Au risque de trahir une certaine improvisation dans sa manière de sanctionner Huawei, l’Administration Trump revient sur une partie des interdictions imposées jeudi dernier aux fournisseurs américains du géant chinois des équipements téléphoniques.
L’impact immédiat et radical de la mise de Huawei sur liste rouge par le Département du commerce avait été probablement sous-estimé. Pour éviter une détérioration du service aux millions d’Américains qui dépendent de réseaux ou de smartphones de technologie Huawei, Wilbur Ross, le secrétaire au Commerce, accorde une exception au régime de sanctions pour une période de 90 jours. Jusqu’au 19 août, Huawei est finalement autorisé à acheter des équipements et composants à ses fournisseurs américains afin de maintenir le bon fonctionnement de réseaux existants.
Il ne s’agit donc que d’un sursis, susceptible d’être, au besoin, reconduit. Son objectif est de minimiser le risque de «bugs» pour les clients américains de Huawei. Google, par exemple, pourra donc pour encore trois mois fournir aux détenteurs de smartphones Huawei les mises à jour de son système d’exploitation Android. En revanche, l’exception ne s’applique pas aux nouveaux réseaux incorporant des équipements de Huawei.
Le géant chinois n’est pas du tout reconnaissant envers ce geste. «Les actions du gouvernement américain pour le moment sous-estiment nos capacités», explique Ren Zhengfei, le fondateur de Huawei. Ce dernier maintient que la firme de Shenzhen, accusée de produire des équipements qui facilitent l’espionnage par le gouvernement de Pékin, avait anticipé les sanctions américaines et pris les dispositions nécessaires pour protéger ses clients.
Reste la question du signal politique adressé à Pékin par le biais de ce sursis improvisé. On peut difficilement nier que l’Administration Trump cherche à instrumentaliser une affaire d’espionnage dans le contexte de négociations commerciales bien plus larges.
Nombre d’élus du Congrès redoutent que, comme l’an dernier pour l’affaire comparable impliquant un autre géant chinois des télécommunications, ZTE, Donald Trump n’ait sanctionné Huawei que pour mieux ensuite l’épargner. En revenant en juillet 2018 sur des sanctions radicales qui empêchaient ZTE depuis avril 2018 de s’approvisionner aux États-Unis, le président avait voulu démontrer sa bonne volonté auprès de son homologue chinois.
Bannir du marché américain une entreprise pour mieux lui accorder un sursis par la suite serait un geste destiné à montrer à Pékin que Donald Trump sait faire des concessions en échange de l’acceptation de concessions réciproques sur l’accès au marché chinois. De telles ficelles peuvent paraître grosses, même de la part du «roi du deal».
le figaro