Youssou N’Dour, meilleur en musique qu’en politique

Un ministre du gouvernement sénégalais est en visite à Paris, mais son agenda ne prévoit pas de rendez-vous à Matignon ou au Quai d’Orsay. Youssou N’Dour, conseiller spécial du président Macky Sall, est pour trois soirs au Cirque d’hiver, de vendredi à dimanche, dans le cadre du festival d’Ile-de-France (1). L’événement coïncide avec la Tabaski, nom donné par les musulmans d’Afrique de l’Ouest à la fête de l’Aïd.

Des déclarations politiques, Youssou N’Dour en a fait il y a un mois, lors de l’université d’été du Medef. Fondateur et propriétaire du groupe de communication Futurs Médias, qui comprend l’Observateur, quotidien le plus lu du Sénégal, une radio et plusieurs chaînes de télévision, il avait tenu des propos surprenants, où il fustigeait le «manque d’audace», «la lourdeur» administrative et «le trop d’Etat». Non pas dans son pays, mais en France. De quoi lui valoir une vibrante ovation de la part des chefs d’entreprise. Qui en prenaient aussi pour leur grade : «Vous n’êtes pas assez fous ! Le TGV, le Concorde, Louis de Funès nous faisaient rêver ! Soyez encore fous !» Une autre remarque a fait grincer des dents : «Maintenant, les jeunes Africains vont à Istanbul ou à Dubaï, Paris n’a plus le monopole.»

Présenter comme un fait acquis l’exil des forces vives d’un pays est choquant. On s’attend à ce que le gouvernement dont fait partie l’artiste crée au contraire les conditions pour conserver sa jeunesse et construire l’avenir. Youssou N’Dour a été deux fois ministre, de la Culture et du Tourisme, il est entré dans la course présidentielle en 2012. Candidature que le Conseil constitutionnel avait invalidée. Cette ambition, qui ne l’a sans doute pas abandonné, divise ses compatriotes. En 2010, le chanteur Cheikh Lô confiait à Libération : «Quelles études a-t-il faites pour prétendre devenir président ? Que connaît-il à la finance ? A l’administration ? Il mène une vie de pacha, très bien, mais de là à prétendre diriger le pays…»

Que «You» (son surnom) accède à la fonction suprême, c’est aux Sénégalais d’en décider. Pour notre part, nous préférons le musicien à l’homme d’affaires et au responsable politique. Il est peut-être la seule rockstar non-occidentale, un chanteur d’exception doublé d’un formidable showman. Ses concerts mélangent les publics et les générations. Et n’oublions pas que Youssou N’Dour est aussi un porte-parole de l’islam sénégalais, nourri de soufisme et de tolérance. Bonne Tabaski à tous.

(1) www.festival-idf.fr