Tout ça pour ça, serait-on tenté dire après que les rideaux sur le « dernier acte ? » d’un feuilleton des chantiers de Thiès 44, véritable navet politico judicaire imposé aux Sénégalais de toutes conditions, de tous bords depuis juin-juillet 2005 sont tombés hier, vendredi 20 mai 2011.
Soit près de sept ans pour une série à rebondissement au grès des humeurs ou des négociations du palais, comme le fameux protocole de Rebeuss avec à la clé la privation de liberté pour certains des mis en cause, notamment l’ancien Premier ministre et non moins maire de Thiès, Idrissa Seck ou encore son codétenu, l’ancien ministre, Salif Bâ pour ne citer que ceux-là. Sept ans que les Sénégalais subissent stoïques, une affaire qui s’apparente désormais à un gros mensonge d’Etat, grossièrement montée pour museler et/ou punir simplement un adversaire politique qui a eu l’outrecuidance d’afficher ses ambitions d’être Calife à place Calife. Une série infligée quasi-quotidiennement au peuple depuis 2005 qui n’en pouvait plus lui cependant de subir si ce n’est les inondations, notamment dans les banlieues dakaroises et dans plusieurs localités du pays, les coupures intempestives de courant, la cherté de la vie, le chômage endémique des jeunes, bref, le mal vivre sénégalais sous le régime libéral.
Avec la relaxe sans peine ni dépens, des quatre derniers présumés coupables d’une affaire qui en comptait bien plus et qui n’en finissait plus de nous ennuyer, mais qui, hélas, a entraîné drames et désolation, arrêt temporaire de travail, risque de perdre l’outil de travail et d’hypothéquer la vie des familles d’ouvriers et d’employés qui n’ont eu le tort que d’appartenir à des entreprises dont les patrons ont été « installés » malgré eux dans la Cause d’un féroce combat politique au sein du clan au pouvoir, les chantiers de Thiès 44 connaissent-ils en fin leur épilogue ?
Rien de moins sûr. Si le tribunal régional hors classe de Dakar a connu et mis en délibérée une affaire qui avait été déjà vidée par la Commission d’instruction de la Cour d’Appel de Dakar, juridiction supérieure si ça se trouve, qui, elle, après investigations et auditions avait décidé qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre qui que ce soit dans cette affaire et avait par conséquent délivré un non lieu, d’abord partiel, puis total à tous les protagonistes, a fini par rendre son verdict de relaxe pure et simple, ce que tout le monde attendait, voire imposait même, il reste qu’on peut s’attendre à ce que les avocats de l’Etat, curieuse appellation d’ailleurs, parce qu’on connaissait l’agent judiciaire de l’Etat, tout comme le procureur de la République, l’Avocat général, mais les avocats de l’Etat n’étaient pas coutumiers aux Sénégalais avant les chantiers de Thiès 44, remettent ça en faisant appel contre cet arrêt de la Cour quand ils auront fini de recevoir les instructions de leur client du palais.
Toujours est-il que le délibéré du juge et de ses assesseurs d’hier veut mettre un terme à ce qu’il est convenu d’appeler désormais « la seconde affaire des chantiers de Thiès 44». La commission d’instruction de la Cour d’Appel ayant connu de la première. Curiosité bien sénégalaise ! Mais qu’à cela ne tienne, hier vendredi 20 mai 2011, le tribunal régional hors classe de Dakar a relaxé l’entrepreneur Bara Tall et ses trois co-accusés sur la trentaine qui avait été pourtant visée et que l’Etat libéral, l’Etat-Parti démocratique sénégalais (Pds) plutôt poursuivait pour détournement de deniers publics, faux et usage de faux après leur avoir lui-même confié lesdits marchés, approuvé leurs devis, autorisé et certifiés leur travaux, établis les décomptes et commencé à décaisser au moment de l’éclatement des faits.
L’arrêt d’hier des juges prononçant cette relaxe pure et simple pour le leader du Mouvement « Yamalé » qui a bénéficié d’un soutien « jamais observée auparavant aussi bien au sein de la classe politique, qu’au niveau de la société civile « organisée », chez les travailleurs de son groupe que chez les citoyens lambda a été accueilli à travers tout le pays par un ouf de soulagement. Mais on n’a pas manqué de se dire : tout ça pour ça !
Les tonnes d’encre et de salive, les perquisitions, les persécutions, les interpellations, les auditions, les tentatives même de meurtre jamais démenties à l’encontre du ministre de l’Economie et des finances qui tout en étant loyal et dévoué à son patron a refusé fermement de cautionner un déni de justice depuis le début. Une inspection générale d’Etat (Ige) jusqu’à cette affaire, considérée, respectée et crainte, véritable gardienne de l’orthodoxie administrative et financière de l’Etat et de ses démembrements, qui s’en trouve décrédibilisée à jamais, au point que plusieurs voix s’élèvent aujourd’hui pour demander sa dissolution et son remplacement par un autre corps de contrôle qui aura au moins l’avantage de ne pas être marqué et qui aurait certainement quelques attraits pour tous ceux qui veulent servir dans ses rangs.
Son rapport, modèle du genre, s’est heurté à la désapprobation dès le début de tous les hommes de l’Art. Et même si il tendait, ce rapport, à assoir la thèse d’une « escroquerie générale » montée par Bara Tall et ses acolytes, qu’il accusait d’avoir profité des marchés de gré à gré, pour imposer des prix surélevés, une surfacturation en fait, il n’a pas entraîné comme pour les autres la conviction de la Cour. Mais ne fallait-il pas trouver coûte que coûte moyen de punir « l’insolent fils » pressé qui bravait le courroux de son père ? On s’y est pris très mal. Le quart des efforts, « intellectuels, politiques, financiers etc. » fournis pour concocter une telle accusation qui a fait flop, aurait suffi largement à développer le pays.
Il faut savoir se sortir d’affaire surtout quand celle-ci est sans issue, vaine et coûteuse comme celle de ces fameux chantiers de Thiès 44. Les magistrats qui veulent s’affranchir à jamais de la tutelle pesante et dévalorisante de l’Exécutif, auront certes par le biais de ce verdict moyen supplémentaire, signal en tout cas, de lui signifier la nécessité de leur rendre leur dignité pleine et entière. Ils entendent la prendre et l’indiquent sans équivoque. Voici venu assurément le temps d’un rééquilibrage des institutions et celui de sortir la politique du prétoire.
sudonline.sn