Une manifestation de l’opposition, un journaliste togolais menacé par un militaire français, et le désaveu de l’armée tricolore : tous les éléments étaient réunis pour faire «buzzer» la vidéo de l’altercation sur Internet.
Mardi 10 août à Lomé, la capitale du Togo. En marge d’une confrontation entre les partisans de l’Union des forces de changement (parti d’opposition togolaise) et les gendarmes togolais, un retentissant face-à-face oppose Romuald Létondot, un officier français et Didier Ledoux, un journaliste togolais du quotidien Liberté. Le premier, qui se décrit comme conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre, exige du second qu’il efface une photo de lui qu’il avait prise. Résultat : le ton monte et les menaces fusent.
Sur les images de YouTube mise en ligne par un internaute sous le pseudo de «Togo Vi», on voit l’officier qui lance sur un ton agressif : «Tu sais qui je suis ? Je suis le conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre. Tu veux que j’appelle le RCGP (régiment des commandos de la garde présidentielle, ndlr) pour foutre un peu d’ordre là-dedans ? Alors, je demande d’enlever les photos. Est-ce que c’est compliqué ?». Le journaliste accepte, mais se défend en expliquant être venu pour «couvrir l’événement».
Entouré de gendarmes togolais casqués, matraque à la main, l’officier menace ostensiblement le journaliste. Il lui dit : «Tu veux qu’on te donne un coup sur l’appareil ou quoi ?». A la fin de la vidéo, le militaire s’adresse à un gendarme togolais : «Tu le mets en taule !». Cette vidéo, mise en ligne le lendemain sur YouTube, a déclenché l’ire de la presse togolaise et a déjà été visionnée par 220.000 internautes.
«Je me suis fait piéger»
Sur le site du quotidien togolais Liberté, un collaborateur de Didier Ledoux pose une question : que vient chercher un conseiller spécial du chef d’état-major de l’armée de terre à une manifestation publique dont la sécurité est en principe assurée par la police et la gendarmerie ?
En réponse à cette question, l’ambassade de France a publié un communiqué laconique dans lequel elle explique le contexte de l’altercation : «Le véhicule d’un officier français, membre de la mission de coopération militaire, qui se trouvait fortuitement aux abords d’un rassemblement, a fait l’objet de jets de pierres. Après avoir signalé les faits au détachement de gendarmerie qui se trouvait à proximité, l’officier n’a pas souhaité qu’un photographe fasse une prise de vue.»
Dans un entretien accordé au site Internet l‘Express.fr, l’officier Romuald Letondot s’explique ainsi : «J’ai remarqué qu’un photographe me prenait en train de commander aux gendarmes, et je savais que cela allait être très mal interprété. C’est pour cela que j’ai demandé au reporter d’effacer sa photo, en lançant des intimidations. Ce n’était pas des menaces parce que je n’ai évidemment aucun pouvoir sur la gendarmerie togolaise». Et il ajoute : «J’ai réagi comme quelqu’un d’agressé, et je suis plutôt victime dans cette affaire. Il faut comprendre que je n’avais pas d’alternative et que je me suis fait piéger».
Les ministères français des Affaires étrangères et de la Défense ont condamné l’attitude du militaire français, mettant en avant la nécessité du respect de la liberté de la presse.»Ce n’est pas un vocabulaire et une attitude compatibles avec ce que l’on attend de notre personnel et des cadres de la Défense en particulier», déclare le porte-parole du ministère, Laurent Teisseire.
Selon le porte-parole et l’officier français, une rencontre avec le journaliste à été organisée à l’ambassade de France en présence du chargé d’affaires afin que Romuald Letondot puisse présenter ses excuses, «qui ont été acceptées». Toutefois le ministère de la Défense n’a pas indiqué si l’officier serait soumis à des sanctions, la décision relevant du Quai d’Orsay.
lefigaro.fr