La réunion annuelle des mouvements »Bess du Nakk » basés en Europe s’est tenue à Bruxelles en présence de leur leader Serigne Mansour Sy Djamil en tournée de mobilisation de ses militants de la diaspora. Il a, cet effet, saisi l’occasion pour s’entretenir avec les sénégalais vivant en Europe, dans le cadre d’une conférence axée sur la place de la diaspora dans la nouvelle configuration du paysage politique et socio-économique du Sénégal. Souleymane Jules Diop, chef du bureau économique et culturel, Alioune Diop, coordonnateur de l’Apr Benelux, Moustapha cissé du Ps ou encore le célèbre politicien belgo congolais de la ville de Bruxelles Bertrand Mampaka et tant d’autres d’illustres invités, ont, dans leurs interventions, enrichi les débats.
Le mouvement dirigé par le guide religieux Serigne Mansour Sy Djamil, par ailleurs Député, Vice-président à l’Assemblée Nationale élargit ses bases au niveau de la diaspora européenne. En marge de la tournée qu’il a initiée depuis une décade, il a effectué un périple d’Allemagne en France, en passant par la Belgique où le séjour a été clôturé par une conférence éminemment cruciale sur le thème : « Le rôle et la place de la diaspora dans la nouvelle configuration du paysage politique et socioéconomique du Sénégal ». « C’était important pour les sénégalais de la diaspora d’identifier davantage leurs places dans le nouveau paysage politico socioéconomique de leur pays d’origine, le Sénégal, mais aussi d’appréhender les paradigmes de leurs apports financiers dans le développement du pays » a laissé entendre le sieur Dame Diouf, coordonnateur du mouvement en Belgique. Avec un panel composé d’intervenants dans le domaine de l’immigration et de la diaspora, les jalons ont été posés d’entrée.
Dans son intervention, Alioune Diop, coordonnateur de l’apr Benelux a axé son exposé sur les spécificités de la diaspora tout en déclinant leurs rôles et apports dans l’évolution du monde avec un exemple sur le cas du Sénégal et l’Afrique. Moustapha Cissé, coordonnateur de parti socialiste sénégalais a, quant à lui, évoqué les différentes compétences de la diaspora notamment celle du Benelux qui doit être mise davantage en valeur au niveau économique et géopolitique. Dans le même sillage, on note l’intervention remarquée du député bruxellois Bertin Mampaka, ancien, échevin de la solidarité internationale de la ville de Bruxelles qui a appelé les africains à s’engager encore plus pour accéder aux postes décisionnels surtout politiques pour changer la perception de la diaspora dans les pays européens. reconnait-il, les diasporas d’Afrique sont de véritables acteurs de développement. Quant à Karel Uyttendaele, il prône l’émergence d’une nouvelle économie de croissance de l’Afrique. Il a aussi présenté un projet pilote de migration circulaire avec le Sénégal où des entrepreneurs et cadres hautement qualifiés seront invités à effectuer un stage de travail d’un an dans une entreprise belge.
L’intervention de Mansour Sy Djamil
Prenant la parole, le Député et président national du mouvement »Bess du Nakk » Serigne Mansour Sy Djamil a remercié les sénégalais de la diaspora notamment les communautés mouride, Hal Pular et chrétienne de Belgique et tous ceux venant des différents pays de la Belgique, d’Allemagne, d’Italie, de France, d’Espagne du Sénégal etc pour la conférence. Il s’est, en outre, félicité de toutes les contributions faites par les intervenants. Une initiative des organisateurs d’élargir les débats et de rassembler plus de compétences sur un sujet aussi important pour la diaspora. Dans la même veine, le député a rendu hommage aux journalistes Latif Coulibaly et Souleymane Jules Diop qui, dit-il, ont été des acteurs de changement au Sénégal en assumant véritablement ce rôle de contre pouvoir contre le régime d’Abdoulaye Wade. « A eux deux, ils ont donné au journalisme sa dignité et à la presse son authenticité » a précisé le président de »Bess du Nakk ». Poursuivant sur Souleymane Jules Diop, il a déclaré : « Il a sacrifié sa famille pour le Sénégal. Lui, au moins il n’a pas vendu son âme et sa dignité. Si, aujourd’hui, on n’a pu terrasser Abdoulaye Wade, c’est en très grande partie grâce à Souleymane qui a donné espoir aux sénégalais et notamment à ceux de la diaspora qu’on pouvait être à l’extérieur du pays et contribuer de façon efficace à la bonne marche de la démocratie. Il est rentré au pays et représente son pays dignement. En fait, il incarne en sa personne le thème de la conférence d’aujourd’hui » a soutenu Mansour Sy Djamil. Pour lui, l’apport de la diaspora s’est aussi avérée non négligeable surtout dans le cadre des assises nationales où la diaspora a contribué à l’instance citoyenne et politique dans la réflexion pour l’évolution du pays. Ce sont les cas des diasporas de France, de canada, des Etats Unis dont l’apport a été considérable avec, à la clé, une participation à la conférence des Nations Unis axée les diasporas dans le développement économique de l’Afrique.
