spot_img

Tout savoir sur le blanchiment de capitaux

Date:

XALIMANEWS- C’est l’information du week-end. Le Parquet du Pool judiciaire financier dit avoir reçu plusieurs rapports de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) concernant des activités suspectes. L’analyse d’un de ces documents a révélé des mécanismes sophistiqués de blanchiment de capitaux via des sociétés écrans, impliquant des transactions d’une valeur estimée à plus de 125 milliards de francs CFA. Le procureur El Hadji Alioune Sylla a d’ailleurs annoncé, dimanche tard dans la soirée, qu’une information judiciaire pourrait être ouverte, avec des accusations de blanchiment de capitaux et autres crimes financiers. Mais qu’est-ce que le blanchiment de capitaux exactement ?

D’emblée, il faut souligner que le blanchiment de capitaux désigne le processus consistant à réintroduire dans l’économie légale des produits d’infractions pénales (qui incluent, entre autres, les activités de criminalité organisée, les abus de biens sociaux ou encore la fraude fiscale). Ce processus suit trois étapes : d’abord, l’injection des fonds d’origine criminelle sous forme d’argent liquide dans le circuit économique et financier (« le placement ») ; puis, la conversion, le déplacement et la dispersion des fonds afin de masquer leur origine illégale (« l’empilement ») ; enfin, la réintroduction des fonds dans les activités économiques légales (« l’intégration »).

Agissements constitutifs de blanchiment de capitaux

Au Sénégal, comme dans beaucoup de pays, la lutte contre ce crime financier s’inscrit dans un double objectif : d’une part, prévenir les activités criminelles en les privant de fonds ; d’autre part, assurer la solidité, l’intégrité et la stabilité du système économique et financier. Le Sénégal s’est d’ailleurs engagé, à l’instar de la communauté internationale en général et des autres membres de la sous-région en particulier, dans la lutte contre la criminalité financière en adoptant, pour la première fois, la loi uniforme n° 2004-09 du 6 février 2004 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, qui intègre dans le dispositif juridique national la directive UEMOA du 19 septembre 2002 sur le blanchiment de l’argent sale.

Cette loi, faut-il le rappeler, s’appuyait sur les standards internationaux, notamment les 40 recommandations du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux, les dispositions édictées par l’Organisation des Nations Unies relativement à la convention sur le crime organisé adoptée à Palerme le 15 décembre 2000, la convention contre le trafic illicite de substances psychotropes adoptée à Vienne le 19 décembre 2002, ainsi que la directive de Bâle de 1988 du Comité des règles et pratiques de contrôle des opérations bancaires de la Banque des Règlements Internationaux.

Mais le législateur sénégalais s’est adapté aux mutations et aux nouveaux enjeux en adoptant la loi n° 2024-08 du 14 février 2024 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, modifiant celle du 23 février 2018.

Conformément aux dispositions de l’article 9 de cette loi, constituent une infraction de blanchiment de capitaux la conversion ou le transfert de biens par toute personne qui sait ou aurait dû savoir que ces biens proviennent d’un crime ou délit, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens, ou d’aider toute personne impliquée dans cette activité à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; ainsi que la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, du mouvement ou de la propriété réelle de biens ou des droits y relatifs.

D’après le texte, l’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens, dont celui qui s’y livre sait ou aurait dû savoir, au moment où il les réceptionne, que ces biens proviennent d’un crime ou d’un délit, constituent également des infractions de blanchiment de capitaux. De même, participer à l’un des actes visés ci-dessus, s’associer pour le commettre, tenter de le commettre, aider, inciter quelqu’un à le commettre ou le conseiller, ainsi que faciliter son exécution, sont des infractions de blanchiment de capitaux.

Il faut toutefois préciser que le blanchiment de capitaux est constitué même si les faits sont commis par l’auteur du blanchiment ou de la tentative de blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même commise, en l’absence de poursuite ou de condamnation préalable pour une infraction sous-jacente, ou si les activités à l’origine des biens à blanchir sont exercées sur le territoire d’un autre État membre de l’Uemoa ou celui d’un État tiers. Il est également important de noter que la connaissance ou l’intention, éléments essentiels des activités susmentionnées, peuvent être déduites de circonstances factuelles objectives.

Lourdes pleines de prison ferme et amende égale au triple de la valeur des biens

Les personnes physiques coupables d’une infraction de blanchiment de capitaux sont punies d’un emprisonnement de trois (3) à sept (7) ans et d’une amende égale au triple de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment, prévoit l’article 184 de la loi. L’article ajoute, dans son dernier alinéa, que la tentative de blanchiment est punie des mêmes peines.

Sont également punis des mêmes peines prévues l’entente ou la participation à une association en vue de la commission d’un acte constitutif de blanchiment de capitaux, l’association pour commettre ledit acte, l’aide, l’incitation ou le conseil à une personne physique ou morale en vue d’exécuter ou de faciliter l’exécution d’un tel acte.

La loi sénégalaise prévoit des circonstances aggravantes. Dans ce cas, les peines prévues à l’article 184 de la présente loi sont doublées. Cela s’applique notamment lorsque l’infraction de blanchiment de capitaux est commise de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ; lorsque l’auteur de l’infraction est en état de récidive (les condamnations prononcées à l’étranger sont prises en compte pour établir la récidive) ; ou encore lorsque l’infraction est commise par un groupe criminel organisé.

Saisie de la totalité des espèces retrouvées

Si le crime ou le délit dont proviennent les biens ou les sommes d’argent sur lesquels a porté l’infraction de blanchiment de capitaux est puni d’une peine privative de liberté supérieure à celle de l’emprisonnement encouru en application de l’article 184, le blanchiment est puni des peines attachées à l’infraction d’origine dont son auteur a eu connaissance, et si cette infraction est accompagnée de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance.

Au-delà des sanctions pénales, en cas de suspicion de blanchiment de capitaux, l’Administration des Douanes saisit la totalité des espèces retrouvées et en dresse procès-verbal. Les espèces saisies et une copie du procès-verbal de saisie sont envoyées directement au Trésor, à la structure nationale chargée de la gestion des avoirs criminels gelés, saisis ou confisqués, ou à l’organisme en tenant lieu. Le dossier de l’opération est transmis à la Centif dans un délai de huit (8) jours calendaires, par les soins de l’Administration des Douanes.

Le Soleil

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_img

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

Décryptage : Constat d’une corruption qui freine l’économie depuis l’indépendance

XALIMANEWS- Le Sénégal vient de sortir de la liste...

Violences au Sénégal : Au cœur d’une dynamique inquiétante…

XALIMANEWS- Les formes de violence se multiplient dans l'espace...

Chavirement d’une pirogue à Saint Louis: Deux corps sans vie repêchés et 04 pêcheurs portés disparus

XALIMANEWS: (Sud Quotidien) La communauté de pêcheurs de la...

Afrique-Centrafrique : le Président Faustin-Archange Touadéra met en garde ses ministres trop absentéistes

XALIMANEWS-En Centrafrique, lors du premier Conseil de l'année, le...