Il faut rapidement évacuer la question du « Wakh Wakhète » (se dédire, rompre ses engagements publics) au sujet du « roi du mbalax », pour lui souhaiter la bienvenue dans la jungle politique. C’est bien lui qui avait demandé aux gens, ici un jour, en réponse à ses fans qui criaient « You président ! », de se calmer : « vous auriez alors des problèmes pour manger ! » Un fan ne fait forcément pas un électeur. Mais c’est un tournant. La fonction présidentielle, alourdie par sa personnalisation à outrance, est devenue comme un fruit qui pend au bout de la branche. La mangue interdite ?
Certains diront la présidence de la République banalisée. Il serait plus juste de croire qu’elle a été ramenée à hauteur d’homme. C’est la fin des monstres sacrés. La démythification casse les barrières érigées par « l’académisme », brise les carcans sédimentés par le fait élitiste, et libère les ambitions. La jonction de la politique et de la scène est faite au Sénégal. Voilà un scolarisé primaire qui risque de malmener aux élections, des professeurs agrégés, des anciens Premiers ministres, des anciens fonctionnaires de l’Onu ; surtout, il va faire face à celui qui fut « l’opposant le plus célèbre en Afrique », ou encore « l’africain le plus diplômé du Caire au Cap », entre autres singles dans la superbe production de Me Wade !
La sur-médiatisation offerte par la candidature à la présidentielle, a fait naître beaucoup de vocations, mais au fil des jours, les uns et les autres reviennent à des ambitions moins ébouriffées. Mais c’est Youssou Ndour qui est l’attraction. Puisque l’artistique, en terme de création de personnage, de jeu de rôles, de style et de construction de renom, est maintenant au cœur de la politique, étonnez-vous de voir les bêtes de scène tenir le haut du pavé ! L’idéologie de « Fekke Ma Ci Boolé » tombe bien à propos. Cet engagement est dicté par l’ampleur de sa présence vocale, musicale, scénique, télévisée ; il peuple notre univers de divertissement depuis tellement d’années.
Si le tambour major Doudou Ndiaye Rose a fait vibrer son tam-tam sur les Champs-Elysées lors du bicentenaire de la révolution française, le 14 juillet 1989, Youssou Ndour a composé avec la Belge Axel Red l’hymne de la coupe du monde 98, « la cour des grands », tiens, tiens ! Ça ne s’invente pas ! Sans oublier toutes les médailles et distinctions glanées un peu partout à travers le monde.
Rappelez-vous cette soirée de décembre 2000, dans les jardins du palais de la République, alors que Wade était encore en forme, lors d’un show télévisé du « roi du Sopi » pour présenter sa fameuse Constitution qui allait être adoptée le mois suivant. « C’est qui, Youssou ? Ah, je ne t’avais pas reconnu », -lumières crues obligent- avait lancé l’alors frais président, en réponse à une question de celui qui n’était encore « que » Youssou Ndour, lead-vocal du « Super Etoile », certes à la renommée internationale déjà établie, mais encore à l’ombre au plan « politique » et entrepreneurial, lui avait posée sur ce qu’il entendait faire du pouvoir que les Sénégalais venaient de lui confier. De la renommée donc, -cette notoriété tant recherchée par les hommes politiques-, Youssou Ndour, peut en donner…
Pour la première fois, on a un patron de presse, -actionnaire dans le fringant Groupe Futurs Médias-, candidat à la présidentielle. Pas n’importe lequel. Sans doute le Sénégalais le plus connu dans le monde. C’est incontestablement un phénomène, qui a démultiplié la publicité faite autour de l’élection présidentielle au Sénégal. A la fin de son discours en français, pour annoncer officiellement sa candidature, le 02 janvier 2012, juste avant la version wolof, plus de 88 sites d’informations avaient déjà repris la déclaration, selon un décompte fait par son groupe de presse.
Plus de 365 sites en français ont consacré une page à cette déclaration, les heures qui sont suivi. « Le figaro » lui a accordé un quart de page avec photo. « Le monde » ainsi que « www.lepoint.fr » en ont fait leur « Une ». France 24 n’a pas été en reste avec un reportage intitulé : « Youssou Ndour défie Wade. »
Le site « www.rtl.fr » en plus d’un papier, a posté sur son site le fichier audio de la déclaration de candidature. TV5, TF1, RTBF. Les médias anglais n’ont pas été en reste. « The Guardian », le « Financial times », la BBC. Même les sites exclusivement consacrés à la musique ont traité cette information. Youtube et « Rolling stone » a publié la vidéo intégrale de la déclaration de Youssou Ndour. Mieux, Google renseigne qu’il a été en tête des recherches au lendemain de sa montée sur scène.
Très vite, les dégâts collatéraux. L’industriel Cheikh Amar, révèle qu’il est un des actionnaires du groupe de presse de Youssou Ndour. Ah bon ! Puisque lui vote Wade, il ne comprend pas que son associé décide faire face au vieux. Les révélations, chausse-trappes, embuscades et campagnes dénigrement vont bientôt commencer contre le chanteur-candidat. Il devra « traiter » médiatiquement les résultats du projet « Birima » qui a bénéficié de 1,3 million de dollars.
Naturellement, la candidature de Youssou Ndour ne saurait nullement être celle du Groupe Futurs Médias qui a fort à faire ces derniers jours : arrivée de l’’animatrice Keb’s, ce qui a soulevé l’ire de El Hadj Ndiaye, patron de la 2S Tv. Limite cartons rouges. Et puis, il y a cette inutile guéguerre avec Zik Fm. Attention aux pertes d’énergie ! Le meilleur est à venir…