C’est un Abdoulaye Wade visiblement diminué et à la voix inaudible, qui a fait face, ce 23 décembre à Dakar, à ses militants chauffés à blanc, sur fond de slogan sonore « Gorgui Dolli Nu“ (Gorgui, nous en réclamons encore). Sans doute dominé par le poids de l’âge, le Chef de l’Etat, candidat pour un troisième mandat consécutif, n’a même pas quitté son fauteuil pour galvaniser la foule, comme il savait le faire autrefois. Le PDS et ses alliés l’ont en tout cas investi.
Le Congrès d’investiture du Parti démocratique du Sénégal (Pds) et de ses alliés va encore donner du grain à moudre aux pourfendeurs de la candidature d’Abdoulaye Wade, qui entend briguer un troisième mandat consécutif, le 26 février 2012. Ce vendredi 23 décembre au Méridien président, le Chef de l’Etat, jadis, véritable « bête de scène » qui avait l’habitude d’haranguer les foules, est cependant apparu diminué.
En plus de la voie qu’il reconnaît avoir perdue (tout comme son Premier ministre, précise-t-il), Wade n’a pas bougé de son fauteuil lorsque le maître de cérémonie, Babacar Gaye, lui a demandé de prendre la parole pour s’adresser à ses militants venus des quatre coins du Sénégal.
Comme il est de coutume à travers le monde, lors des Congrès d’investiture, le candidat déclaré se tient debout devant ses militants et sympathisants pour démonter sa capacité physique, son énergie, sa détermination à mener la campagne. Or, Me Wade est resté curieusement scotché sur son fauteuil pendant plus de trois heures. Des signes révélateurs de la vieillesse du Chef de l’Etat sénégalais (âgé officiellement de 86 ans –sans la TVA), ajoutent ses détracteurs.
Répondant au choix porté sur lui par les Forces Alliées (FAL 2012) « pour la Victoire en 2012 », selon la déclaration lue par Ousmane Ngom, “à l’unanimité, debout et par acclamation“, Abdoulaye Wade répond : “vous venez de m’investir candidat du Pds et de ses alliés. Laissez-moi vous remercier pour ce geste généreux, mais aussi geste de responsabilité, qui vous engage et m’engage aussi. Je ne peux que vous remercier encore une fois et sans attendre d’aller trop loin, vous dire : “j’accepte“. Ce, après avoir précisé auparavant que “Souleymane Ndéné Ndiaye n’est pas le seul à avoir perdu la voix“. “Ce qui est extraordinaire, ajoute-t-il, c’est que nous avons, tous les deux travaillé très tard hier (jeudi, Ndlr). C’est dire que je ne vais pas développer beaucoup de choses ici parce que j’ai le meeting de ce soir (voir ailleurs) pour cela mais aussi mon discours de fin d’année (31 décembre)“.
Estimant que Wade en a terminé ainsi avec l’assistance, Babacar Gaye s’est empressé de mettre fin à la cérémonie lorsque Me Wade lui reprit la parole en indiquant : “Babacar Gaye a commis une erreur parce qu’il ne m’a pas très bien écouté“. La suite sera davantage « pathétique ».
Le Chef de l’Etat se perd dans un lapsus que certains n’hésiteront pas à assimiler à un trou de mémoire. L’ambiance de congrès, dit-il, « est l’expression de la longévité et de la vitalité du Sopi (changement en Wolof). Au lendemain de mon élection de 2010 (sic), un journaliste français m’avait dit : mais, vous venez d’être élu sur le sceau du Sopi. Le changement vient d’être fait. Est-ce que vous allez continuer à utiliser le slogan ? Je lui ai dit : “si on accepte un mot dans un sens éthique, évidemment, on peut dire que le Sopi était terminé. Mais, dans une acception dynamique, le Sopi est toujours nouveau. C’est pourquoi, il traduit aujourd’hui, notre commune volonté de changer positivement et dans la durée, les conditions d’existence de notre population. Pour cela (il se perd à nouveau dans ses notes), je vous ai dit, il n’y a pas de secret. Le seul secret, c’est le travail, dans les bureaux, dans les campagnes“.
Donnant un sens à “son“ SOPI, Wade cite pêle-mêle les infrastructures scolaires et universitaires notamment les Case des Tout-petits, la généralisation de l’outil informatique, l’octroi de bourses et d’aide à tous les étudiants, le recrutement massif de tous les enseignants, la revalorisation des traitements, le plan Sésame, la gratuité de la césarienne, des antirétroviraux, l’accès à la dialyse, la Goana, le plan Reva etc.
Sans discontinuer, il parle de l’autoroute à péage, l’Aéroport international Blaise Diagne, le programme « une famille, un toit », le Grand Théâtre National. “Le projet de route Linguère-Matam promise aux populations du Djoloff et du Fleuve depuis près de 40 ans“, souligne-t-il.
