Le chef de la diplomatie britannique William Hague est ce lundi 3 mars à Kiev. Lors d’une conférence de presse, il a jugé « inacceptable » l’action de la Russie en Ukraine. Une action que son homologue russe continue à défendre.
« Ce n’est pas une façon de faire, ça ne peut être une manière acceptable de régler les affaires internationales au XXIe siècle ». A l’issue d’un premier entretien avec le chef du gouvernement ukrainien Arseni Iatseniouk, le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a estimé que la Russie a violé l’intégrité territoriale de l’Ukraine, enfreignant par là-même le Mémorandum de Budapest.
William Hague adresse une mise en garde à Moscou sur les conséquences et le « prix à payer pour son action en Ukraine ». Il estime qu’il faut poursuivre les efforts diplomatiques, et les initiatives aux Nations unies, à l’Otan, à Bruxelles. Des sanctions économiques sont aussi étudiées. La Russie doit parler aux nouvelles autorités ukrainiennes, dit le chef de la diplomatie britannique. « Si tout cela s’avère insuffisant, nous prendrons d’autres mesures », prévient-il.
Pour autant, l’option militaire n’est pas sur la table, a précisé William Hague lors d’une conférence de presse aux côtés d’Arseni Iatseniouk. « Il est clair que la Russie a envahi la Crimée sans aucune raison », a pour sa part affirmé le chef du gouvernement ukrainien, prévenant que « personne n’avait l’intention de céder la Crimée à quiconque », tout en soulignant qu’il n’envisageait pas d’action militaire.
Lavrov défend l’action de la Russie
Dans un discours à la 25ème session plénière du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a réitéré toute l’argumentation de Moscou pour justifier l’intervention russe en cours en Ukraine. Il a notamment accusé les militants de Maïdan et les nouvelles autorités ukrainiennes de violer les droits de l’homme. Il a de nouveau souligné que la Russie avait, dans ce contexte, le droit d’agir et a fermement critiqué les positions prises par les critiques du comportement du Kremlin.
L’Otan impuissante
Ce dimanche, les deux réunions du Conseil de l’Atlantique Nord – l’une en interne, la suivante avec des représentants ukrainiens – n’ont pu déboucher que sur une nouvelle condamnation du viol par Moscou des règles les plus élémentaires du droit international. Une condamnation tempérée par un appel au dialogue et par le souhait de contacts directs avec Moscou par le biais du Conseil de coopération Otan-Russie.
Car l’Otan doit faire face à une réalité juridique. Les deux traités et les infléchissements successifs des priorités données à l’Alliance atlantique ne prévoient pas le cas d’un conflit armé international hors des frontières de ses pays membres. Et cela bien que quatre d’entre eux (la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie) aient des frontières communes avec l’Ukraine.
Deux pays de l’Otan ont par ailleurs des intérêts particuliers en Ukraine : la Turquie, inquiète du sort de ses « cousins » tatars de Crimée, et la Grèce, préoccupée de celui des Hellènes de Marioupol. Mais l’Ukraine, qui n’est liée à l’Otan que par des accords de partenariat, ne peut se prévaloir de ceux-ci pour appeler quiconque militairement à la rescousse.
L’UE incapable de parler d’une seule voix.
Si l’Otan est ficelée juridiquement, l’Union européenne, elle, se montre une fois de plus incapable de parler d’une seule voix, alors qu’elle est confrontée à l’amorce d’une crise majeure à ses frontières. Plusieurs pays de l’UE souhaitaient en effet convoquer d’urgence une réunion au Sommet des chefs d’État et de gouvernement et quelques-uns voulaient envisager l’imposition de sanctions à l’encontre de Moscou. Mais un accord n’a été possible que sur cette deuxième réunion en dix jours des ministres des Affaires étrangères. On devrait y échanger des informations sur la situation sur le terrain et mettre en commun les éléments recueillis auprès des protagonistes.
L’UE n’a à sa disposition que quelques instruments diplomatiques pour exprimer sa réprobation : la suspension des travaux préparatoires du G8 prévu en juin à Sotchi, par exemple, ou encore l’annulation du déplacement des ministres des Sports aux Jeux paralympiques dans cette même ville – ce qui paraîtra à beaucoup quelque peu dérisoire.
Les chefs de la diplomatie des Vingt-huit devraient donc lancer un énième appel à la raison, ils devraient encourager Kiev à tenir bon et surtout à ne pas engager une épreuve de force militaire, et s’en remettre à une hypothétique médiation de l’Organisation de sécurité et de coopération en Europe (OSCE).
Les moyens de pression des Occidentaux sur le Kremlin ne peuvent être qu’économiques. Mais l’imbrication des échanges, notamment en matière de gaz, avec la Russie est telle que tout boycott ou interdiction d’exporter serait sans doute en violation des règles de l’OMC. Cela nuirait également aux intérêts économiques des Européens eux-mêmes, qui vérifient une fois de plus les risques politiques liés à une surdépendance énergétique vis-à-vis d’un seul fournisseur.