Nous sommes en 98. Bissau, la capitale du pays d’Amilcar Cabral est sous les bombes. Le corps expéditionnaire qui y a été envoyé par le Président Abdou Diouf pour sauver le régime moribond de Nino Viera est confronté à l’un de ses engagements les plus difficiles. Combattant courageusement le dos à la mer, les Jambaar ne cèdent pas un pouce de terrain mais doivent faire face à la puissante artillerie des mutins dirigés par le général Ansumana Mané, héros de la guerre de libération.
Ayant compris sur le tard les difficultés du terrain à cause d’une mauvaise appréciation des rapports de force, Abdou Diouf décide d’envoyer à Bissau deux de nos compatriotes parmi les plus chevronnés, tous les deux généraux à la retraite.
Le premier, Lamine Cissé est dépêché auprès du général mutin Mané qu’il connaît très bien et avec lequel il discute en mandinka, pour négocier les conditions d’un cessez-le-feu.
Le second Mamadou Niang, est nommé ambassadeur en pleine tempête. Mais à peine le contingent sénégalais retiré, Mané et ses hommes lancent en mai 1999 une violente offensive contre les troupes de Viera qui doit se réfugier dans une ambassade étrangère. Dans la foulée, des combattants du Mfdc venus prêter main forte aux mutins entrent dans l’ambassade du Sénégal en menaçant de tuer tout le personnel.
Dans un calme olympien, le général Niang, qui a pris le soin de détruire tous les documents secrets de notre représentation diplomatique pour ne pas qu’ils tombent entre les mains de l’ennemi, fait face aux rebelles surexcités.
Le vieux baroudeur, ancien patron du renseignement militaire, tient aux maquisards un discours de fermeté, évoquant entre autres la violation de notre souveraineté. Mieux, Mamadou Niang évacuera tous ses collaborateurs en les rapatriant sains et saufs à bord d’un avion, après une escale au Cap-Vert. A la coupée de l’avion à Dakar, les autorités présentes ne se priveront pas d’applaudir chaleureusement le général. Ce n’était pas la première fois que cet homme discret rendait d’immenses services à son pays.
En 1991, alors colonel, il fait partie avec feu le général Doudou Diop des signataires de l’accord de Cacheu en Guinée Bissau, premier cessez-le-feu entre l’Etat du Sénégal et le Mfdc dont l’un des pus redoutables chefs militaire de l’époque, Léopold Sagna, avait été son subordonné dans l’armée sénégalaise et lui vouait un grand respect.
Un autre commandant rebelle, Souaïbou Kamougué Diatta, second de Sidy Badji à l’époque, m’a raconté comment une discussion en aparté avec Mamadou Niang, qui pointait déjà l’impasse dans laquelle allait s’enfermer le mouvement irrédentiste, l’avait ébranlé lors de ces pourparlers. Fort de cette expérience, Niang sera porté à la tête de la Commission nationale de gestion de la paix en Casamance.
De sa gestion magistrale de l’Onel à son passage au ministère de l’Interieur, en passant récemment à la Commission politique du dialogue national, Mamadou Niang aura partout laissé des états de service impeccables. C’était un honneur et un bonheur que de discuter avec cet homme pétri d’expérience qui avait la foi en Allah chevillée au corps. Qu’Il lui plaise de l’accueillir à Janatul firdaws…