L’une des plus gros courtiers en pétrole, Hin Leong Trading, a enregistré une perte de 800 millions de dollars. La faillite controversée de la société du milliardaire « OK Lim », intervenue avant le dernier krach pétrolier aux Etats-Unis, expose la dérive du trader surnommé le « Loup de Singapour ».
Une firme de trading de Singapour a perdu 800 millions de dollars en spéculant sur le pétrole. (iStock)Par Nessim Aït-KacimiPublié le 21 avr. 2020 à 12h33Mis à jour le 21 avr. 2020 à 16h39
Le contre-choc pétrolier a fait des victimes dans la communauté des spéculateurs et des traders, même chevronnés. La firme de courtage singapourienne Hin Leong Trading a ainsi perdu 800 millions de dollars, une estimation conservatrice, sur les contrats à terme sur le marché pétrolier. Soit plus de 10 fois son bénéfice de 2019 (78 millions de dollars pour son exercice arrêté au 31 octobre). Ces pertes ont été enregistrées avant le plongeon historique, lundi, des cours du pétrole aux Etats-Unis en territoire négatif . Un nouveau krach qui n’a sans doute pas manqué de faire lui aussi des victimes.
L’enquête devra déterminer si la société de trading de Singapour a été victime de la prise de risque inconsidérée d’un ou de plusieurs de ses traders indélicats , baptisés « rogue traders » ( traders escrocs ). Autre hypothèse, OK Lim, un grand joueur de poker, a pu parfaitement assumer la prise de risque de ses opérateurs et les couvrir, sinon les encourager.
L’année dernière, Petro Diamond Singapore (groupe Mitsubishi) a perdu 320 millions de dollars sur les dérivés sur le pétrole à cause des agissements d’un trader (Jack Wang). Trois autres groupes connurent de telles déconvenues. Le pionnier fut le groupe allemand Metallgesellschaft dont un trader perdit 2,6 milliards de marks en 1993 sur les contrats à terme sur le pétrole. Unipec, une filiale de Sinopec perdit 680 millions de dollars sur le pétrole en 2018. La facture de la spéculation d’un de ses traders fut de 550 millions de dollars pour la China Aviation Oil (Singapore). Sur les matières premières, le record de pertes (gaz naturel) fut pour le fonds spéculatif Amaranth : 6,5 milliards de dollars, en 2006.
Banques exposées
La société est très endettée auprès des banques, pour 3,85 milliards de dollars. HSBC est en tête (600 millions de dollars) suivis par ABN Amro (300 millions) et Société Générale (240 millions de dollars). Pour obtenir ces prêts, la firme de trading avait apporté en garantie des millions de barils de pétrole qu’elle détenait dans ses entrepôts. Or l’entreprise a annoncé qu’elle avait vendu une « part substantielle » de ses stocks pour récupérer des liquidités. La valeur de ses dettes est six fois supérieure à celle de ses actifs. Un déséquilibre accentué par le krach du pétrole au premier trimestre. Début avril, la valeur de son stock de pétrole était de 141 millions de dollars contre 1,3 milliard de dollars fin octobre.
Hin Leong Trading pourrait être rachetée à bas prix par un groupe étranger. L’entreprise chinoise Sinopec aurait manifesté son intérêt, selon le « Financial Times ». Unipec, une filiale de ce groupe pétrolier chinois perdit elle aussi beaucoup d’argent sur les marchés pétroliers, 680 millions de dollars en 2018.