3 millions 500 sénégalais hors du pays
En effet, prés de 30 millions d’Africains, soit environ 3% de l’ensemble de la population, vivent hors du continent, selon le député qui considère qu’il est aujourd’hui essentiel de cerner la question des diasporas. Pour le cas du Sénégal, 3 millions 500 personnes vivent hors du pays, soit le quart de la population totale. Toutefois, précise t-il : « Il y a une diaspora qui se trouve d’abord en Afrique avec ses spécificités dans la contribution et la diaspora basée hors de l’Afrique. Pour lui, la question qui mérite réflexion est comment faire bénéficier les acquis financiers et humains de la diaspora aux pays d’Afrique. Il y a les transferts d’argent, il y a aussi les contributions au commerce et les investissements directs. Les investissements domestiques sont les richesses détenues par les africains de la diaspora. « Toutes ces questions ont fait l’objet de débats sérieux au niveau de la banque mondiale » affirme Mansour Sy Djamil qui a mis l’accent sur l’importance du transfert d’argent individuel dans la stabilité sociale du pays. « C’est Modou qui envoie de l’argent à sa mère, ou encore les communautés villageoises, les communautés ethniques, ou celles religieuses qui envoient de l’argent. Ces fonds mandatés sont souvent destinées à la vie quotidienne, à la construction d’écoles, d’hôpitaux ou centres de sante, de mosquées, de forages. C’est ce qu’on appelle le connecting investissement. En France, chaque village a son association, son compte bancaire avec des millions d’euros. Comment orienter cet investissement dans des secteurs productifs par l’Etat, c’est là une problématique posée par le conférencier qui a mis en exergue le rôle déterminant de la diaspora dans le transfert de compétences, dans la science et la technologie. C’est d’ailleurs pour cette raison, il a relaté le cas du sénégalais d’Allemagne Atou Khalide Lô âgé 88 ans qui, depuis 1958, travaille dans les réactifs, un laboratoire les plus grands du monde. « Quand Lady Diana est morte, c’est son laboratoire qui a fait le test pour voir si son chauffeur avait bu ou non, si l’Europe peut identifier la quantité de drogue chez une personne, c’est Atou Khalide Lô, chez les pilotes de ligne, c’est également Atou Khalide Lô qui a inventé tout çà » souligne Mansour Sy Djamil. En effet, Mr Atou Khalide Lô, professeur de renommée internationale à Steinenbronn-Stuttgart avait sollicité le régime de Wade pour former et transmettre son savoir, gratuitement, à des étudiants chimistes sénégalais. Une requête de l’année 2003 restée sans réponse. « S’il a eu cette expertise là, c’est parce qu’il est resté dans la diaspora, mais aujourd’hui il veut donner ce savoir et cette expertise aux sénégalais» a dit le député. Mais pour lui, il faut que les Etats essaient de mettre place des politiques qui tiennent compte de la contribution de la diaspora pour essayer de tirer au maximum de leur apport.
