Alioune SARR, ministre du commerce, de l’entreprenariat et du secteur informel : « 25 % de la commande publique seront alloués aux Pme-Pmi »

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Le ministre du Commerce, de l’Entreprenariat et du Secteur informel, Alioune Sarr, était l’invité de la rédaction du « Soleil ». Il a été accueilli par le directeur général, Cheikh Thiam, le coordonnateur général de la rédaction, Modou Mamoune Faye et le rédacteur en chef central, Daouda Mané. M. Sarr a passé en revue les différents secteurs liés à son département. Selon lui, la lancinante question de notre balance commerciale déficitaire ne peut trouver une réponse que dans la production locale. Par exemple, si le riz que les Sénégalais consomment était produit chez nous, cela augmenterait annuellement notre taux de croissance économique de 2 %.

Quels sont les axes principaux de votre stratégie pour le développement du commerce, de l’entreprenariat et de l’informel ?

«Le commerce, l’entreprenariat et l’informel constituent, aujourd’hui, un secteur central dans l’économie nationale. Le commerce participe à 16 % à la formation du Produit intérieur bruite (Pib). Le secteur informel représente plus de 44 %. Ce qui représente, au total, la moitié du Pib national. Il est évident que toutes les problématiques qui secouent ce secteur touchent aussi l’économie nationale. C’est la raison pour laquelle, il est important de partager la vision, les stratégies et les actions qui sont prévues dans ce ministère pour les mois et les années qui viennent.

La vision, d’abord, est de construire au Sénégal une économie inclusive, qui prend en charge toutes les catégories de la société, pas simplement au profit d’une minorité, mais de tous les citoyens sénégalais. C’est aussi une économie qui crée de la richesse, mais surtout des emplois.

L’une des premières mesures prises, à mon arrivée à ce département, était de cibler les produits de base substantiels consommés par nos compatriotes et de regarder la structure des prix avec les acteurs concernés afin de travailler sur la baisse ou la stabilisation des coûts. C’est ainsi que nous avons ciblé trois produits qui sont essentiels dans la composition du panier de la ménagère pour baisser leur prix. Il s’agit du riz brisé non parfumé, du sucre cristallisé et de l’huile. Un Comité national de suivi des prix des denrées, co-présidé par le ministre de l’Economie et des Finances et celui du Commerce a été mis en place. Ainsi, en mars 2012, pour le prix du riz brisé non parfumé, le kilogramme était à 350 FCfa. Nous avons réuni les commerçants, les douaniers, les importateurs du riz, et tous les acteurs, pour travailler sur la baisse des prix. J’ai même effectué un voyage en Inde pour rencontrer les exportateurs indiens afin de voir réellement quel est le prix le plus bas qu’on pourra appliquer sur le marché.

Nous avons aussi fait la même chose pour l’huile dont le litre était vendu à 1200 FCfa en mars 2012. Suite à des discussions avec les commerçants et les industriels, le prix a été ramené à 900 FCfa. De la même manière pour le sucre, qui a également connu une baisse. Aujourd’hui, le gouvernement travaille sur une quinzaine de produits. Il y a des produits, naturellement, sur lesquels la structure ne nous permet pas de faire une baisse. Et là, le gouvernement tient un langage de vérité aux consommateurs.

La deuxième stratégie consiste à développer les exportations pour permettre à notre économie de s’arrimer au commerce sous-régional et international. Le Sénégal a une grande faiblesse dans le développement de ses exportations, avec une balance commerciale déficitaire de plus 1400 milliards de FCfa, puisque nous importons l’essentiel de nos produits de consommation. C’est pourquoi, la mission que j’ai assignée à l’Agence sénégalaise de promotion des exportations (Asepex) est d’avoir une augmentation annuelle de 10 % de nos exportations par an, pour que, sur les dix prochaines années, nous puissions régler ce déficit commercial. A ce titre, nous avons engagé un plan stratégique de développement des exportations sur le marché américain et celui de l’Union européenne. Mais faudrait-il également assurer au Sénégal le rôle moteur qu’il joue en Afrique de l’Ouest à travers l’intégration sous-régionale.

Il faut souligner que la Cedeao fait pratiquement 30 % du Pib de l’Afrique, elle est une zone communautaire essentielle pour le contient. Notre pays fait la moitié de ses exportations dans la sous-région.

