Dès l'instant où le principal accusé n'a pas nié sa présence dans ce lieu, ses accusateurs ont perdu la manche. Par la suite, toutes les pièces présentées (certificat médical, rapport de la gendarmerie, etc.) et les témoins écoutés contredisaient la thèse officielle. C'était plié. Il ne fallait pas pousser plus loin le bouchon. Voilà pourquoi j'avais personnellement pris position face à ce qui me semblait être une injustice. J'ai effectué la même démarche à propos de l'accusation portée contre l'imam Ndao. J'ai écrit très tôt, après une petite enquête personnelle sur cet homme, qu'il était innocent. La suite nous la connaissons. La personne accusée, ses croyances, son sexe, sa couleur n'ont pas vraiment d'importance. Seule l'injustice importe. Et dans l'histoire du Sénégal, des hommes et des femmes se sont toujours levés contre l'injustice. Les exemples sont nombreux. Après une décision injuste prise à l'encontre d'Ahmadou Cheikhou prise en 1875 par celui qui pouvait être considéré à l'époque comme un doyen des juges, Madiakhaté Kala, le marabout Cheikh Ahmadou Bamba avait publiquement réagi en dénonçant ladite décision. Cela, en dépit du fait que Madiakhaté Kala fut son aîné et un de ses maîtres en rhétorique. Cheikh Anta Diop avait publiquement pris fait et cause pour Mamadou Dia lorsqu'il a été injustement accusé par le régime de Senghor. Cela, en dépit du fait que Mamadou Dia lui-même était, à l'époque où il était dans le camp du pouvoir, de ceux qui avaient avalisé son emprisonnement qui a failli lui coûter la vie. On peut ne pas aimer une personne, ne pas partager ses convictions politiques, idéologiques, mais l'injustice qui la touche doit être toujours dénoncée. Mais pour cela, il faut faire preuve d'ascèse. L'indigence rationnelle et spirituelle nous en éloignent. Pour cette présente affaire, c'est simple : des personnes accusées par le leader de Pastef de malversations financières au détriment de l'intérêt des Sénégalais ont fomenté un complot pour se venger. Le président de la République a sauté sur l'occasion, lui qui avait juré de réduire l'opposition à sa plus simple expression. Ce qui est une violation flagrante de la Constitution (qui consacre l'opposition) qu'il avait pourtant juré de faire respecter. Les tentatives antérieures de liquidation dirigées contre deux opposants (Karim Wade et Khalifa Sall) ayant fonctionné, il s'est senti pousser des ailes. Assoiffé de sang d'opposants, le prochain sur l'autel du sacrifice devait être le leader de Pastef. Seulement, ce n'était plus la même opposition. En face il y avait du répondant. D'autant plus que la thèse du complot s'était bien propagée au sein des masses. Le régime a recruté des cabinets de communication, envoyé ses sbires sur les plateaux de télévision, payé des publireportages à des fins de propagande, mais plus on accablait le leader de Pastef plus sa cote de popularité augmentait. L'opinion publique avait pris fait et cause pour lui. Les dernières élections en constituent le baromètre. La cabale ayant échoué aux yeux de l'opinion, il fallait pour le régime prendre en compte cette donne et changer de fusil d'épaule. Mais la bêtise insiste toujours. Elle nous a valu des morts. Des morts il y en a toujours d'ailleurs. Pendant que l'attention est captée par la Coupe du monde, nous apprenions la disparition et la mort suspecte d'un militaire. C'est durant une coupe du monde (1994) qu'un génocide était organisé au Rwanda. La mort de ce militaire serait liée au fameux rapport de la gendarmerie révélée par Pape Alé Niang, ce "journaliste organique" (pour reprendre l'expression de Jacques Habib Sy de cette semaine) injustement détenu à l'heure où ce texte est rédigé. Le régime semble être aux abois, déchiré par une série de scandales. Comme pour narguer les populations, les personnes citées dans les scandales sont promues, l'intimidation et la répression sont érigées en méthodes de gouvernement. Depuis quelques années, nous assistons à une ruine de l'État. Cela fait déjà quelques mois/années que je joins ma voix à celle de beaucoup d'autres pour dénoncer la banalisation des institutions, la mise au pas de la justice, la politisation de l'administration, l'opposition de communautés socioculturelles, l'instrumentalisation des identités ethniques, régionales, etc. Toutes choses à l'origine de l’atmosphère de violence constatée dans l'espace public. Xaadim Njaay
Un procès politique se gagne au sein de l’opinion. Wade avait raison. (Par Xaadim Njaay)
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