Le leader du mouvement »Bess du Nakk » a également évoqué dans son intervention la question de la double nationalité : « je suis peiné de voir un gars aussi compétent qu’Abdou Lô qui a fait ses preuves en Allemagne, le Président Macky Sall a voulu faire bénéficier de ses compétences en le nommant Ministre, mais il y a eu une vague de protestations pour dire qu’il est allemand. On ne peut pas l’empêcher d’être sénégalais, pour moi c’est un faux débat » a asséné Mansour Sy. Pour lui, ce cas doit interpeller les citoyens de la diaspora parce que : « c’est quelques chose qui vous concerne, demain vous allez avoir des enfants, parce qu’ils ont d’autres nationalités, qu’on ne va pas leur reconnaitre leur identité sénégalaise. Ce n’est pas les cas des autres pays d’Afrique. C’est au niveau des conventions qu’on règle ces problèmes là. Donc, cette bataille il faut la mener ici » a t–il lancé à l’endroit de la diaspora. C’est le cas pour le droit de vote, également un combat qu’il faut mener au niveau des sénégalais la diaspora. Car, sur 3 millions 500 d’émigrés sénégalais, seuls 180 000 s’étaient inscrits à la dernière présidentielle dont seulement 34 000 votants. Hors, cette population d’émigrés, même si elle s’est détournée progressivement de la politique à cause des « tromperies », est appelée à exercer son devoir et son droit citoyens a dit le charismatique député.
Ses 40 ans à l’étranger
En effet, ce dernier, après avoir vécu 40 ans à l’étranger dont 27 ans en Arabie saoudite, 8 ans à Paris et 6 ans à Londres, est un homme de la diaspora apte à comprendre au mieux les besoins de cette diaspora. C’est pourquoi se demande t-il « Les initiatives prises par les gouvernements conviennent-elles ou pas à la diaspora ? » En tout état de cause, la facilitation aux investissements par les pays peut donner de la diaspora une sorte d’incitation à retourner dans les pays. Mais, le fait que les pays européens demandent aux sénégalais et africains de la diaspora de rentrer au prix d’un appui, « est ce que ce n’est pas un piège » s’interroge t-il parce qu’il demeure convaincu du rôle essentiel de la diaspora dans l’émergence du Sénégal. Dans la mesure, celle-ci envoie chaque année plus de 800 milliards de fcfa dont 2 milliards par jour, 19% du Pib et deux fois que l’aide au développement de la Banque mondiale, du Fmi, de l’Union européenne etc… Le vice-président à l’Assemblée Nationale n’a pas manqué de décliner les initiatives du Gouvernement du Sénégal à travers le Ministère des Sénégalais de l’Extérieur avec pour mission de préparer et de mettre en œuvre la politique de l’Etat en matière de gestion, de protection et de promotion des Sénégalais de l’Extérieur par des actions adaptées à leurs besoins. Ainsi, il y a la mise en place d’un Fond d’investissement direct de 330 millions visant à renforcer les compétences des sénégalais de l’extérieur, il y a aussi le projet de mobilisation des ressources de la diaspora. Il a également mis l’accent sur les bureaux d’Appui aux Sénégalais de l’Extérieur (BASE) dans les missions diplomatiques et consulaires chargés de mener des actions comme le recensement des compatriotes expatriés pour asseoir un système de collecte et de gestion des données dans 10 pays à forte concentration de Sénégalais de l’extérieur (France, Italie, Espagne, Gabon, Mauritanie, Côte d’Ivoire, Maroc, Etats-Unis, Canada, Arabie Saoudite). Il y aussi le Fonds d’Appui à l’Investissement des Sénégalais de l’Extérieur (Faise) qui vise à maximiser les effets positifs de la migration sur le développement économique et social du pays. Tous ces programmes et projets ont été déclinés par le député devant l’assistance. A noter que la tenue de cette conférence fait suite à une rencontre qui se veut désormais annuelle entre les différentes sections du mouvement »Bess du Nakk » de l’Europe et a débouché sur la mise en place d’une fédération européenne prête à se lancer à la conquête du Vieux Continent. Selon Dame Diouf, coordonnateur en Belgique « ce mouvement est une plateforme de réflexions et d’actions qui transcende les barrières idéologiques, socioculturelles et religieuses » souligne t-il. Une force composée aussi de femmes dynamiques qui œuvrent pour la cause de »Bess du Nakk ». Il s’agit de la secrétaire à la communication Bineta Cissé, de Alimatou Sow, ou encore de Athia Sy pionnière du mouvement en Belgique.
Jamil THIAM Bruxelles