Interrogé par RFI et France 24 sur un éventuel troisième mandat, le président guinéen, Alpha Condé dit ne pas comprendre : « Je ne comprends pas, il y a beaucoup de pays qui ont changé de Constitution et c’est passé comme une lettre à la poste, quand il s’agit de la Guinée, comme Alpha Condé est un homme indépendant et qui a son franc-parler, peut-être que ça gêne beaucoup de gens ».
En vingt ans, plus de dix présidents africains ont changé la Constitution de leur pays pour se présenter à un mandat de plus. C’est ainsi que bon nombre de présidents africains maintiennent le clair-obscur sur la question du troisième mandat. Au Sénégal, le président Sall, refuse d’être clair sur le sujet pour des raisons qui lui sont propres. Pourquoi vouloir être à la tête d’un pays pauvre où tous les secteurs sont à l’agonie, la pauvreté à chaque coin de rue et des chômeurs qui augmentent de 400 000 diplômés par année ? Pourquoi l’Africain aime tant s’attacher au pouvoir éphémère ?
Il était une fois l’homme le plus diplômé du Cap au Caire
Dans une interview accordée le 18 septembre 2009 à VOA, Abdoulaye Wade avait annoncé qu’il allait se présenter pour un troisième mandat. Immédiatement après cette annonce, les dirigeants de l’opposition ont tourné en dérision la décision en disant que ce n’était qu’un stratagème du président pour mettre de côté la question de la succession jusqu’à ce qu’il puisse mieux positionner son fils, Karim Wade pour le remplacer.
Dans l’ancienne constitution du Sénégal, il n’y avait pas de limites sur le nombre de mandats pour le poste de président. Le président Wade a été élu en 2000 sous cette constitution. En 2001, le Sénégal a adopté une nouvelle constitution qui a introduit une limite de deux mandats consécutifs pour la présidence et réduit la durée du mandat à cinq ans. Cependant, cette loi n’a pas été appliquée rétroactivement au premier mandat du président Wade parce qu’il était élu avant l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution. Pour cette raison, son premier mandat était de sept ans et les deux mandats consécutifs ont commencé avec son deuxième mandat, qui a commencé en 2007. Cependant, dans un amendement ultérieur, l’Assemblée nationale sénégalaise, à la demande du président Wade, a prolongé le mandat à sept ans. Ce changement n’avait pas été appliqué rétroactivement au second terme, qui devait être de cinq ans et s’est terminé en 2012.
L’Assemblée nationale s’était préparée à un autre amendement constitutionnel pour changer l’élection du président de deux tours à un système uninominal majoritaire à un tour. Wade savait que ni lui encore moins son héritier ne pouvaient récolter les 50 % nécessaires pour éviter le second tour. Amadou Gallo Ndiaye, ancien député du PDS, avait même affirmé que la question était auparavant réglée et que l’élection présidentielle se ferait en un tour. En guise de réponse, feu Ousmane Tanor Dieng, ancien secrétaire général du PS disait que ce serait la paille qui briserait le dos du chameau.
Mieux comprendre l’électorat incompréhensible
Alors que la récession persiste, le président Senghor passe la main à son dauphin putatif Abdou Diouf en 1980. Une décision applaudie par l’opinion internationale, mais critiquée par l’opposition sénégalaise. Le 6 mars 1983, les résultats publiés par la Cour suprême sont comme suit : sur 1 928 257 électeurs inscrits, 1 093 244 ont voté, avec 4 169 bulletins nuls, le nombre de suffrages exprimés était de 1 089 075 et c’est naturellement que le président Diouf l’emporta avec 908 879 voix, soit 83,45 %.
C’est avec difficulté que s’est écoulé ce mandat, les politiques économiques ont été un échec, la dette était de 800 milliards de F CFA, soit environ 70 % du PIB et un service de la dette qui représentait 50 % des recettes budgétaires. Malgré tout cela conjugué à la grogne estudiantine et à l’année blanche, le président Diouf remporta les élections de 1988 avec 73,20 % des suffrages exprimés.
