Elle est passée inaperçue. Une lettre du ministère de l’éducation occupe les discussions dans le milieu scolaire, notamment dans le Moyen. Cette circulaire n° 005909 du 8 décembre 2010 adressée à tous les directeurs d’école a pour objet le « suivi-évaluation » des élèves en classe de 6è. Il s’agit de faire en sorte qu’aucun élève ne puisse redoubler. Ce que la Direction de l’enseignement moyen et secondaire appelle par projet « zéro redoublement en 6è ». Pour ce faire, lit-on dans le même texte, « il est demandé à tous les chefs d’établissement de bien vouloir retransmettre avant le 20 décembre (2010) les notes des premières évaluations des élèves de 6è dans les matières suivantes : Mathématiques, Français et Anglais ». Par une note de conclusion, l’autorité tient à préciser qu’il « attache du prix à l’exécution correcte de cette recommandation ». Dans les services du ministère de l’éducation, on jure d’abord de n’avoir vu l’ombre d’une telle correspondance. Avant d’admettre que « cette question a déjà été discutée par les acteurs ». L’inspection d’académie de Dakar, dit n’avoir pas non plus reçu une telle décision. Elle reconnaît, toutefois, que le projet existe mais qu’« il n’est pas encore effectif ». Voilà toute la discrétion qui a entouré cette décision ministérielle qui suscite des interrogations quant à son applicabilité. Qu’y a-t-il à cacher ? Pourquoi cette précipitation ?
Des organisations intervenant dans le domaine de l’éducation parlent d’une « décision unilatérale » qui, pourtant, devrait faire l’objet de concertation entre les enseignants, les acteurs et les Ong. Si certains chefs d’établissement accueillent la mesure avec enthousiasme, d’autres, en revanche, y voient une façon de « cacher les échecs du passage massif » en classe de 6è. C’est la consécration et l’aveu d’une baisse de niveau continue alors que les autorités soutiennent que l’entrée en 6è est un blocage et une entorse au droit à l’éducation. En tout état de cause, cette recommandation ministérielle intervient au moment où la polémique sur le taux élevé de plus de 95% d’admis à l’entrée en 6è, en 2010, ne s’est pas estompée.
POINT DE DEPART DE L’OBLIGATION SCOLAIRE
A y voir plus clair, cette décision est une suite logique de la volonté de l’Etat de ne retenir aucun élève par le seul fait de son échec à l’examen d’entrée en 6è. Donc, une façon de permettre aux élèves de finir leur cycle (taux d’achèvement).C’est le début du processus qui doit aboutir à l’effectivité de l’obligation scolaire, c’est-à-dire, 10 ans d’études sans redoublement : du Ci à la classe de 3è. Cette politique du « laisser-passer » suggère que l’élève puisse redoubler autant de fois qu’il le veut. L’essentiel, c’est qu’il reste à l’école pendant dix ans. Pour le ministère de l’Education, l’option « élitiste » bloque les élèves de par son approche pédagogique. C’est pourquoi, une réforme des contenus des programmes (curricula) est envisagée dans ce sens pour assouplir les enseignements jugés « assez rigoureux ». Le projet « zéro redoublement » en classe de 6è entre, donc, dans le cadre de la loi 2004-37 du 15 décembre 2004 portant l’obligation scolaire. Celle-ci impose aux parents d’élèves d’inscrire leurs enfants et de les maintenir jusqu’à 16 ans. En d’autres termes, éviter toute forme d’exclusion de l’élève tout au long du cycle moyen pour réduire les risques de déperditions scolaires.
Cet énoncé, au-delà de la volonté de faire de la 6è une classe de non-redoublement, vise à réquisitionner les enseignants pour un encadrement accru des élèves. Plus de temps, plus de service. Mais cette surveillance particulière a un coût. Des chefs d’établissement souhaitent que l’Etat mette à la disposition des enseignants les « moyens nécessaires » pour y arriver. Certains enseignants ont déjà soulevé l’idée de paiement d’heures supplémentaires ou de « bonus ». « On nous demande de faire des cours de renforcement et cela au-delà des heures de classe. C’est une formule qui ne peut être gratuite », avertit d’emblée un syndicaliste du moyen-secondaire. Il n’est pas exclu, poursuit-on, dans le milieu syndical que la revendication d’une indemnité soit sur la table des autorités. Comme l’Indemnité de recherche documentaire (Ird) qui a été à l’origine de nombreuses perturbations scolaires pendant presque cinq ans. L’absence de concertation et l’exigence de l’application de la circulaire en question pourraient entraver un tel projet.
SUPPRESSION SUSPENDUE DE L’ENTREE EN 6è
La suppression de l’examen d’entrée en 6è souhaitée par les autorités de l’éducation est rangée dans les tiroirs, depuis quelques mois. La levée de boucliers des différents acteurs, notamment les Ong et les syndicats, a fait reculer le ministère. Mieux, la sortie du chef de l’Etat dans son discours à la nation du 31 décembre 2010, récusant une « éducation au rabais », a obligé le ministre Kalidou Diallo à revoir sa copie. Le président de la République avait estimé que la qualité devrait rester le « paramètre de référence ». Il s’était rendu compte qu’une telle réforme ne pouvait être engagée « sans mesurer au préalable son impact sur le système éducatif ». Depuis, le ministre de l’Education, a renvoyé la question aux calendes grecques. Suppliant même la presse de ne plus lui parler de la suppression de l’entrée en 6è. Mais au-delà de ces annonces, décisions, suspensions et autres reculades, c’est le système éducatif dans son ensemble qui souffre de l’absence d’une politique efficace et cohérente. Le chef de l’Etat a pourtant posé le débat lors de la cérémonie de remise des prix du Concours général le 20 juillet dernier en faisant remarquer que « notre système paraît trop théorique, alors que la pratique doit y avoir sa place pour avoir des ressources humaines de qualité, capables de s’adapter au monde du travail ». Une théorie de bout en bout qui s’étend jusqu’au baccalauréat. D’où l’idée d’un programme « Bac plus » et « Bac moins » pour recycler les recalés du système et réduire le chômage.
L’entrée en 6è « en baisse » par rapport à 2010
Les résultats du Certificat de fin d’études élémentaires (Cfee) sont déjà connus dans certains établissements. Mais la direction des examens et concours dit ne pas être en mesure de donner un taux officiel pour le moment. Ceux de l’entrée en 6è ne devraient pas tarder mais, les services du ministère parient déjà que le taux « excellent » de plus de 95% d’admis en classe de 6è en 2010 pourrait connaître une baisse. En clair, l’arrêté ministériel de 2011 sera moins fourni de « déclarés admis en classe de 6è » que celui du 9 septembre 2010. De deux choses l’une : soit l’argument de l’éducation pour tous prôné par le gouvernement ne tenait pas, soit l’alibi de places suffisantes en classe de 6è n’existe plus. Par conséquent, la thèse du « maquillage » des chiffres pour séduire les bailleurs de fonds est plus plausible. Seulement, si cette prévision de baisse des admis en classe de 6è par rapport à l’année dernière se confirme, c’est le taux d’achèvement qui s’écroule.
Hamath KANE
Bonjour,
Je m’appelle Mariama Ndong et je suis professeur d’Anglais. Je fais des recherches sur les defis contemporaines du leadership et des politiques en education et cela fait un moment que je cherche la circulaire dont vous parlez et que vous citez dans cet article en vain. Je vous serais grandement reconnaissante si vous pouviez m’aider a l’avoir. Je vous mets mon adresse email au cas ou vous pourriez me l’envoyer. Je vous remercie.