Il y a aussi l’entreprenariat privé, qui est confronté à des défis comme la cherté des facteurs de production, comme le cas de l’énergie. Actuellement, l’entreprise sénégalaise peut avoir des difficultés de compétitivité face à une entreprise de la sous-région à cause du coût du kilowatt/heure dans notre pays. La levée de toutes ces contraintes est devenue un enjeu important. Nous travaillons aussi sur la modernisation du secteur informel, qui est aussi confronté à d’énormes difficultés telles que le recasement des marchands ambulants. Notre stratégie ne se limite pas uniquement à recaser les vendeurs, mais aussi à trouver les principales zones pourvoyeuses de marchands ambulants afin d’arriver à y développer des fermes de production agricole et artisanale. Cela pour permettre à notre économie d’être relancée à la base».

Vous travaillez sur la sécurité du consommateur, mais on entend souvent des complaintes sur la cherté des prix  sur le marché. Comment expliquez-vous cette situation ?

«Il faut se rappeler que, dans la composition du panier de la ménagère, la plupart des produits sont importées. Le gouvernement a fait des efforts pour baisser les prix de certains produits essentiels. L’option du gouvernement, c’est vraiment d’insister sur la production et la consommation. C’est ce qui nous permettra d’avoir une maîtrise sur l’ensemble des produits que nous consommons. La protection de l’industrie locale permettra aux investisseurs de mettre leur argent sur la production du riz, du sucre ou de la tomate par exemple. Mais quand un pays qui fournit du riz exprime un besoin supplémentaire dans son pays, il retient son produit. Quand la demande est supérieure à l’offre, les prix augmentent, c’est une règle classique du marché. Il faut donc assurer une production des produits essentiels, comme le riz, l’huile, la tomate…»

Depuis janvier 2012, l’Etat a mis en place un nouveau code des impôts. Quels sont les avantages liés à cette réforme fiscale ?

«Le nouveau code des impôts permet à certaines entreprises de bénéficier de facilitations fiscales comme les exonérations. Ce qui donne l’opportunité, à ces entreprises, de participer, valablement, à des compétions sur le plan international. Ce code a fait l’objet d’un large consensus avec tous les acteurs économiques, et l’essentiel de leurs préoccupations a été pris en compte. Cette réforme permet aussi à l’Etat de sécuriser ses recettes fiscales».

Il y a eu 300 entreprises fermées en 2012. Quelles mesures comptez-vous prendre pour leur redressement ?

«Dans une économie, les entreprises naissent et disparaissent. Quand vous parlez de 300 entreprises qui ont disparu, si vous allez à l’Apix, il y a 7000 nouvelles créations d’entreprises qui ont eu lieu l’année dernière. Il faudra regarder structurellement ces sociétés qui ferment en s’interrogeant sur leur statut, leur propriétaire, leur contexte de création… Une entreprise est faite pour avoir non seulement un métier, mais aussi pour assurer des services de qualité dans la durabilité et une viabilité dans sa gouvernance. Au ministère, nous avons lancé une vaste campagne de recensement de l’ensemble des Pme et Pmi sénégalaises. C’est cette enquête qui nous permettra d’engager les chantiers que le gouvernement a mis en place à travers d’importants instruments de financement comme le Fonds souverain des investissements stratégiques (Fonsis) et le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip)».

 Quelles sont ces 7.000 entreprises créées en 2012 ?

«La meilleure réponse serait donnée par l’Apix qui s’occupe de tous ces éléments. Mais je pense qu’il ne faut pas non plus sous-estimer cela. Nous avons une augmentation du Pib en 2012 et en 2013. Il y a donc un certain nombre d’entreprises qui sont créées dans le secteur de l’agro-alimentaire, dans la transformation, mais aussi dans le secteur des bâtiments et travaux publics».

En dépit de toutes ces entreprises dont vous parlez, le Sénégal a chuté dans le récent classement du Doing business. Qu’est-ce-qui explique ce paradoxe ?

