Plus d’un mois après avoir instruit le Premier ministre de rationnaliser les déplacements des membres du gouvernement, le président de la République et son fils, eux, ne se privent de rien. Entre voyages systématiques aux quatre coins du monde, par exemple de Téhéran à Nice en passant par Paris, les locations d’avion de l’un et le Jet privé de l’autre continuent d’alourdir les charges de l’Etat, au moment où presque partout dans le monde, l’heure est à la réduction des dépenses non indispensables.
Par Safiétou KANE
Le gouvernement du Sénégal ne devrait-il pas commencer à s’inspirer des politiques de restriction budgétaire mises en œuvre un peu partout à travers le monde, même par des pays beaucoup plus riches que le nôtre?? Cela ne semble pas concrètement à l’ordre du jour. Pourtant, dans une correspondance adressée le 20 avril dernier au Premier ministre et ayant trait aux missions à l’étranger des membres du gouvernement (voir Le Quotidien du vendredi 7 mai 2010), le président de la République disait ceci?: «Il a été constaté au cours de ces dernières semaines des déplacements simultanés, hors du Sénégal, d’un nombre relativement élevé de ministres.» Or, une telle situation, «outre la charge qu’elle constitue pour les Finances publiques, est préjudiciable à l’exécution de dossiers prioritaires». Pour rationnaliser ces missions hors du pays, Me Wade ordonnait alors à Souleymane Ndéné Ndiaye d’«informer les membres du gouvernement que dorénavant, toutes leurs missions à l’étranger devront recueillir (son) autorisation préalable». Il venait alors de poser un acte significatif.
Mais, il semble que l’application d’une telle mesure ne concerne ni le président de la République ni son ministre d’Etat ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures. Du moins au vu de leurs déplacements de ces dernières semaines. En effet, lors de leur dernier passage à Téhéran, Me Abdoulaye Wade et Karim Wade ont utilisé, chacun de son côté, un avion loué à on-ne-sait-quelle-compagnie ou société privée pour le premier, un jet privé pour le second.
Pour leur participation au Sommet France-Afrique de Nice qui vient juste de s’achever, ce fut rebelote. A deux jours d’intervalle, Me Wade et son fils sont arrivés séparément en France, chacun dans son aéronef.
Afin de faire revenir du Togo la styliste Mame Fa Guèye Ba, le président de la République a également affrété un vol spécial à partir de Dakar. C’est le même avion en location que sa fille Sindiély empruntera pour se rendre au Maroc deux jours plus tard.
La bonne leçon du mauvais maître, tel était le titre de l’article du journal Le Quotidien cité plus haut. Avec la crise économique et financière qui frappe durement les petits pays, le bon sens n’aurait-il pas consisté, par exemple, à faire voyager les membres du gouvernement et tous les hauts fonctionnaires en classe business?tout en rationnalisant les déplacements simultanés du Président et de son fils?? En tout cas, dans un pays plus riche que le Sénégal comme l’Espagne, le chef du gouvernement José Luis Zapatero vient d’imposer la classe business à ses ministres.
Chez la superpuissance mondiale, les Etats-Unis, un ambassadeur de rang ne voyage en classe affaires qu’en deux seules occasions?: lorsqu’il doit aller présenter ses lettres de créances auprès d’un chef d’Etat étranger, et quand il doit les ramener en fin de mission. Cela veut dire que le gouvernement américain n’achète en fin de compte pour ses serviteurs que des billets d’avion de classe business. Mais pour un ambassadeur en possession d’un billet business, il arrive qu’une compagnie lui accorde de voyager en classe affaire, compte tenu de son rang.
En France, le ministre délégué à la Coopération, Alain Joyandet, craignant de manquer un Conseil des ministres, avait affrété un vol spécial entre Paris et la Martinique où avait lieu une conférence sur Haïti. Montant de la location?: 116 500 euros (environ 76 millions de francs Cfa). Face au tollé médiatique condamnant cette folie dépensière brutale, il présenta ses excuses aux Français.
Et on en revient à l’impact du courrier du Président sénégalais à son Premier ministre?: suite ou lettre morte?? Le Quotidien a joint à cet effet le porte-parole de la Présidence pour en savoir un peu plus. Peine perdue. C’est finalement auprès d’un autre membre de la cellule de communication du Palais que nous avons été éclairés. Mais selon Pape Dieng, «il n’y a pas de note interne sur cette question. En tout cas, elle n’est pas encore parvenue à la cellule de communication où je suis». Néanmoins, il reconnaît quand même qu’il y a eu «des instructions dans ce sens, avec le nombre élevé de voyages. Mais je ne peux pas dire exactement ce que contient le texte (…) Une lettre adressée au Premier ministre doit revenir au niveau du Secrétariat général du gouvernement qui doit la consigner, avant qu’elle soit distribuée aux différents ministères. C’est sûrement dans le circuit administratif».
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