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COVID-19 / NS 15-014 – Les limites de la « norme » sénégalaise pour les masques grand public (Par Idy Demba Thiam)

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L’arrêté 009450 du 24 avril 2020 soumet la production de masques grand public à la certification « NS 15-014 -Qualité Sénégal ». Il fait suite à l’arrêté 009137 du 07 avril 2020 rendant obligatoire le port du « masque de protection ». La NS 15-04 est la norme sénégalaise définissant les exigences minimales requises lors de la conception et la fabrication du masque barrière (ou grand public) ; ce masque porté par 2 personnes en interaction, constitue une barrière contre une éventuelle pénétration virale dans la zone bouche et nez. Ainsi, nos compatriotes peuvent se protéger, protéger leurs interlocuteurs, leurs familles et leurs communautés ; à l’ère des cas communautaires il est important de le rappeler.

« Le présent document n’a pas été soumis à la procédure d’homologation et ne peut être en aucun cas assimilé à une norme française. Sauf disposition règlementaire contraire, son utilisation est totalement volontaire et il est publié dans la collection des documents de la normalisation sous le statut d’AFNOR SPEC». Cette précaution à l’avant-propos de la « spécification technique » AFNOR SPEC S76-001, fonde l’étude comparative montrant les limites intellectuelles et techniques de la NS 15-014, ainsi que les risques d’une mise en application hâtive.

A l’avant-propos de la NS 15-014, on peut lire : « Ce document a été préparé sur la base du Guide AFNOR SPEC S76-001 et de la documentation disponible sur les masques… Cette norme a été élaborée et adoptée en procédure d’urgence. ». Cette confidence nous informe qu’un document, s’inspirant d’une spécification technique (non homologuée), a été élaboré, revu, validé et adopté en procédure d’urgence (entre le 7 avril et la parution de la norme en… avril 2020) ; dans le processus ISO, il faut compter 3 ans minimum entre une première proposition et la publication finale. La section §5.1 de la NS 15-014 décrivant l’exigence minimale est « exactement » une copie conforme du chapitre §3 l’AFNOR ; les exigences de l’AFNOR commencent au chapitre §5.

Les sous sections §5.2.1. Inspection visuelle, §5.2.2. Dimensions, §5.2.3. Emballage, §5.2.4. Matériaux, §5.2.7. Jeu de brides, §5.3.2. Résistance respiratoire etc. sont une copie fidèle de l’AFNOR ; à une exception près au §5.2.2, où le terme « française » a été remplacé par « cible » dans « Le masque barrière doit être dimensionné de façon à correspondre à la morphologie moyenne de la population française visée. ». Le §5. CONFECTION D’UN MASQUE BARRIERE de la NS 15-014 décrit la forme des pièces de la monocouche ou du composite multicouche avec les mêmes termes que le §8 de l’AFNOR.

Enfin, l’annexe B (DIMENSIONNEMENTS DES MASQUES BARRIERES) de la NS 15-014 est un extrait de l’AFNOR, notamment la spécification des masques « Bec de canard » et « à plis ».

Cette comparaison sur la forme a pour but de rappeler que dans la pratique de standardisation, il est recommandé de ne pas dupliquer des informations quand il suffit de faire référence à un document les contenant déjà ; surtout quand il s’agit de présenter sa propre norme. La valeur ajoutée de la NS 15-014 via à vis de l’AFNOR n’est pas démontrée.

L’étude sur le fond expose les risques de l’application d’une norme étrangère, sans analyse préalable et adaptation au contexte local. La NS 15-014 et l’AFNOR S76-001 font référence à l’ISO/TS 16976-2 (Appareil de Protection Respiratoire – Facteurs humains – Part 2: Anthropométrie) pour illustrer et spécifier le dimensionnement des masques.

A partir de cette référence, le visage typique d’un français a été caractérisé par l’AFNOR comme suit : Distance bigoniale (132.5-144.5 mm) ; Longueur menton-sellions (123-135 mm) ; Distance inter pupillaire (65-71 mm) ; Arc bitragus-gnathion (295-315 mm).