Et il insiste : “les infrastructures seront couronnées par la route Linguère-Matam que je compte inaugurer dans les premiers mois de 2012. Je compte aussi inaugurer la route Matam-Linguère et la route de Ziguinchor à Vélingara“.
ECHOS…ECHOS…ECHOS…
ABDOURAHIM AGNE
De la révolution orange au respect de la Constitution
“On parle beaucoup de violence ces temps-ci. Mais la violence n’est pas une chose désincarnée. La violence a son camp. On ne peut pas parler de violence dans l’absolu. Il faut avoir le courage de dire d’où elle provient“, a indiqué Abdourahim Agne qui, naguère, avait appelé à la révolution orange à l’ukrainienne.
Le Secrétaire général du Parti de la Réforme d’ajouter : “lorsque l’on refuse à un citoyen sénégalais, le plein exercice de ses droits, c’est cela la première forme de violence“. “Lorsqu’on se fait justice soi-même, on installe la violence. C’est à tout cela que nous devons réfléchir“.
Pour l’ancien porte-parole du PS, “quand on est démocrate et républicain, il y a une manière d’agir. Nous avons des Cours et Tribunaux. Il appartient à ses institutions de trancher le débat contradictoire entre citoyens de notre pays. Quel que soit l’importance de la question, c’est comme ça que l’on agit en République et en démocratie. Et, il faut que nous, nous tenions fermement sur cette ligne. Il appartient au Conseil Constitutionnel de trancher la question. La rue ne tranche pas la question. Si, la rue tranche la question, c’est qu’on n’est plus dans un état de droit“.
Les bourdes de Babacar Gaye
S’il y en a un qui est complètement passé à côté de son sujet ce 23 décembre lors du congrès d’investiture de Me Wade, c’est bien Babacar Gaye, porte-parole national du PDS par ailleurs président de Conseil régional de Kaffrine. A défaut d’un fil conducteur, il a voulu faire dans l’improvisation devant l’assistance. Dans une République laïque, le voila qui demande à Cheikh Tidiane Sy de formuler des prières avant l’ouverture des travaux mais Me Wade saisit le chapelet pour rectifier, devant une assemblée hétéroclite regroupant forcément des Chrétiens et autres personnes d’autres obédiences religieuses. Il faut dire qu’à la veille de la fête de la nativité, la bourde pouvait difficilement être tolérée.
Babacar Gaye invite plus tard Me Abdoulaye Wade à venir prendre la parole. Encore une erreur. Le Chef de l’Etat fait la sourde oreille et d’un geste de la main, lui signifie “NON“. Il appartenait à Pape Diop, d’ouvrir la cérémonie.
On croyait alors que M. Gaye allait se ressaisir. Que nenni ! Il invite à nouveau Wade à venir s’adresser à ses militants, las d’attendre. Le patron du PDS reste de marbre. Et les alliés, alors ?
La parole revient successivement à Djibo Kâ (délégué général des Fal 2012), Abdourahim Agne (SG du PR), Mamadou Diop Decroix (Aj /Pads), Iba Der Thiam (Coordonnateur de la Cap 21), Mbaye Diack (Secrétaire permanent des Fal 2012), Ahmet Khalifa Niasse (FAP), Aliou Dia (CRC), Ibrahima Seck Diop (Cap 21), etc.
Mais alors que Me Wade n’avait pas fini de faire son discours, Babacar Gaye met encore le pied dans le plat et siffle la fin du Congrès. La foule se disperse. C’était le couac de trop. Cette fois Wade sort le « sabre » et déclare : “Babacar Gaye vient de faire une erreur parce qu’il ne m’a pas écouté“. L’ancien président du Groupe parlementaire du PDS range alors ses feuilles et ne demande pas son reste.
Djibo Kâ flingue Benno
“Lisez cette affiche. Wade, we can! It’s very right“, a relevé d’emblée Djibo Leyti Kâ. “Nous FAL 2012, prenons l’engagement que vous serez réélu dès le 1er tour. Parce qu’en dix ans, vous avez beaucoup fait dans tous les domaines. Le Sénégal a besoin de vous plus que par le passé. Vous êtes un homme du présent malgré votre expérience de plus de 35 ans“, a ajouté le secrétaire général de l’URD.
Le ministre de l’Environnement ne terminera pas son discours sans toutefois jeter quelques pierres dans le jardin de l’opposition. “L’ex-Benno 1, 2, X. Il y a plus de 40 Benno maintenant, parce que c’était une chimère. Ne perdons pas de temps. Nous avons un bilan à défendre. Un bilan libéral certes, mais un bilan social“, souligne-t-il.