couvert de jihadiste impacte toujours négativement beaucoup de destinations, de revisiter les Accords de Coopération Touristique entre pays, dans le sens d’une mise en œuvre effective. La finalité étant la mutualisation des actions de promotion et de développement du tourisme à l’échelle continentale. Par cercles concentriques.
De la sorte, par le biais du Tourisme, la Zone de Libre Échange Économique Africaine va pouvoir connaître un début de concrétisation, si les Etats portent le combat pour que les destinations africaines ne soient plus dépendantes que des seuls visiteurs européens ou nord-américains.
L’Afrique faisant la promotion touristique de l’Afrique, va ainsi pouvoir compter sur une classe moyenne africaine dynamique, qui constitue une clientèle touristique potentiellement consistante, pour que le Continent soit la principale marche émettrice pour chaque pays. Dans une destination comme le Sénégal, on n’en est pas très loin : l’Afrique y talonne la France et constitue la deuxième marche émettrice de touristes.
Elhadji Abdoul Aziz Gueye