Xalimasn.com
Quelle est le niveau d’implication de la Gambie dans l’histoire de trafic d’armes mis à nu il y a trois semaines au Nigéria ? La question est sur toutes les langues à Banjul et dans toutes les capitales occidentales puisque le président Yahya A.J.J Jammeh vient de geler ce Lundi les relations diplomatiques entre la Gambie et l’Iran, confirmant du coup la grosse tension qui entoure cette histoire rocambolesque.
En effet, un conteneur d’armes et de munitions à destination de la Gambie a été intercepté dans un port de Lagos, la capitale économique du Nigéria. Le conteneur en provenance d’Iran est arrivé au port de la ville trouble d’Apapa située dans la capitale Lagos au mois de Juillet dernier. Le caractère suspect de sa cargaison a été remarqué par des douaniers qui s’étaient rendu compte de la durée prolongée et donc anormale du chargement dont les déclarants tardaient à venir chercher leurs marchandises. Il y a une semaine, soit quatre mois plus tard, un iranien a appelé au téléphone les services de douanes du port d’Apapa pour se conformer aux formalités douanières préalables à la sortie du conteneur du dépôt qui l’abritait. Les douaniers nigérians défoncent alors le conteneur et trouvent un véritable arsenal de guerre comprenant des roquettes de type katoucha de 105 mm et beaucoup d’autres armes et munitions. Les roquettes de type katoucha sont notamment utilisées par le Hamas et le Hezbollah pour viser des cibles en Israël. Interrogé sur la destination finale de ce chargement atypique, le convoyeur qui se trouve être le groupe MV CMA CGM indique que le conteneur devait avoir pour point de chute la capitale gambienne, Banjul. Dans un communiqué publié Mardi, MV CMA CGM explique que « le conteneur a été affrété par un iranien dont le nom ne figure sur aucune liste de personnes recherchées ou interdites de commerce ce qui lui donne donc un quitus pour effectuer une transaction commerciale ». Et le groupe MV CMA CGM de préciser que la cargaison a été affrété en Iran en 13 consignes scellées au port de Bandar Abbas, une ville au Sud de l’Iran. Le communiqué ajoute que le conteneur a transité par le port de Mombai avant d’arriver au Nigéria sous le libellé « bottes de glace et palettes en pierres ».
Suffisant pour que les services de renseignements israéliens du Mossad s’en mêlent. A Tel Avive, on évoque une piste iranienne pour aider le Hamas palestinien via le Nigéria, le Soudan et l’Egypte. L’ambassadeur d’Iran à Lagos a quant à lui déclaré « ne pas vouloir réagir pour éviter d’ajouter une confusion à la confusion ». Au Nigéria, la police fédérale veut savoir s’il y a d’éventuels liens entre les trafiquants d’armes et les insurgés qui opèrent dans la région du Delta. A Banjul, Yahya A.J.J Jammeh et son régime cultivent l’omerta totale. C’est ainsi que maître Mai Ahmed Fatty, l’un des responsables de l’opposition gambienne et chef du parti GMC a publié Jeudi dernier un communiqué dans lequel il somme le président Jammeh de s’expliquer devant le peuple gambien. « Allez-vous être un bouc émissaire dans cette histoire ou êtes-vous réellement mêlé de près ou de loin à ce trafic d’armes ? » demande Mai Fatty. L’opposant estime que la question se pose d’autant plus que « Yahya Jammeh vient de dépêcher Mardi une délégation à Abuja soit quelques jours après le scandale ». Mai Fatty enfonce le clou « La Gambie doit cesser d’être un facteur d’instabilité dans la sous-région. Il ya quelques années un cargo similaire en direction de la Gambie avait été intercepté en Guinée Bissau. Or depuis quelques temps, notre pays multiplie les signaux hostiles et calculés pour s’attirer l’attention de la communauté sous-régionale et internationale et apparaître comme l’épicentre des conflits en incubation en Guinée Bissau et en Casamance. Cela induit des conséquences incalculables pour notre paix et notre souveraineté nationale ».
Quelques heures plus tôt, c’est Mam Lie Sanyang, un ex sous officier de l’armée gambienne maintenant réfugié aux Etats-Unis qui déclare à la radio gambienne en ligne Freedom radio que « Jammeh doit des explications au peuple gambien et celui de la sous-région quand on sait son implication directe dans les crises qui minent la Casamance et la Guinée Bissau ». Jusqu’ici, le gouvernement gambien n’a pas encore réagit au communiqué de l’opposition et aux sérieuses allégations du soldat Mam Lie Sanyang. En revanche, la réaction de la Gambie contre l’Iran a été très violente ce Lundi après midi. La présidence gambienne a publié un communiqué dans lequel elle annonce le gel complet des relations diplomatiques avec l’Iran. « La Gambie a déjà fermé son ambassade à Téhéran et fait rapatrier tout son personnel et ses ressortissants en Iran. L’Iran est sommé à son tour de faire quitter tout son personnel diplomatique et ses citoyens vivant en Gambie dans les 48 heures suivant ce communiqué » a annoncé la présidence gambienne sur les ondes de la radio télévision nationale, Gambia Radio Television Services (GRTS). Et pour montrer sa fermeté, le communiqué « invite les populations à signaler la présence de tout iranien à Banjul au-delà du délai imparti ce Mardi ».
Pourtant, rien ne laissait présager d’une telle situation entre la Gambie et l’Iran qui ont renoué leurs liens bilatéraux en Novembre 2009. Il s’en est suivi une visite d’Etat de deux jours que le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a effectué à Banjul. Auparavant, le leader controversé iranien était l’invité personnel du président Yahya Jammeh, au cours du Sommet de l’UA à Banjul en Juillet 2006. Jammeh s’était rendu cinq mois plus tard à Téhéran. Cette histoire de trafic d’armes aura donc sonné le glas aux retrouvailles irano gambiennes. Une affaire à suivre.
Par Frédéric Tendeng