«Nous ne pouvons pas, du jour au lendemain, transformer radicalement les choses. Dans le Doing business, vous avez l’environnement des affaires, la gestion des permis de construire… Et là, il y a un travail important qui est en train d’être fait. Avant l’arrivée du président Macky Sall, pour avoir un permis de construire, c’était le parcours du combattant entre le ministère de l’Urbanisme, les collectivités locales, la mairie… Mais nous avons fait des efforts extrêmement importants pour raccourcir les délais et permettre aux entreprises d’accéder à cette pièce le plus rapidement possible. Beaucoup de réformes sont en cours sur le plan foncier pour permettre aux entreprises d’accéder à la terre. L’Apix est en train de faire un travail important pour améliorer l’environnement des affaires au Sénégal. Aujourd’hui, on peut créer une entreprise en 24 heures. Toutes ces réformes sur les codes des douanes, des impôts, de l’environnement des affaires, permettront au Sénégal d’avoir une plateforme d’affaires afin de gagner des points sur le classement du Doing business. La création du ministère de la Promotion des Investissements entre dans ce cadre. Nous avons un vaste chantier dans le domaine de l’énergie avec un projet de plus de 1500 milliards de FCfa qui permettra de faire baisser le prix du kilowatt/heure entre 60 et 80 FCfa. Cela permettra d’améliorer la compétitivité des entreprises sénégalaises».

 Les Pme se plaignent souvent du fait qu’elles ne bénéficient pas des commandes publiques. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ?

«Nous avons un projet de loi en cours de création de « Small busines act » au Sénégal. C’est un projet de loi qui affectera 25 % des commandes publiques de l’Etat aux Pme-Pmi sénégalaises, il est piloté par le ministère du Commerce. Cette commande publique représente 1.000 milliards de FCfa, dont 250 milliards seront affectés aux Pme-Pmi. Il y a déjà un travail intéressant qui se fait avec l’Agence de régulation des marchés publics (Armp). Dans les trois mois à venir, il doit passer à l’Assemblée nationale, soit à travers une intégration dans le code des marchés, soit à travers une loi à part entière».

 

Que comptez-vous faire pour lever l’obstacle majeur des Pme, c’est-à-dire l’accès au financement ?

«Le principal problème des Pme et Pmi sénégalaises, c’est l’accès aux services financiers,  mais aussi aux services non financiers. De manière spécifique,  pour l’accès aux services financiers, le gouvernement  a mis en place la Banque nationale de développement économique (Bnde), le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis) et le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip). Ces fonds leur apportent une garantie  en fonds de roulement mais également en investissement parce qu’une bonne partie des Pme n’a même pas un problème d’investissement structurel très important  mais plutôt des difficultés pour  financer leur fonds de roulement, le  crédit  des clients.   Il faut   travailler sur l’effacement  de la dette intérieure parce que l’Etat est un gros client de la Pme.  Il y a un travail important qui a été fait, 12 milliards de FCfa  ont été récemment  injectés dans l’économie  pour éponger la dette intérieure due à ces entreprises.  Sur le « Small business  act », je pense que le projet de loi qui sera proposé concerne deux volets : le volet affectation de  25 % de la commande publique  aux Pme et  un ccompagnement  fiscal. Dans l’accompagnement fiscal,   les garanties sont demandées à la Pme».

Près de 90 % des Pme sont concentrées à Dakar et à Thiès, les autres régions semblent être marginalisées. Comment comptez-vous faire pour mettre fin à ce déséquilibre ?

«Concernant la concentration des Pme et Pmi à Dakar, nous comptons cartographier, une nouvelle fois, le Sénégal et ses potentialités économiques par département. Il a été mis en place un projet appelé « Programme d’acquisition d’unités de transformation agroalimentaire » adaptées à chaque potentiel économique d’une localité. C’est un vaste programme qui prend en compte les atouts économiques de chacune des zones. Nous allons acquérir 1.000 unités de transformation agroalimentaire à travers la coopération chinoise. Chacune de ses unités emploie, en permanence, 30 personnes. Ce qui permettra de créer plus de 30.000 emplois répartis en fonction des potentialités de chaque région du pays. Nous avons adressé ce programme au chef de l’Etat qui a donné son accord. Il a demandé au ministre de l’Economie et des Finances d’étudier la faisabilité financière. Ce projet a pour avantage de créer, d’une part, un tissu industriel massif dans les régions du Sénégal, ce qui permettra de fixer la jeunesse. D’autre part, il permettra de valoriser les productions locales».

