La rue a du mal à digérer le discours d’Abdoulaye Wade. Depuis jeudi, elle n’arrête pas d’en parler. Chez les jeunes, le dépit est un sentiment largement partagé. Dans d’autres franges de la société, l’humeur varie en fonction des préoccupations. Mais, de façon générale, la déception est grande. Nombreux sont ceux qui estiment que Abdoulaye Wade doit revoir sa copie.
Le discours de Me Wade était très attendu par toutes les couches de la société. Comme dans la classe politique, la rue ne s’est pas privée de prendre position après plus de deux semaines d’attente. Dans les quartiers de la capitale que nous avons sillonnés, un seul bruit fait écho : ‘Wade n’a pas répondu aux attentes des Sénégalais.’ Etudiant en droit, résidant à Amitié 2, Mor Faye est certain que le président est passé à côté de la plaque et doit absolument revoir sa copie. ‘Personnellement, je considère ce discours comme une insulte grave à la jeunesse. Il me semble que le président Wade n’a pas bien compris le message du peuple le 23 juin. Il est le plus vieux chef d’Etat au monde, il faut qu’il passe le témoin’, lâche le futur juriste.
Sur l’esquive du président, la majorité de nos jeunes interlocuteurs est unanime. ‘Le 23 juin, se souvient Mbaye Mboup, jeune cadre dans une boîte de communication, nous sommes allés à l’Assemblée nationale pour protéger notre Constitution. Mais en annonçant sa candidature qui viole la même Constitution, Wade nous a mis au défi’. Sentiment que partage Bintou Sall, coiffeuse établie à Liberté 6 Extension. ‘Si la Constitution dit qu’il ne peut plus se représenter, pourquoi donc insiste-t-il ?, se demande-t-elle. Malgré son âge avancé, le président Wade doit comprendre que le Sénégal appartient à tous les Sénégalais’.
Autre sujet du discours de Wade qui a irrité ses concitoyens, ce sont les supposées menaces du chef de l’Etat contre ceux qui seront tentés de protester de manière violente. Jeune chauffeur au chômage, Issa Ndiaye, qui peine à nourrir sa famille, n’est pas tendre. ‘Le président n’a rien compris. S’il croit qu’il va faire peur aux gens, il faut qu’il sache que depuis le 23 juin, les jeunes Sénégalais sont prêts à sacrifier leur vie pour vivre dignement’. Un refrain qu’entonne aussi Alassane Diop, mécanicien. ‘Ces menaces ne nous font pas peur. Nous sommes prêts à recommencer’, prévient-il.
Parmi les sujets qui fâchent, il y a également la manière choisie par Wade pour s’adresser à ses compatriotes. Enseignant de son état, Amadou Ly se focalise sur la manière. ‘Nous pensions que c’était un discours d’un président destiné à ses administrés, mais nous avons plutôt vu autre chose. Si j’ai bien décrypté tout ce qui s’est passé là-bas, le président n’a pas parlé aux Sénégalais, mais plutôt à ses courtisans’.
Comme on peut le constater, l’opération de communication du chef de l’Etat n’a pas produit l’effet escompté dans l’opinion. Si le président Wade a repris du poil de la bête, le débat, lui, reste flou. Les enjeux brouillés, la rue est restée sur sa faim. Depuis ce jeudi soir où elle a eu du mal à comprendre, elle n’espère plus qu’une chose : que le président revoie sa copie et surfe sur la vague du 23 juin. Est-ce que elle sera entendue ? L’avenir nous le dira !
Mohamed MBOYO
walf.sn
