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VIE DE LESBIENNE – Sexe, cigarette et drogue : Pacte de femmes à Thiès

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Les lesbiennes, colonies de filles aux pratiques sexuelles controversées, ont essaimé dans la ville de Thiès. Les jeunes filles entrent de plus en plus dans cet univers après avoir connu des déceptions auprès des hommes. Dans certains quartiers comme Grand Thiès, elles vivent en toute tranquillité leur idylle en se retrouvant dans certains endroits comme leur piaule où l’on a pu se rendre compte de leur réalité si particulière. Sexe, cigarette, drogue sont le dénominateur commun qui lie Dèguène, Fatou et Seynabou, des noms d’emprunt pour ces femmes qui accueillent à Grand Thiès. A 70 kilomètres de Dakar, Thiès la capitale du rail, une ville ouvrière jadis front du refus, incarna le bastion de la résistance de l’empire du Cayor, s’opposant à l’hégémonie française. Dans l’un de ces quartiers disparates, les champs de mil et de manioc des autochtones devinrent vite une bourgade. Avec le temps, le quartier Grand Thiès se mua en cité ouvrière : travailleurs maliens de la ligne ferroviaire Dakar-Niger cohabitaient avec une population cosmopolite de wolofs, sérères, toucouleurs etc. Les sérères nones partis un peu plus à l’ouest parce que refusant la cohabitation, cette partie de la ville allait devenir un peu plus tard, un creuset culturel intense. Lorsque les colonisateurs débarquent dans la ville, ils durent repousser les populations autochtones à la lisère des limites de la ville.
C’est ainsi que les nouveaux quartiers issus de ces migrations de populations portaient les noms de Randoulène nord et Randoulène sud (littéralement poussez-vous vers le nord et le sud). Ce conglomérat de quartiers sera baptisé Grand Thiès, vieux quartier de la commune d’arrondissement de Thiès ouest qui se singularise par ses constructions vé­tustes. Ce quartier est devenu célèbre pour avoir donné 2 Premiers ministres, 5 ministres et plusieurs Direc­teurs nationaux au régime de l’Al­ter­nance. Aujourd’hui cette zone se distingue de plus en plus par ses filles.

A quelques rues du rond-point Normandie et du rond-point concorde, une colonie de jeunes filles a scellé le pacte de vivre ensemble pour le meilleur et pour le pire. Deguène Seck, teint clair, d’une beauté à couper le souffle écrase sa cigarette sur le plancher cimenté de sa chambre. Le décor de la pièce est sobre : un grand matelas est posé à même le sol ; en face, un poste téléviseur sur une table. «C’est notre écran de cinéma pour passer des films érotiques quand on se retrouve entre copines», confie-t-elle en tirant goulument sur sa cigarette.

DEBAUCHE ENTRE COPINES
Déguène, 25 ans, a longtemps évolué dans le réseau des gouines. Elle ne se rappelle plus la date où elle est arrivée dans le milieu. Elle se souvient seulement qu’elle était adolescente et évoluait dans une équipe de football, féminine. C’est dans cette équipe que l’une de ses camarades de jeu va l’entraîner dans ce monde. Les garçons du quartier les indexaient comme des garçons manqués. Le sport leur a donné pratiquement une forme masculine avec des muscles saillants, même si elle a toujours voulu garder un brin de féminité. D’ailleurs, dans ses rapports avec les jeunes filles, elle dit jouer toujours le rôle de la femme.
Les conditions précaires de sa famille vont la conduire à pratiquer le plus vieux métier au monde à très bas âge. Elle se rend souvent à Mbour dans des hôtels pour offrir ses services aux touristes. «J’ai souvent des clients hommes et/ou femmes. Le choix importe peu pour moi. L’es­sentiel, c’est de gagner plus d’argent. Il m’arrive très souvent d’avoir des partenaires femmes. C’est souvent mê­me certains contacts qui les envoient directement vers moi», confie-t-elle. Deguène passe des semaines dans la Petite-Côte, et quand elle rentre dans la cité du rail, elle achète de jolies fringues pour son «petit copain».

Dans leur petit univers, les «femmes-femelles» s’habillent naturellement en portant des robes, des jupes, des boucles d’oreilles etc., les «femmes-mâles» portent des tenues pour homme, pantalon jean, body, casquette, chemise etc. «Les femmes qui incarnent l’homme sont faciles à re­connaître. Elles ont la tête rasée com­­me un homme, marchent com­me un homme, jamais de boucles d’oreilles. Elles ont un physique d’homme à cause de la musculation. Elle écrase leurs seins avec des élastiques jusqu’à ce qu’ils s’aplatissent comme la poitrine d’un homme», ajoute-t-elle. Un trait de caractère, Deguène Seck est d’une jalousie à faire mourir son «petit copain». «Je ne supporte pas que (mon) partenaire entretienne une relation avec une autre fille. Nous nous aimons tellement. Je la couvre de cadeaux pour qu’«il» ne regarde pas ailleurs. En un clin d’œil les autres peuvent te piquer ton amour. Seulement, nous avons un code d’honneur, de loyauté et de fidélité que tout le monde respecte», confie-t-elle.

