Abdou Diouf, un triste Sire

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En prenant la responsabilité de publier ses mémoires, Abdou Diouf ne l’a pas fait pour enrichir la bibliothèque de l’histoire, mais pour se donner une part belle et surtout pour régler ses comptes avec le landerneau politique de son pays. Pourquoi maintenant ? C’est là où se situe la véritable question. Les motivations et les raisons sont à foison. Tout le monde sait qu’au lendemain de sa prise du pouvoir par le biais d’un calamiteux article 35 de la constitution d’alors – élaboré uniquement pour lui -, ce président n’avait aucune légitimité, mais il ne doit son maintien au pouvoir que grâce à une pléiade de politiciens aguerris dévoués à sa cause. De ces janissaires, on pouvait distinguer trois personnes : Jean Collin, Djibo Ka et Moustapha Niasse. Ironie de l’histoire, ce sont ces mêmes personnages que l’ancien président voue aujourd’hui aux gémonies. Cette posture ingrate étonne, mais ne surprend pas ceux qui ont suivi le parcours politique d’Abdou Diouf. On se souvient encore de son ingratitude vis-à-vis de celui à qui il doit tout. Mu, peut-être, par des sentiments effectifs, mais surement par un calcul politicien dans lequel l’immunité dans le futur se profile, Senghor l’ a imposé de force à tous. Dix ans à la primature et vingt ans à la magistrature suprême. Et pourtant, ce poète a eu tout le long de sa vie pour ratiociner sur l’ingratitude et de ses différentes formes.
En choisissant Abdou Diouf comme Premier ministre et en l’imposant dix ans après comme président, Senghor n’agissait pas comme un bienfaiteur, mais plutôt comme un politicien madré et dans un certain sens sans scrupules. Pendant qu’il sillonnait le monde à la recherche de gloire et de « Docteur honoris causa », Abdou Diouf se tapait le boulot. On lui doit les réformes majeures dans l’administration. Quand on parle de la formation d’un état, on parle abusivement de Senghor, et dans une moindre mesure de Mamadou Dia. Mais on oublie souvent qu’Abdou Diouf a été l’artisan inconnu. Senghor n’était pas exempt de reproche, Abdou Diouf le savait. Il a accepté de rester dans l’ombre tutélaire du père de la négritude. Des couleuvres, il en a avalé à satiété ; mais il a eu Senghor à l’usure. Cela explique son comportement « disgracieux » vis-à-vis de ce Pygmalion complexé et hautement imbu de sa personne. Wolé Soyinka, décryptant le personnage, avait lancé pendant le festival mondial des arts nègres – une manifestation onéreuse pour la gloire de l’homme noir, mais en réalité une entreprise sous-jacente pour élever au pinacle un poète en mal de reconnaissance – cette phrase assassine « le tigre a-t-il besoin d’affirmer sa tigritude… ». Cette boutade, comme un cheveu dans la soupe, a failli gâcher le festival. Senghor ne l’a jamais pardonné. D’où son absence à Stockholm pendant la réception du prix Nobel de littérature du Nigerian.
Le long règne d’Abdou Diouf sur le Sénégal amène immédiatement dans les mémoires le spectre des ajustements structurels avec son cortège de malheurs, les assassinats sanglants et impunis du magistrat Seye, du commissaire divisionnaire Sadibou Ndiaye, et tant d’autres. Mais surtout de l’arrogance d’un régime qui se distinguait par son absence d’imagination et par la veulerie de ses dirigeants politiques. À peine Abdou Diouf déposé, ses caciques qui ne juraient que par lui se sont littéralement jetés dans les bras de l’opposant gagnant qui n’a jamais été en odeur de sainteté chez eux.
De tous les présidents ayant eu à gérer le Sénégal, il est sans conteste le moins performant. Senghor a créé une nation ; Abdoulaye Wade a construit le Sénégal, même si sa gestion est des plus catastrophiques ; son successeur Maky Sall poursuit son œuvre avec plus d’efficacité et moins de grandiloquence. Abdou Diouf, ce grand timide introverti a hérité d’un pouvoir pour lequel il était le moins indiqué. Ce n’était pas un politicien, mais simplement un haut fonctionnaire formé pour obéir et exécuter. Tant qu’il était sous la tutelle d’un homme comme Senghor, il fut un excellent premier ministre. Mais rentré dans les habits de président d’une façon arbitraire, il passera tous ses mandats sous la défensive, bataillant ferme pour se maintenir au pouvoir. Ce qui explique les multiples dérives.
L’écriture de mémoires est un travail absolument subjectif. C’est le passé revu à travers son propre prisme. On escamote, on travesti, ou l’on oublie.
Ibrahima Hane

