Le panache venu d’Islande n’est ni le premier ni le dernier : l’île compte 130 volcans actifs qui, à intervalles irréguliers, vomissent lave et torrents de boue et expulsent dans l’atmosphère des nuages de poussières. Le volcan Eyjafjöll, qui sème actuellement le chaos dans le transport aérien en Europe, s’était réveillé le 20 mars, se contentant d’abord d’écoulements latéraux, avant l’entrée en phase explosive, mercredi 14 avril.
Comment va-t-il évoluer ? « Je ne suis pas sûr d’avoir toutes les réponses », admet le volcanologue islandais Freysteinn Sigmundsson, actuellement en visite à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP). Passage en revue des questions posées par Eyjafjöll.
Pourquoi ce volcan s’est-il réveillé ? Cela fait seize ans que l’éruption couvait. « Depuis 1994, les sismographes et les balises GPS ont décelé la montée du magma par crises successives, explique Patrick Allard, directeur de recherche au CNRS et volcanologue à l’IPGP. Le réservoir s’est graduellement mis en pression. »
Pour comprendre le phénomène, il convient de rappeler que l’Islande n’est que la partie émergée d’une chaîne volcanique qui coupe l’Atlantique du nord au sud. Située sur cette dorsale, l’Islande a aussi la particularité de se trouver à l’aplomb d’un « point chaud », une sorte de chalumeau géologique dont les racines se situent à 700 ou 800 km de profondeur. L’île est d’ailleurs le produit du magma expulsé jusqu’à la surface. L’éruption actuelle n’est qu’une manifestation mineure de cette activité. « C’est une petite éruption, qui a produit moins de 100 millions de m3 de matières, estime M. Sigmundsson. Si c’est une catastrophe, c’est pour des raisons météorologiques, à cause des vents actuellement tournés vers l’Europe. »
Pourquoi le volcan est-il passé soudain en mode « explosif » ? « En partie parce qu’il s’est mis à émettre un magma évolué, plus visqueux que le basalt fondu produit le 20 mars », répond M. Allard. Mais aussi parce que ce magma est entré en contact avec le glacier qui recouvre le volcan. La différence de température de 1 100 °C entre le feu et la glace engendre une « vaporisation violente ». Le panache qui en résulte est composé de poussières de silice (les cendres) allant de quelques millimètres à quelques microns, mais aussi des aérosols, particules en suspension dans lesquelles divers gaz et composés peuvent se combiner pour former des acides.
C’est notamment le cas du fluor, dont les retombées sont redoutées depuis qu’en 1783 l’éruption du Laki en avait inondé l’Islande, tuant le bétail par empoisonnement, mais aussi 3 000 Islandais, victimes de la famine. Les poussières avaient induit en Europe un petit hiver climatique dont certains estiment qu’il a joué un rôle dans la Révolution française.
Combien de temps l’émission du panache peut-elle durer ? Il est probable que l’émission de poussières sera moins abondante lorsque les 200 à 300 mètres de glace qui couronnent le volcan auront fondu. « Il est encore difficile d’évaluer à quel rythme cela va diminuer, indique M. Sigmundsson. Mais nous allons assister à au moins quelques jours d’une telle activité. » Au-delà, le volcan pourrait rester actif plusieurs mois, « voire un an et demi, comme lors de sa dernière éruption », en 1821, note le volcanologue islandais.
Doit-on redouter une contagion à d’autres volcans ? Sur les trois éruptions historiques du Eyjafjöll, en 920, 1612 et 1821, le volcan Katla, dix fois plus gros, s’était lui aussi réveillé de façon « plus ou moins synchrone », lors des deux dernières, indique M. Allard. Aussi les Islandais redoutent-ils une prochaine éruption. Le Katla, lui aussi couvert d’une calotte de glace, a par le passé produit d’énormes jökulhlaups, des débâcles glaciaires qui se traduisent par des crues de boue dévastatrices. Mais pour l’heure, « aucun signal ancien ou récent d’activité n’a été enregistré sur ce volcan », indique M. Allard.