A L’ORIGINE UNE HISTOIRE AVEC UN HOMME
Quand la colonie se retrouve le soir, chacune reste avec sa partenaire. As­sise en face d’elle, son amie Fatou Ndiaye est plus chanceuse. Elle est cadre dans une grande boîte publique de la place. Fatou, taille de guêpe, a bouclé ses 25 hivers. Elle a pratiquement quitté cet univers lorsqu’elle a commencé à travailler dans l’Admi­nis­tration sénégalaise. Il y a tout juste à peine deux ans. Elle est entrée dans ce milieu influencée par ces mêmes filles de son quartier puisque leur trait d’union est la cigarette et le chan­vre indien. Elle a commencé à fumer au collège, entraînée qu’elle est par son petit copain. Habituée à la cigarette et au chanvre indien, elle a vite découvert la même passion avec ses amies. «Un jour, dit-elle, une co­pi­ne est venue passer la nuit à la mai­son. Au beau milieu de la nuit, elle a commencé à me caresser. Je l’ai engueulée pour qu’elle arrête son petit jeu. C’était la première fois qu’une fille me faisait des attouchements. J’avais déjà un petit copain avec qui j’étais depuis mes 14 ans. A cet âge, j’avais déjà fait mes premières expériences sexuelles. Je n’étais plus vierge mais à faire la chose avec une fille, cela m’horripilait. C’est bien après que cette passion pour les filles m’est venue avec mes amies qui m’ont plon­gée dans le réseau», raconte Fatou.

Elle tire un moment sur sa cigarette et tousse à se fendre la poitrine. «Je fumais au moins deux paquets de cigarettes par jour ; maintenant j’en suis à une dizaine de cigarettes par jour. Souvent je me tape un joint de chanvre indien. Quand même, je fume de moins en moins», explique-t-elle. Et de poursuivre : «J’ai gardé mes amies lesbiennes parce que nous sommes des amies d’enfance et nous avons toujours les mêmes passions mais pas les mêmes goûts pour le sexe.» Fatou Ndiaye précise : «Un jour, j’ai fait l’amour avec une copine mais je n’ai éprouvé aucun plaisir. Depuis lors, il m’arrive très rarement de flirter avec une amie. Je préfère la pénétration.» Toutefois, poursuit notre interlocutrice : «Je perds complètement le nord lorsque je vois une femme qui a des seins volumineux. Les femmes qui ont un large tour de poitrine m’excitent. Je ne résiste pas face à leur provocation».

Les filles partent d’un élan de rire solidaire, alors qu’un épais écran de fumée monte en spirale vers le plafond. Deguène pointe du doigt une de ses amies en s’esclaffant. «C’est elle qui a tenté de violer Fatou Ndiaye lorsqu’elle avait une fois passé la nuit chez elle», lance-t-elle. «Elle raconte des histoires. Puisque Fatou partageait beaucoup de choses avec nous, il fallait qu’on la teste pour la recruter au sein du groupe», rectifie Seynabou Dieng. De forte corpulence, Seynabou joue dans un club de football à Thiès. Elle aussi est âgée de 25 ans. Elle n’a jamais été à l’école. Demeurant aux environs de Gouye Tékhé, elle a plongé dans cet univers après une déception amoureuse. Elle devait avoir 17 ans. «Je suis sortie avec un garçon de mon quartier, il m’a trahie pour une autre fille. Depuis, je ne sors qu’avec des filles. Je joue l’amant. Naturellement, j’ai une tendance à me comporter com­me un homme depuis mon enfance. Dans mon quartier, beaucoup de femmes sont des lesbiennes. Entre nous, nous nous connaissons parce que nous nous retrouvons dans certains milieux communs», dit-elle.

MON MARIAGE ? UN PARTENARIAT SEXUEL
En réalité, la colonie des gouines est vaste dans la cité du rail. Les filles plongent de plus en plus dans cet univers des lesbiennes. Pour la plupart, après avoir connu des déceptions avec les hommes qui, selon leurs ex­plications, ont toujours abusé d’elles. Bon nombres de jeunes filles trompées par les hommes se sont retrouvées avec un enfant entre les bras. Seynabou Dieng et ses amies, elles, sont sûres de ne pas tomber enceintes. Seynabou a choisi de demeurer lesbiennes à vie. Fatou Ndiaye veut un mari alors que Deguène Seck est mariée à un Européen qui vit en France. Cela ne l’empêche pas de roucouler avec «son partenaire» étant donné que son mari vient seulement en touriste au Sénégal. Elle entretient plutôt un partenariat sexuel, ironise-t-elle, avec son mari.

La précarité dans laquelle elle vit l’oblige à se soumettre à ce régime matrimonial. Elle est plus à l’aise dans l’univers des lesbiennes qui représentent une large communauté et qui vivent leur vie en coulisses dans les quartiers populaires de la cité du rail. L’hostilité de la société envers cette catégorie d’individus les pousse à évoluer dans le plus grand anonymat. «Certains membres de nos familles savent que nous sommes des lesbiennes. Au début, ils l’ont accepté difficilement ; maintenant ils font avec. Cela ne veut pas dire qu’ils sont d’accord avec nos choix même s’ils ne disent plus rien.» «Da niou gno beurgeul», assène Seynabou Dieng. Elle se souvient avec amertume s’être disputée avec sa tante à qui elle reprochait d’avoir des relations adultérines. «Je me suis une fois querellée avec ma tante, je lui ai dit qu’elle devait avoir honte d’avoir un mari et un amant en même temps. Devant tout le monde, elle me balance à la figure que Dieu m’attendait aussi pour me brûler en enfer puisque j’étais lesbienne. J’ai alors senti le sol se dérober sous mes pieds. J’ai toujours caché ma préférence pour les filles alors que tout le monde le savait.» C’est parce que, croit-elle savoir, «bon nombre de femmes sont des lesbiennes et il y a certaines qui sont parmi nous des langues pendues».

En tout cas, ces filles se retrouvent tous les mardis, en ces périodes de vacances estivales, dans une célèbre boîte de nuit de la Cité du rail.

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