8 Commentaires

  1. Si dernièrement,le Colonel Abdou Aziz Ndao a eu tort d’avoir parle tôt, Mr Abdou Diouf s’y est mal pris en publiant ses mémoires a quelques décades de son départ honorable de la tête de l’OIF.C’est dommage que Mr Diouf soit venu ainsi briser son silence alors que de tous temps-pendant son magistère et après-il s’est toujours abstenu de communiquer sérieusement,ce qui dénote un certain manque de respect par rapport au droit des Sénégalais d’être au parfum des actes de leurs dirigeants.Quand les critiques et démentis ont commence a fuser,il a répliqué n’avoir pas tout dit heureusement; ce qui-a mon avis-constitue une autre maladresse:ou on choisit de tout dire ou on se tait!!Cependant,de tous ceux qui ont rue dans les brancards pour le démentir,il en est deux qui auraient du se taire:Mr Djibo Ka et Mr Iba Der Thiam.

  2. IBRAHIMA HANE,LE BRAS ARMÉ DE L’AUTRE QUI VEUT ETRE COMME DIOUF ils sont toujours là les détracteurs de diouf. ils feront tout pour salir ce monsieur grand homme d’Etat mais peine perdue, »on n’arrête pas la mer avec des bras ».
    LES CHAUSSETTES DE DIOUF VALENT MIEUX QUE TON MENTOR.
    DIOUF EST UN GRAND ET LE RESTERA ETERNELLEMENT.
    TRISTE IBRAHIMA HANE,CELA ME FAIT SOUVENIR DE LA LETTRE QUE WADE AVAIT ECRIT POUR ESSAYER DE PERTURBER SENGHOR ,POUR LA FAIRE LIRE PAR UNE DAME DE PIKINE SOPHIE NDIAYE CISSOKHO.IL REVE TOUJOURS D’ETRE UN DIOUF TON WADE MAIS IL OUBLIE QUE LE DESTIN EXISTE,IL Y A DES HOMMES QUE LE BON DIEU AIME ET DIOUF FAIT PARTI DE CEUX-LÀ QUI ONT E PRIVILÈGE.

  3. Diouf un aimè de Dieu ?je ne pense pas qu’il ait un detestè de DIeu car Allah a cree et certains se sont rebellès .si tu me disait Diouf le pieux ou Diouf le boncoeur mais on a Diouf qui se vante d’avoir toujours un chef certes sa femme.Un Diouf qui avoue sa manque d’autoritè comment des ministres osent se bagarrer devant leur chef.En fait Diouf est quelqu’un qui n’a pas digere d’avoir perdu le pouvoir oui on a un rancunier.bon debarras pauvre serviteur de la France.

  4. pour ceux qui ont lu le livre peuvent ils me dire si abdou diouf a parle de madia diop? s`il ya quelqu`un qui a bcp aide abdou c`est bien madia diop. ironie du sort il est parti rejoiundre les prairies vertes de lau dela un mois de novembre et5 abdou nous livre ses memoires au mois de novembre.je connaissais l`homme (madia) et grace a sa lucidite et son sens inne de la tactique le senegal et abdou diouf en particulier auraient connu ce que aujourd`hui on peut nommer le syndrome burkinabe.abdou le sait c`est madia qui a sauve le pr lors de la greve generale initiee par toutes les centrales syndicales pour sauver abdou madia s`est allie avec mademba sock.
    vieux guerrier reposes en paix

  5. Monsieur Hanne,
    Peut être que Le Pr Abdou DIOUF a été moins performant mais toujours est il que le « multipartisme » au Sénagal c’est bien lui qui est l’artisan. Aussi, quand il a quitté le pouvoir, il a laissé les caisses de L’Etat pleines et ce n’est pas Abdoulaye Wade et Idrissa Seck qui me démentiront (confidences de Wade à Idy: « nous n’avons plus de souci d’argent »).
    Un conseil : revoyez votre perception de l’histoire de la République

  6. Comme vous avez raison Mr Hane. Je vous félicite pour la clarté de cet article et surtout pour son niveau de culture. En faisant le bilan de ce président par effraction, on trouveras dans son passifs beaucoup plus que dans ses actions positives. Le conflit mauritanien, le licenciement massif de la police, la rébellion casamançaise, les 90 soldats morts en Irak dans un conflit qui nous est totalement étranger etc…Qu’est ce le multipartisme devant tout cela ? En écrivant ses mémoires et en vilipendant ceux qui se sont battu pour sa pérennité, il ouvre la boite de pandore…

  7. En 2000, je venais d’avoir 20 ans. Ma famille vivait dans la précarité à cause de la radiation de la police où mon père était un commissaire. A cause de lui, nous avons connu la pauvreté et la gêne. Et cet homme sans vergogne vient faire le malin chez nous. Il n’a meme pas honte.

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