Jeudi 18 mars 2010, en milieu de matinée, la commune de Vélingara chef lieu de département de la région de Kolda sombre dans une violence politico sociale jamais vécue auparavant de mémoires des anciens de la ville. La mairie de la villes est incendiée, les domiciles privés mis à sac, les biens publics sabotés, le campement touristique supprimé par voix d’incendie, les forces de police ouvrent le feu sur les manifestants. C’est le comble. Ces derniers protestaient contre la forclusion de leur équipe de football à la ligue II professionnelle.
Ce qui s’est passé à Vélingara le jeudi 18 mars dernier défie toutes les imaginations. En colère contre les autorités locales suite à la forclusion qui a frappé leur équipe fanion de football, le Kawral, à la ligue II professionnelle faute d’un complément de la participation financière estimée à six (6) millions dont la mairie aurait versé la moitié, les jeunes de la commune de Vélingara ont choisi la marche pour exprimer leur déception. Au début déclaré pacifique, cette manifestation a finalement dégénéré en un vaste mouvement de vandalisme appuyé par les écoliers délogés pour la circonstance.
Les dégâts sont incommensurables. L’hôtel de ville est saccagé avant d’être littéralement incendié. La furie des flammes a réduit en cendres l’ensemble des pièces d’état civil. Le véhicule du maire Oury Baïlo Diallo est calciné, un autre lui appartenant cassé et renversé, son domicile saccagé tout comme celui du député libéral Bèye Baldé, du député AndJëff Amady Diallo dit Pathioco et du sénateur Souleymane Barry.
Après avoir brisé une station d’essence, les manifestants ont ensuite mis feu à deux grosses motos stationnées en face d’une banque puis se sont dirigés vers le centre touristique appartenant à l’institution municipale qu’ils ont brûlé à grand feu. Et sous l’effet du mouvement de masse soutenu par l’orgueil d’avoir sorti sept des leurs de la brigade de gendarmerie, ces jeunes avaient même tenté de libérer les détenus de la maison d’arrêt et de correction de vélingara ; mais la riposte des maîtres des lieux a eu raison d’eux « tuer nous tous d’abord avant de les libérer » leur ont–ils lancé, doigt sur la gâchette.
Excédés par l’ampleur de la violence les forces de l’ordre ouvrent le feu et font deux blessés légers par balles à la jambe. Sur place, les arrestations se poursuivent et à tout moment. Boubacar Seydi, enseignant de son état, présentait des sévices sur tout le corps juste après sa libération. « J’ai été malmené et torturé nuitamment devant mes enfants avant d’être conduit à la brigade de gendarmerie comme un malpropre » a-t-il confié.
Dans ce panier à salade, Abdoulaye Cissé le président de la convention régionale des jeunes de Kolda, Nabi Camara président de l’Asc (Association Sportive et Culturelle) le kawral, Nabi Camara et son adjoint. Nombreux sont ceux qui sont en fuite mais il arrive que leurs parents soient embastillés à leur place en attendant que leurs fils se rendent.
L’état civil parti en fumée, les consciences reviennent à la raison !
Personne à ce jour, jusque dans les rangs des manifestants, ne cautionne les actes de pillage et de destruction par voix d’incendie de la mairie et de tout ce qu’elle contenait comme pièces d’état civil (actes de naissance, de mariage, de décès et de toutes les charges institutionnelles relevant de la mairie.) Cela dénote un regret qui a fini de s’emparer de tous. Le secrétaire municipal manque de mots pour exprimer l’ampleur des dégâts. « Je souffle mes 54 bougies cette année, mais jamais je n’ai vu de tels actes de vandalisme dans cette commune de Vélingara même pendant les heures sombres de la politique. La destruction des fichiers de l’état civil est un crime contre les populations. Tenez, les enfants en classe d’examen ou prétendants à des concours sont dans le pétrin. Tout est cassé, les outils informatiques, les registres, bref rien n’a été oublié, comme c’est ignoble » s’écrie Mamadou Bâ le secrétaire municipal de la mairie de Vélingara !
L’observatoire des droits de l’homme s’indigne des dégâts et condamne les tortures Souleymane Jules Bâ, le président de l’Observatoire des droits de l’homme à Vélingara condamne les actes de violence orchestrés dans la ville. « Je ne peux pas comprendre que des jeunes se payent le luxe de casser et faire feu à tout ce qui leur tombe sous la main. C’est grave, un édifice comme la mairie, les domiciles privés brûlés, vraiment c’est mauvais » note-t-il, mais s’empresse de relever que « pour autant, cela ne donne pas droit à exercer des sévices sur les personnes interpellées car ceux qui sont arrêtés ne sont pas tous coupables, c’est un travail d’enquête. Et, même ceux qui sont coupables, il y’a des voies de correction autorisées par la loi en vigueur. Ceci étant, nous condamnons avec vigueur ces cas de torture sur les individus arrêtés » dénonce-t-il.
Même symphonie du côté de la Rencontre africaine de défense des droits de l’homme (Raddho). Par la voix de Thierno Diallo le Coordonnateur régional à Kolda, « l’organisme condamne des cas avérés de torture sur les jeunes embastillés à la suite de ces manifestations ».
Des soubassements politiques selon certains !
A Vélingara, nombreux ceux qui indiquent une piste politique aux allures de règlement de compte dans cette affaire de casses et d’incendie. « Sinon, comment comprendre l’ampleur de telles manifestations » se demandent-ils. Les partisans du maire Oury Baïlo Diallo soutiennent mordicus que « c’est le résultat d’un complot ourdi contre le maire par les militants de Rewmi le parti de Idrissa Seck ex Premier ministre et maire de Thiès. Faux, rétorquent les mis en cause arguant que « ces interprétations sont fallacieuses, nulles et non avenues ». Mais tout cela se dit dans les coulisses car jusqu’ici, l’affaire est jugée très sensible dans la ville.
Le troisième camp l’attribut tout simplement à des jeunes, sans coloration politique, mais avides de booster leur équipe fanion au rang des élites de la nation, sans toutefois légitimer les casses.
A relever que les élèves qui ont été mis à contribution le jour des manifestations, subissent également les ennuis des arrestations. Depuis avant-hier lundi ils observent un mot d’ordre de grève illimité pour exiger la libération de leurs camarades. Auparavant, c’était les femmes qui avaient envahi les rues pour les mêmes motifs.
sudonlien.sn