a torpeur qui enveloppe le quartier Médina de Dakar, plus précisément à la rue 6X19, à 23 h, est brusquement déflorée par un incendie d’une violence inouïe. Le bilan tient du délire : 9 victimes ont été brûlées vives. L’impasse théâtre des faits a joué son drame qui a laissé toute une ville dans l’émoi. Chronique d’un drame en trois actes. Acte1. Des restes d’organes humains, des doigts calcinés jusqu’aux phalanges et réduits à l’état de moignons, des crânes décharnés, des lambeaux de chair calcinés, des globes oculaires évidés, des corps démembrés et complètement carbonisés sont les reliefs macabres qui trônent au milieu des décombres. Sinistres témoins du drame inouï survenu, avant-hier, à la Médina.
Des ustensiles pour enlever des restes de corps démembrés
La question de l’heure et pas des plus urgentes est celle de l’appariement. A qui appartient quel membre ? A quel corps rattacher tel doigt ? Quel nom mettre sur tel crâne réduit en tas fumant ? Difficile d’identifier ou de mettre un nom sur un cadavre, tant les visages ont été défigurés sous l’effet de l’incendie.
Les sapeurs-pompiers ont eu recours à des ustensiles trouvés sur les lieux du sinistre pour enlever des restes de corps démembrés dont on pouvait apercevoir les os ou les différents organes du bas-ventre. Déjà dans la foule de curieux, les regards se détournent, de peur de recevoir en pleine figure l’horreur qui se dessine sous les yeux. Neuf individus dont sept talibés et une fille M. A, âgés entre 10 et 6 ans, ont péri dans ce terrible incendie à l’impasse de la rue 6X19 qui s’est déclaré aux environs de 23 h, ce dimanche.
Plus chanceux, le frère de la seule fille victime M. S. A. est sorti indemne de ce feu qui a laissé des balafres sur ses deux bras, le nez et les lobes de son oreille. La puissance des flammes est passée par là.
Alerté par la fumée âcre et la touffeur de l’atmosphère, le voisinage immédiat coupe instantanément les disjoncteurs, de peur d’embraser davantage le feu. A cause des branchements électriques qui essaiment la maison. Et la présence d’un poteau électrique au lieu du sinistre qui dessert d’autres maisons environnantes. Le feu qui s’est déclenché un moment plus tôt est passé par là.
Acte 2. A la première alerte au feu, vers 23 h, c’est la débandade totale. Désemparés et affolés, les sinistrés essayent de sauver ce qui peut l’être. Les enfants sont les premiers évacués. Certains sont exfiltrés au domicile de leur marabout qui réside chez le guide religieux, feu Thierno Mountaga Tall.
Les cris des victimes rameutent presque toute la Médina qui se rue sur le feu pour jouer aux secouristes, en attendant l’arrivée des sapeurs-pompiers. Appelés à 23h 25 mn, ils se signalent dix minutes plus tard. Jusqu’à 23h 40 mn, les soldats du feu ont eu du mal à pénétrer dans les lieux du drame. L’exiguïté de la maison et l’enclavement de la zone balaient presque d’un revers de la main toute intervention.
Un feu maîtrisé vers 1h 45 mn
Ce n’est qu’à 23h 45 mn qu’ils parviennent finalement à lâcher les premiers jets d’eau. Les éléments de la caserne Malick Sy arrosent les lieux à travers une porte défoncée d’une salle de bain de l’immeuble beige à trois niveaux qui jouxte la maison.
Au plus fort de l’incendie, le cocktail détonnant des flammes mixé à la vitesse du vent glacial, qui soufflait sur les lieux, dépassait les différents niveaux dudit immeuble. Ils sont précédés des voisins qui, eux aussi, ont participé à leur manière à l’extinction du feu. A travers un mur mitoyen, la famille Ndiaye et des voisins lancent des seaux d’eau et de sable. Face à la furie des flammes, toute la baraque cède. L’arbre acacia planté en plein centre de la cour est aussi carbonisé. Seules deux latrines ont su résister aux ravages du feu, finalement anéanti vers 1h 45 mn.
Néanmoins, les sapeurs reviennent à la charge pour vérifier si les différents centres du feu ont été bien éteints. C’est en ce moment précis qu’un premier cadavre a été découvert sur l’ancienne chambre de la dame Aminatou Diallo. Il s’agit de sa fille M. A. Tandis qu’un autre, couché sur le dos, est à peine visible. La chair humaine qui recouvrait son corps s’est carbonisée. Interdit de filmer ou de s’approcher.
4 corps acheminés à l’hôpital Le Dantec, les autres à Fann pour autopsie
Acte 3. Dehors, les bras sur la tête, la dame Alimatou Diallo a du mal à se contenir. Surtout en pensant à sa fille de 8 ans M. A. Elle se console en pensant qu’elle a pu être évacuée à temps. Malheureusement pour elle, sa seule et unique fille qui l’assistait dans les tâches ménagères a péri dans l’incendie.
A 100 m du drame, on se bouche le nez à cause de l’odeur pestilentielle qui se dégageait des corps sans vie, complètement cramés et gisant par terre. La zone sous forte surveillance policière est quadrillée des deux côtés, aussi bien sur l’impasse qui donne sur la rue 6X23 ou que celle de la rue 6X19.
Pour tromper la vigilance des badauds, les soldats du feu en concertation avec les policiers élaborent une stratégie pour évacuer les cadavres. Une ambulance et un camion citerne sont visibles sur l’asphalte. De l’autre côté aussi, le même dispositif est mis en place, obstruant du coup la circulation sur cet axe à grand flux. Les différents commerçants qui tiennent boutique sur la zone ont été priés de fermer leur commerce pour s’entourer de plus de discrétion. Le temps pour la police d’encadrer l’évacuation des cadavres.
Malheureusement, le jeu est dévoilé. Au grand dam de la police qui assiste impuissante aux cris d’hystérie, syncopes et autres pleurs de la foule, à la vue des cadavres enfouis sous des toiles blanches ou aux couleurs noir et blanc. Lesquels sont acheminés à l’hôpital Le Dantec où 4 corps ont été seulement reçus faute de place. Les autres ayant été acheminés à l’hôpital Fann pour autopsie, signalent des sources concordantes.
[email protected]