Un premier face-à-face avorté à Thiès, et un deuxième flop mercredi dernier conclu sur une scène de violence digne d’un film d’action au rabais, ont fini d’élever ce Yékini-Balla Gaye 2 au rang de « plus qu’un combat ». Sont-ils les Mohamed Ali et Joe Frazier sénégalais ? Yékini et Balla Gaye 2 se détestent comme ces deux champions américains des années 70, et la haine entre les deux lutteurs ne semble pas devoir s’estomper d’ici au 22 avril qui verra tout le Sénégal retenir son souffle.
Parce que le roi n’a jamais autant craint pour son trône
»Roi » des arènes depuis plus de 10 ans, l’enfant de Bassoul qui a fini de faire le vide autour de lui en dominant tous les lutteurs de sa génération, voit le fils de Double Less, ancien champion de lutte dans les années 70, foncer sur lui. Le chef de file de l’écurie Ndakaaru va certainement rencontrer son plus redoutable adversaire depuis son début de règne. Technique, rapide et fort, BG2, tête de file d’une nouvelle génération de jeunes lutteurs aux dents longues, après avoir réussi son examen avec la manière en battant Mohamed Ndao »Tyson », ne veut qu’une chose : détrôner le »roi » Yékini dont il a toujours contesté sa suprématie. »Il (Yékini) n’est pas mon roi », crie-t-il sur tous les toits. Aujourd’hui, le trône du »roi » n’a jamais semblé autant prenable, tellement Yékini sent une adversité, au-delà de l’arène, tournée vers lui. Ce qui a le don d’irriter un peu plus le lutteur sérère.
Parce que Balla Gaye 2 est un provocateur né
»I don’t care » (NDLR : Je m’en f…) le cri de guerre du lutteur le plus »provocateur » de l’histoire de la lutte, Balla Gaye 2, est assez révélateur. Sans limite, il ne lésine point sur les escalades verbales pour fustiger son adversaire. »Il (Yékini) est vieux et prêt pour la retraite. Je vais le battre en moins de 10 secondes », garantit-il. La provocation est un art pour Balla Gaye 2 et une arme également qu’il sait bien utiliser. Pourquoi s’en priver quand il voit que ses flèches ont fait mouche avant ses combats contre Modou Lô, Baboye, et (surtout) Tyson ? »Yékini pense qu’il est un dieu, il se prend pour le maître des hommes, je le déteste », embrase-t-il. Yékini qui a toujours été respecté par ses adversaires du fait de son palmarès et de son comportement, découvre une situation inédite face à Balla Gaye 2. Assez pour le déstabiliser ? Son attitude zen mercredi pendant que les chaises volaient lors du face-à-face raté démontre que le roi est loin d’avoir été ébranlé par les propos incendiaires de son adversaire.
Parce que Yékini a changé
Le roi des arènes a bien changé. Il n’est plus le Yékini des débuts, calme, souriant. Il est devenu aujourd’hui un Yékini virulent, plus discret, qui se méfie de tout et de tous. Yékini a commencé à adopter une nouvelle manière de communiquer lors de son dernier combat contre Bombardier. L’enfant de Bassoul, qui avait effectué un voyage aux États-Unis comme à son habitude, recevait des échos de tout ce que son adversaire disait dans la presse. Bombardier disait qu’il allait le battre, que ce dernier ne l’avait jamais battu d’une manière claire, mais toujours derrière les sacs, que ce n’était pas la peine que Ardo soit présent, mais plutôt une ambulance qui conduirait Yékini à l’hôpital après le combat. Suffisant pour que le roi, de retour de voyage, soit dans tous ses états. Il change de look en laissant ses cheveux pousser et répond à Bombardier en ces termes : »Au lieu d’une ambulance, que l’on fasse venir un corbillard ». Depuis lors, il ne varie pas dans ses déclarations. À Balla Gaye 2, il est allé jusqu’à dire : Il »n’y aura jamais de paix entre nous, même après le combat ». Et avant cela, il a même défié les marabouts de Malifara, en leur faisant savoir qu’ils ne pouvaient pas se mettre en travers de ce qu’il veut faire à Balla Gaye 2. Le roi se sent un peu seul dans le milieu de la lutte parce que, a-t-il expliqué : »ils veulent tous un nouveau champion et je ne suis pas près de lâcher le trône ; il se peut même que je l’emporte avec moi, une fois que je quitterai l’arène ». Une manière de défier tous ses détracteurs.
Parce que c’est Le Combat
Pour certains, ce combat est le combat du siècle. Il ne peut y avoir meilleure affiche que celle-là, et elle est certainement la plus prestigieuse de l’histoire de la lutte avec frappe. Forcément, cela déchaîne les passions et ravive la tension. Ce combat met aux prises, le jeune le plus doué de sa génération (Balla Gaye 2) qui a mis à terre Tyson, Modou Lô, Baboye, Tapha Guèye entre autres champions. Il fera face au plus grand champion que le Sénégal ait connu, celui qui a fait le ménage et qui n’a jamais connu le goût amer de la défaite. Il a fait plier ses anciens comme Mor Fadam, Mouhamed Ali, Lac de Guiers 1 entre autres, les lutteurs de sa génération dont Tyson, Bombadier, Gris Bordeaux, et maintenant il s’attaque à une nouvelle génération. Balla Gaye 2 veut coûte que coûte arracher la couronne des mains de Yékini qui l’a gardée jalousement depuis maintenant une dizaine d’années et il l’a fait savoir avant son combat contre Tyson. Ce que Yékini refuse. Le roi préférerait mille fois que ce soit un autre jeune qui le batte, s’il doit tomber un jour, mais pas Balla Gaye 2. Il existe une grande haine entre ces deux lutteurs, une haine qui a été transmise aux supporters des deux camps, qui n’hésitent pas à se bagarrer pour défendre leur lutteur.
MAMADOU L. SANÉ ET KHADY FAYE
enquetplus/com