Le même portrait et les mêmes dimensions sont retrouvés dans la NS 15-014. Au-delà du symbole (quel sénégalais se reconnait de cet homme ?), on peut s’interroger sur la pertinence et l’efficacité de la fabrication au Sénégal, de masques, conçus pour épouser le visage typique d’un Français. Le blogueur et chercheur Collin Spears, s’appuyant sur le site FaceResearch, a étudié le visage moyen d’hommes et femmes d’origines diverses.

Son étude nous montre notamment qu’il y a une (grande) différence entre les visages type d’un Français et d’un Ouest-Africain (forme, dimensions, etc.). Le même constat peut être fait lorsqu’il s’agit d’illustrer la mise en place du masque.

Par ailleurs, L’AFNOR précise : « Le masque barrière n’est pas soumis à une évaluation de conformité… Sa conception et son contrôle … restent à la responsabilité du fabricant… Le fabricant est autorisé à réaliser les essais de vérification et de validation au sein de son entreprise… » ; là où l’article 2 de l’arrêté ministérielle 009450, cosigné par les ministres Assome Aminata Diatta (commerce et PME) et Moustapha Diop (Développement Industriel et PMI), soumet les masques (le produit ou son processus de fabrication ?) à la certification NS-Quality Senegal, au droit de la NS 15-014. Cette exigence pose plusieurs problèmes dans une période de crise sanitaire où chaque jour compte.

Comment justifier une exigence de certification au droit d’une norme qui, dans son élaboration, n’a respecté aucune norme, et n’est pas adaptée à la population « cible » ? On rappelle que l’AFNOR SPEC S76-001, n’est pas une norme mais une spécification technique, faite par les Français, pour les Français ; elle n’assume pas une évaluation de conformité. La copie vaudrait-elle mieux que l’original ?

Quelle est la durée et les conditions (notamment tarifaire) de cette certification ?

Quelle que soit la durée, le Sénégal ne peut pas se permettre de mettre en standby sa production locale de masques (des associations et des bénévoles au Sénégal et dans la diaspora ont financé et distribué, souvent gratuitement, des centaines de milliers de masques avant l’arrêté ministériel), en attendant une hypothétique certification ; Le Professeur Didier Raoult dirait que l’on est dans le temps de l’action, pas de la méthode.

Quel que soit le coût de cette procédure, il sera difficile d’exiger de l’artisan couturier informel de Pikine, Guédiawaye, Goudiry, Bignona, Ourosogui, etc. de débourser des dizaines de milliers de FCFA pour être conforme à une norme, alors que la production de 1000 masques lui rapporte moins de 100 000 FCFA, et que son « business » est conjoncturelle et donc éphémère.

Combien de morts en attendant que la Chine ou la Turquie acceptent de nous livrer des masques certifié NS-Quality ?

Partout dans le monde, on donne les masques gratuitement ; nous invitons donc les autorités sénégalaises, à défaut d’une large distribution, à accompagner les acteurs locaux dans la fabrication de millions de masques de qualité, et le cas échéant, de les subventionner.

AVERTISSEMENT : Le masque barrière n’exonère absolument pas l’utilisateur de l’application des gestes barrières complétés par la mesure de distanciation sociale qui sont essentiels.

Idy Demba Thiam, Ingénieur chez General Electric, Paris, France

Membre fondateur de Daan Corona – Force Covid19 Diaspora : https://www.facebook.com/groups/623891191492658/?ref=share

Initiateur du challenge #100masquespourmonquartier

[email protected]

Bibliography:

https://www.equonet.net/attachment/1915032/
http://www.asn.sn/IMG/pdf/ns_15-014_vf.pdf
https://www.asn.sn/IMG/pdf/asn_cert_rg-001_regles_generales-.pdf
https://masques-barrieres.afnor.org/home/telechargement

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