La démission du président du Conseil constitutionnel représenta un coup brutal pour le régime socialiste, car elle sous-entendait que les résultats étaient truqués. Les résultats des élections de 1993 ne tomberont que 20 jours après le scrutin et l’assassinat de Maitre Babacar Seye, vice-président du Conseil constitutionnel. C’est ainsi que le président Diouf l’emporte au premier tour avec 58, 40 % des voix.
Durant le déracinement du baobab en l’an 2000, le président Diouf avait obtenu 41,33 % des voix au premier tour et 41,51 % au second tour et Abdoulaye Wade devient le troisième président de la République du Sénégal avec 58,49 % des voix. Après sept ans au pouvoir et de grands chantiers, le président Wade est parvenu à convaincre les Sénégalais durant les élections de 2007 qu’il remportera au premier tour avec 55,90 % des voix. Durant son second et techniquement dernier mandat, les malversations et son fils étaient source d’un problème majeur pour beaucoup de Sénégalais. Il décide toutefois de se présenter une troisième fois et le Conseil constitutionnel validera son troisième mandat. Durant les élections de 2012, le président Wade obtient 34,81 % des voix contre 26,58 % des voix pour le président Sall. Durant le second tour, le président Sall obtiendra 65,80 % des voix contre 34,20 % pour le président Wade. En 2019, le président Sall passera au premier tour comme l’avait fait le président Wade, avec 58,26 % des voix que le Conseil constitutionnel confirmera le 5 mars.
Macky Sall: pourquoi pas moi?Ayant pris le pouvoir au moment où le Sénégal souffrait de dépassements budgétaires et de malversations financières, toute une nation avait espoir en ce président « normal » qui a une épouse « normale » et qui reflète les réalités sénégalaises. Il s’en est fallu de peu pour que le président ne veuille plus se rappeler de son passé douloureux et de faire comme si tout allait bien au Sénégal. Si nous analysons la manière dont les Sénégalais votent, on voit que faute de politique économique indépendante, le Sénégal finit systématiquement par adopter les programmes économiques des institutions de Bretton Woods et d’augmenter les prix des denrées et d’arrêter les subventions durant le second mandat des présidents. Cela fait que les présidents africains sont impopulaires durant leur second mandat et font face à la grogne de la population et à des manifestations interminables. Si la logique est respectée, il est IMPOSSIBLE que le président Sall gagne même s’il s’aventurait à se présenter à un éventuel troisième mandat.
Qui vivet videbit.
Mohamed Dia
Si les Sénégalais opposés à ce que le président Macky Sall se présente en 2024 pour un troisième mandat, tombaient dans ce piège, ce serait la porte ouverte à un débat qui permettrait au président sortant de s’en référer au Conseil Constitutionnel dès le début de l’année 2023! A mon avis, on devrait se limiter à ce que le président Sall a dit à maintes fois, c’est à dire : » C’est moi qui ai mis cette disposition dans la constitution, et je l’ai même faite verrouiller par une disposition qui dit clairement : « Nul ne peut faire plus de deux mandat successifs ». Par contre, les propos tenus par le guide de la famille Omarienne lors de sa rencontre avec le président Sall me font croire à la possibilité que le président Sall puisse être tenté d’y aller en 2024. Le guide a dit ceci : » Le temps que vous avez pour faire avancer le Sénégal n’est pas suffisant, il en faudrait plus » ! Ces propos semblent avoir échappés à des millions de Sénégalais, comme si j’étais la seule à y avoir prêtés attention. Je crains que le moment venu, deux ou trois chefs religieux des grades familles puissent se prononcer pour encourager le président Sall à se représenter pour un troisième mandat. D’aucuns pourraient m’objecter : Et la Constitution alors » ? Je répondrais : Ce serait divers interprétations entre constitutionnalistes Sénégalais et étrangers, et in fine, rien n’empêcherait au président Sall de demander l’avis du Conseil Constitutionnel ! Cette possibilité ne vous rappellerait rien ? Moi, oui !