Récemment, une partie importante du marché Sandaga a été ravagée par un incendie. Quelles solutions envisagez-vous pour régler ce problème ?

«Il faut rappeler la dangerosité de ce marché, le gouvernement a pris ses responsabilités en ordonnant sa fermeture. Nous n’allons pas attendre que l’irréparable se produise pour réagir. Nous avons pris la décision de fermer Sandaga parce que la vie des commerçants était menacée. Tous les experts ont montré que ce marché était devenu un danger permanent pour les pensionnaires. C’est l’occasion de préciser les responsabilités des communes et celles de l’Etat pour ce qui est de la gestion des marchés. En réalité, la gestion des marchés relève de la compétence des collectivités locales. Sandaga est sous la responsabilité de la ville de Dakar. J’ai fait une réunion de travail avec Khalifa Sall, maire de Dakar, et il y a un programme très important de plus de 30.000 cantines qui sont prévues à Dakar, en plus des 12.000 cantines à Petersen et 5800 autres sur  le site de Félix Eboué réservées aux marchands ambulants. Non sans oublier un vaste programme qui permet à la ville de Dakar de mobiliser un fonds de 40 millions de dollars pour la construction d’un centre commercial ultramoderne. L’objectif du gouvernement aujourd’hui, est de mettre en place au Sénégal des centres commerciaux de niveau international. Parce que ce qui se passe dans nos marchés est inacceptable, ils sont les endroits les plus malpropres. C’est pourquoi, nous soutenons cette démarche de la ville de Dakar».

Qu’est-ce que votre département compte faire pour donner des emplois aux jeunes qui sont dans le secteur informel ?

«Il est difficile aujourd’hui d’éradiquer le secteur informel dans notre économie tel qu’elle est structurée. Il y a l’échec scolaire, l’insuffisance de notre production agricole dans les terroirs. Les jeunes qui devaient s’occuper de la terre et travailler dans l’agriculture sont tous venus à Dakar. La disparition progressive de certains segments des chaines de valeurs a fait que nous sommes absents dans les coins à forte valeur ajoutée de l’économie. Il faut rappeler que nous importons un million de tonnes de riz  par an. Et les simulations que nous avons faites à notre ministère ont montré que si le million de tonnes que nous importons était produit au Sénégal et consommé dans le pays, cela nous aurait apporté 2 % de croissance de plus. Dans ce cas, au lieu d’avoir 4 % de croissance nous aurions 6 %. Si nous prenons l’exemple de l’Ethiopie, il y a huit ans, ce pays n’exportait pas un seul dollar de fleur, aujourd’hui, il exporte un milliard de dollars de fleurs. Et pourtant le Sénégal a le climat qui lui permet de faire cette production, c’est un véritable marché rentable».

 Qu’est-ce qui explique le fait que les prix soient plus bas dans certains pays de la sous-région qu’au Sénégal. Pourtant, des produits comme le pétrole transitent par Dakar avant d’arriver au Mali ?

«Le Sénégal fait partie des quatre grandes économies de la sous-région avec le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana. Cependant, la particularité de ces trois pays est que le Nigeria a son pétrole, la Côte d’Ivoire et le Ghana produisent du cacao. Le Sénégal n’a aucune ressource. Nous avons un Etat qui a besoin de ressources pour payer l’école, assurer la santé, construire des routes… Notre pays a besoin de mettre en place une politique fiscale pour avoir des ressources. Malgré cela, notre balance commerciale a un déficit de 1400 milliards de FCfa annuellement. Cette situation est structurelle, elle ne date pas de maintenant. J’invite la population à plus d’indulgence. Ce n’est pas irréversible, en continuant à développer la production qui va créer de la valeur, nous trouverons d’autres sources de financements  qui vont alléger la fiscalité. Aujourd’hui, si un homme politique dit que l’Etat est capable de supprimer toute la fiscalité, je pense que les salaires ne seront pas tenables à la fin du mois».

Comment se porte le Trade Point ?

