Ali Bongo s’éloigne de la France

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Alors que son père Omar était un pilier de la Françafrique, Ali Bongo essaie de nouer de nouvelles alliances, notamment en Asie.
l est le nouveau visage du Gabon. Depuis deux ans, le président Ali Bongo répète à l’envi que son pays «a changé». Il se serait donc bien passé du scandale des valises de billets. Le 11 septembre, l’avocat Robert Bourgi a accusé plusieurs chefs d’Etat africains, dont son père, le défunt Omar Bongo, d’avoir trempé dans le financement occulte d’hommes politiques français.

«Notre présidence date de 2009, on répond des faits à partir de là», assène-t-il alors, catégorique, au micro de l’AFP.

A la mort du patriarche, le 8 juin 2009, sa désignation comme candidat du Parti démocratique gabonais (PDG) pour la présidentielle qui se tiendra en août n’est qu’une formalité. Mais après 41 ans de règne d’Omar Bongo, le nom de famille est difficile à porter. Le fils aîné est tout sauf populaire, et les Gabonais sont nombreux à penser que l’héritier naturel prend le pouvoir pour mieux préserver les intérêts de la classe dirigeante corrompue.

Election présidentielle très contestée

Au terme d’une élection présidentielle très contestée, à 50 ans, le jeune président l’emporte avec 41,73% des suffrages. Moins que ses principaux challengers réunis, André Mba Obame et Pierre Mamboundou, qui obtiennent près de 50% des voix.

Depuis qu’Ali Bongo est au pouvoir, les indicateurs sociaux économiques sont toujours dans le rouge, et le quotidien des Gabonais n’a pas beaucoup changé. Mais à l’évidence, il incarne un nouveau style de dirigeant, plus dur, qui rompt avec l’époque paternaliste d’Omar Bongo. Ne possédant pas le charisme séducteur de son père, Ali impose son rythme, sans concession.

Le bâton, pas la carotte

«L’émergence». Ali Bongo décrit ainsi son projet de société. A peine élu, il annonce des mesures spectaculaires pour sortir «le pays de l’immobilisme» dans lequel s’est enfoncé le Gabon lorsque son père le dirigeait. Celui que l’on dit effacé, et moins charismatique qu’Omar, est bientôt surnommé le «Tsunali». Première mesure spectaculaire, il réduit le nombre de ministres de 44 à 30, et limoge de nombreux hauts fonctionnaires.

En priorité, Ali Bongo, cherche à se débarrasser de l’entourage de son père. Bien sûr, une partie de l’appareil du Parti démocratique gabonais (PDG) qui l’a soutenu en 2009, conserve un rôle de conseil. Mais dans la garde rapprochée d’Ali, on compte peu d’anciens poids lourds du régime, avec qui il n’a pas beaucoup d’affinités.

Pour Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique, Ali Bongo se montre souvent intraitable avec l’opposition ou les membres de la société civile qui le défient:

«A aucun moment, il ne tend la main, alors que son père rachetait le mécontentement social par l’attribution de postes ou la redistribution de la rente pétrolière et minière.»

Ainsi, André Mba Obame, son «frère» de toujours, plusieurs fois ministre du temps d’Omar bongo, est devenu son adversaire principal à la présidentielle de 2009. Autoproclamé vainqueur de l’élection, l’ancien ministre de l’Intérieur sera poursuivi pour haute trahison par le nouveau gouvernement. Et contrairement à ce que beaucoup prédisaient, Mba Obame n’est pas revenu dans le giron de l’actuel président. Plusieurs cadres du régime l’ont d’ailleurs rejoint dans l’opposition.

«Ali Bongo manie mieux le bâton que la carotte», estime Antoine Glaser.

L’ancien ministre de la défense mérite-t-il pour autant son surnom de sécurocrate? La société civile continue à dénoncer les atteintes aux droits de l’homme et le manque de transparence dans la gestion du pays. Avec l’opposition, elle appelle à boycotter les législatives fixées au 17 décembre 2011, après des mois de revendications en faveur de la biométrie. Cette méthode, qui devait permettre de limiter les fraudes lors du processus électoral, ne sera finalement pas mise en place cette année, contrairement à l’engagement initial du gouvernement.

Dans un article du 23 septembre, la Lettre du continent révèle qu’avec Ali Bongo, «à quelques exceptions près, la presse gabonaise reste sous le contrôle du Palais du bord de mer». Le président placerait ses hommes à la tête des principaux journaux du pays, qu’ils dépendent directement de l’Etat comme le quotidien l’Union, ou qu’ils soient privés.

Les Asiatiques ont plus la cote que les Français

En attendant, le président multiplie les chantiers censés diversifier l’économie gabonaise, qui repose depuis près de 60 ans sur la rente pétrolière. Car le Gabon n’est plus le «petit émirat pétrolier » que ses voisins enviaient. Alors que le pétrole s’épuise, les infrastructures manquent cruellement, et le secteur forestier reste largement inexploité.

Pour financer ses projets, le jeune président tente d’attirer de nouveaux investisseurs étrangers, quitte à se détourner de son partenaire économique traditionnel, la France.

Bien sûr, les entreprises hexagonales comme le pétrolier Total devaient déjà faire face à la concurrence étrangère du temps d’Omar Bongo, mais son fils a clairement accentué la tendance. Ali est plus mondialisé que son père, le plus francophile des chefs d’Etat africains, qui privilégiait les boîtes françaises parfois au-delà des intérêts économiques de son pays.

« Ali Bongo a surtout une démarche pragmatique, car aujourd’hui, la France n’a plus les moyens de s’imposer face aux puissances émergentes », estime Antoine Glaser, auteur de Comment la France a perdu l’Afrique.

Ali Bongo parcourt l’Asie

Depuis 2009, Ali Bongo parcourt surtout l’Asie, de Singapour à la Corée du Sud en passant par les Emirats, à la recherche de partenariats stratégiques. Si ses ressources minières sont très convoitées, le pays intéresse également les entreprises spécialisées dans le BTP et l’agro-industrie.

Dans ce dernier secteur, c’est le singapourien Olam qui a remporté les plus gros contrats, fin 2010. Le géant de l’industrie agro-alimentaire s’apprête à investir 45 millions d’euros pour développer une immense zone économique spéciale (ZES) dont la première phase a été inaugurée en septembre. L’objectif du gouvernement est de relancer la filière bois en favorisant la transformation des grumes brutes sur place. Le site devrait accueillir 45 entreprises différentes, et permettre la création de 4000 emplois directs.

Huile de palme

Toujours en partenariat avec Olam, le Gabon espère devenir le plus grand producteur africain d’huile de palme d’ici 2017, grâce à l’aménagement d’une palmeraie qui s’étendrait sur 200 000 hectares. Une usine de production d’engrais devrait également voir le jour dans la région de Port-Gentil, la capitale pétrolière du pays.

Moins de politique, plus d’économie, c’est le pari qu’a fait Ali Bongo. Reste à savoir si ces chantiers tous azimuts finiront par bénéficier au million et demi de Gabonais qui attendent le changement.

“Si on compare les ressources minières et pétrolières avec la très faible population du Gabon, le niveau de vie ne correspond pas du tout au PNB par habitant”, rappelle Philippe Hugon, chercheur à l’Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS).

Avant de parler de Gabon émergent, les observateurs attendent encore des progrès importants en matière d’éducation et de santé, notamment. L’indice de développement humain (IDH), lui, place toujours le pays au 93ème rang mondial sur 169.

avec Célia Lebur a

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