«Il y a un travail important qui est fait aujourd’hui avec le système « Gaindé ».  Le Sénégal a fait un très grand pas dans la dématérialisation de tout ce qui est transaction  douanière. Nous continuons à travailler sur des sujets aussi importants. Dans le secteur du commerce, nous avons un très vaste chantier de développement du commerce électronique qui doit nous permettre, à terme, d’avoir  des points de permis électroniques dans les différents services comme les restaurants, les marchés grossistes… Ces permis permettront de surveiller les transactions, mais aussi permettront à l’Etat d’avoir une surveillance beaucoup plus accrue sur les prix. Ce projet de commerce électronique est piloté par le Trade point qui dépend du ministère du Commerce. Il y a aussi la radio des affaires (Ndlr : Trade Fm) qui abat un travail important pour la promotion des questions économique et du commerce».

La Css a  pour mission de satisfaire la demande des Sénégalais en sucre,  ce qu’elle a du mal à accomplir. Jusqu’où l’Etat compte-t-il aller dans sa politique de protection de cette société ?

«Le gouvernement doit protéger notre industrie nationale. Si nous avons une industrie qui emploie des Sénégalais, crée de la richesse, de la valeur et qui apporte de la recette fiscale, quelle que soit sa nature, l’Etat doit la protéger. Tous les pays du monde protègent leurs capitaux nationaux. Un pays a besoin de champion sur le plan industriel. Sinon transformons-nous en un espace commercial pour les autres. C’est une option du gouvernement de protéger notre industrie. Nous le faisons sur la tomate, sur l’oignon, etc. Le gouvernement a donné à la Compagnie sucrière une mission d’assurer l’autosuffisance du Sénégal en sucre. Cette société produit, aujourd’hui, entre 80 et 90.000 tonnes de sucre par an alors que le Sénégal consomme en moyenne 150.000 tonnes chaque année. La Css a ainsi exprimé un besoin supplémentaire de réserve foncière d’à peu près 2.000 ha qui aurait permis d’engager un investissement de plusieurs dizaines de milliards de FCfa pour satisfaire ce besoin du Sénégal en sucre. Avec cet investissement, nous produirons plus de 300.000 tonnes de sucre. J’ai saisi mon collègue en charge des Collectivités locales pour voir comment, avec les communautés rurales environnantes, accompagner ce projet qui permettra au Sénégal d’atteindre l’autosuffisance en sucre. Quand nous sommes dans une période où il y a des besoins en sucre qui ne sont pas couverts, les commerçants bénéficient de quotas d’importation qui leur permettent d’approvisionner le marché. Actuellement, le sucre que nous consommons au Sénégal est importé. A partir du 07 novembre, la compagnie sucrière va commencer sa production. L’Etat, dans l’optique de protéger le tissu économique local, arrêtera les importations comme l’année passée. Quand nous sommes venus l’année dernière, nous avons trouvé cette question de suroffre de sucre qui a été résorbée totalement. C’est la raison pour laquelle, quand vous avez l’autorisation d’importation de sucre, vous l’amenez dans une banque, vous avez le financement pour faire l’importation parce que nous avons sécurisé particulièrement  ce volet. C’est ce dispositif-là qui est aujourd’hui en cours».

Malgré la présence de plusieurs cimenteries dans le pays, les prix du ciment restent élevés.  A quand la baisse des coûts de ce produit ?

«Il faut reconnaître que le ciment a connu plusieurs baisses. Il y a un travail en cours avec les cimentiers. Mais, il est aussi important de souligner que ce sont des compagnies privées. Nous pensons qu’avec l’offre de ciment qui se fait aujourd’hui dans le marché, les acteurs économiques du secteur vont procéder à des baisses.  Je ne veux pas anticiper sur les conclusions du Comité de suivi des prix qui travaille aussi sur le ciment qui fait partie des 15 produits que nous avons listés et sur lesquels nous travaillons (dans l’éventualité de baisser leurs prix). Le moment venu, il livrera ses conclusions».

Que fait l’Etat pour trouver une solution au litige foncier opposant l’homme d’affaires nigérian Ali Dangote et les héritiers de feu Serigne Saliou Mbacké ?

«Vous avez suivi, dans la presse, la médiation engagée par l’Etat, suite à la demande de la famille de Serigne Saliou et des acteurs concernés. Il y a un travail qui est en train d’être fait dans l’ombre et nous espérons trouver une issue heureuse à cette affaire».

Il paraît que l’Asepex est devenue Sénégal export ?

«Asepex est restée Asepex. Il n’y a pas eu de changement dans ce sens. En revanche, j’étais en réunion tout à l’heure avec l’équipe de cette société (l’interview s’est déroulée le mercredi 06). Ils sont en train de travailler sur le Programme national de développement des exportations du Sénégal. Dans ce programme, vous avez le développement des  exportations particulières sur le marché américain avec le programme Agoa. Le Sénégal exporte moins de deux milliards de dollars sur le marché américain. Et les Etats-Unis exportent plus de 150 milliards de dollars au Sénégal. Nous avons donc un très grand déficit commercial vis-à-vis de nos partenaires américains. Or, il y a des opportunités extrêmement importantes sur le marché américain. Asepex est en train de travailler sur le ciblage des produits, mais aussi sur celui des marchés».

Le Sénégal est géographiquement isolé au sein de la Cedeao. Cette situation favorise-t-elle son commerce dans le contexte sous-régional ?

«Tout dépend de la position géographique à partir de laquelle vous êtes. Le Sénégal peut être isolé et être la porte d’entrée de la Cedeao. Notre   pays est voisin des Etats-Unis, du Canada et du Brésil en traversant l’océan.  Nous avons des avantages intéressants. Le port de Dakar est un atout important pour les pays enclavés dans l’espace de la Cedeao et qui n’ont pas accès à la façade maritime. C’est pourquoi les chantiers qui sont actuellement en cours dans ce port, permettront de renforcer  la capacité d’accueil  ainsi que le service offert. On ne peut changer notre position géographique donc, je pense qu’il faut exploiter  tous les atouts que nous avons dans la sous-région.  Il faut reconnaître que nos entreprises ont déjà commencé. Des produits de plus de 150 milliards de FCfa sont exportés au Mali».

 Quelles sont les niches identifiées pour résorber le déficit de la balance commerciale ?

«Nous importons des produits d’une valeur de 2.500 milliards  de FCfa et nous en exportons 1100 milliards.  Parmi les produits que nous importons,  il y a le riz avec 300 milliards de FCfa, les produits pétroliers qui sont pratiquement de 400  à 500 milliards de FCfa, mais également le lait, avec 60 milliards de FCfa. C’est la raison pour laquelle, avec le ministère de l’Elevage, nous sommes en train de travailler sur comment valoriser le lait local pour éviter les importations. Nous importons aussi des produits comme le fer avec une centaine de milliards de FCfa par an. Cela donne l’idée de la politique que nous sommes en train de mener pour la création d’une unité de transformation  de produits métallurgiques.  Aussi, nous importons 65.000 à 70.000 tonnes de sucre par année pour une trentaine de milliards de FCfa. En assurant donc le Sénégal en sucre, en produits métallurgiques, en garantissant une production nationale de riz, nous sommes pratiquement à 500 milliards de FCfa de réduction sur les produits que nous importons.  Toutefois,  nous travaillons les produits d’exportation. Le Sénégal produit 33 000 tonnes de bananes et  en consomme 60 000 tonnes. La banane qui est produite au Sénégal, notamment dans la région de Tambacounda, est une banane bio. Or le marché mondial de ce type de banane, est estimé à 200.000 tonnes par an. C’est pratiquement plus de deux fois que la consommation du Sénégal en banane. Voilà une niche d’exportation extrêmement importante.  C’est aussi le cas des produits  comme la mangue que nous exportons à hauteur de  8.500 tonnes, alors que nous en produisons presque 120.000 tonnes.

Il y a   encore une  marge de production.  C’est également le cas de l’arachide de bouche sur lequel le Sénégal n’a pas encore positionné clairement son segment. Pour l’oignon, le marché de l’Uemoa importe  400.000 tonnes  par an, le Sénégal produit  240.000 tonnes. Nous avons fait faire, l’année dernière, une mission en Mauritanie et en Guinée, pour voir le marché de l’oignon. En Guinée, nous avons une demande de 9.000 tonnes par mois et  6.000 tonnes pour la Mauritanie. Voilà des pays qui demandent aujourd’hui de l’oignon sénégalais».

 Pouvez-vous nous certifier que tous les produits qui entrent dans notre pays sont contrôlés et analysés ?

«L’ensemble des produits qui passent le cordon douanier subissent un contrôle. Jusqu’ici, les résultats que nous avons, attestent que ces produits sont consommables sans nuire à la santé des populations notamment les bouillons. Ils sont tous soumis à un contrôle strict.  Quant aux sociétés qui font des bouillons, leurs produits sont analysés et les résultats  sont connus sur le plan scientifique. Les entreprises que j’ai  visitées sont prêtes aussi à présenter  la composition de ces produits. D’ailleurs,  le tiers des bouillons est constitué de  pelure d’oignon, et c’est de l’oignon importé.  Malheureusement, on a une unité de fabrication de pelure d’oignon. Il peut toujours arriver que des choses échappent mais, toutes les dispositions sont prises pour  un contrôle extrêmement strict sur les produits».

Concernant les  Ape, le Sénégal va bientôt parler au nom des pays de la  Cedeao. Où en êtes-vous avec ce dossier ?

«C’est une victoire diplomatique du président Macky Sall qui a défendu ce dossier. Ses 15 pairs de la Cedeao lui ont confié le rôle de superviseur des négociations entre l’Ue et l’Afrique de l’Ouest sur les Ape. Le  président a mis en place un comité autour de lui qui va travailler sur la question notamment sur la modernisation de la démarche et sur la question des intérêts de l’Afrique. La recommandation des chefs d’Etat lors des sommets de la Cedeao, c’est d’avoir  un Ape équilibré et surtout porté sur le développement. Des questions centrales ont été évoquées notamment le Programme de l’accord de partenariat économique pour le développement (Paped) qui est estimé aujourd’hui à 15 milliards d’euros.  C’est un financement permettant de mettre à niveau les entreprises de la Cedeao pour que, lorsqu’on va ouvrir   les marchés, qu’elles puissent participer aux compétions avec leurs homologues européens. Nous sommes actuellement dans les phases de discussion avec l’Ue, nous n’avons pas encore trouvé  un accord. Et le rôle du président de la République sera de superviser  ces discussions pour que les intérêts de la Cedeao  soient préservés.

C’est également la question sur la subvention agricole qui est aussi un point de blocage dans les Ape pour faire en sorte que l’agriculteur européen ne puisse pas bénéficier  d’un plus qui permettra de détruire  nos économies fragiles. Le premier octobre, il y avait une directive de l’Ue disant qu’à partir de cette date, les deux pays qui avaient signé les  accords intérimaires, notamment la Côte d’ivoire et le Ghana, risquent de ne plus exporter  sur le marché européen. Il y a donc une urgence du délai qu’il faudra également gérer».

 Dans un mois, Bali va accueillir la conférence interministérielle de l’Omc. Qu’est-ce que le Sénégal peut attendre de cette rencontre ?

«Du 4 au 6 décembre, nous allons nous rendre  à Bali pour les discussions de la 9e conférence ministérielle. Pour les pays moyens avancés (Pma) comme  le Sénégal, le  « paquet développement » comporte des sujets importants comme le traitement différencié des Pma. Le « paquet Pma », qui permet d’accompagner des pays comme le Sénégal  dans le développement, nous parait  un élément essentiel. La  réussite, pour nous, du sommet de Bali, c’est l’adoption de ce « paquet » minimum qui nous permettra de sortir de cela. Mais, c’est également la discussion sur les subventions agricoles qui est un problème qui date de longtemps et sur lesquelles il n’y a pas eu beaucoup d’avancées.  Il y a eu des engagements qui ont été pris depuis Hong Kong  afin que  les pays développés puissent progressivement baisser le niveau de leur subvention  et de leur soutien interne à leur production agricole. Malheureusement, il n’y a pas eu beaucoup d’avancées. Nous espérons, à Bali, que ces questions connaîtront une suite heureuse. Mais ce qu’il faut simplement dire  de manière générale, c’est que nous avions besoin de cet espace  multilatéral pour permettre aux pays de discuter.  Non seulement on dépasse le cadre de l’Uemoa, mais  on va au niveau Acp pour avoir une position de négociation afin de protéger nos industries fragiles. Pour le Sénégal, ce sera  le secteur de la volaille, nos productions agricoles et notre tissu industriel».

Propos recueillis par Ibrahima BA, Ndiol Maka SECK et Abdou DIAW (avec la rédaction) – Photos : Sarakh DIOP

 

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