BABACAR GAYE, PORTE-PAROLE DU PDS : « L’âpreté des combats n’enlève rien à la qualité de notre pratique démocratique »

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Le porte-parole du Parti démocratique sénégalais (Pds) dresse un bilan satisfaisant du processus démocratique sénégalais de 1960 à nos jours. Pour Babacar Gaye, 50 ans après l’indépendance, « la classe politique sénégalaise a atteint une maturité en dessus de la moyenne et rivalise avec la classe politique des nations qui ont un vécu démocratique plusieurs fois séculaire ». Le ministre d’Etat auprès du président de la République chargé des Affaires politiques invite les acteurs de ce processus à préserver les acquis.

Le Sénégal célèbre ses 50 ans d’accession à la souveraineté internationale. Quel regard portez-vous sur l’état de la démocratie du pays ?

Au Sénégal, l’histoire de la démocratie précède de loin son accession à la souveraineté internationale. D’éminentes personnalités comme le professeur Iba Der Thiam ont une voix plus autorisée que la mienne pour en parler. Je voudrais rappeler que nous participons aux consultations électorales depuis le 19ème siècle. Blaise Diagne été élu député en 1914. Donc nous avons une tradition démocratique que tout le monde nous envie. Seulement le processus de maturation suit son cours avec bonheur, quand bien même il reste encore beaucoup à faire. Non pas parce que les acteurs manquent de volonté d’aller de l’avant, mais plutôt parce qu’aussi bien nos usages, nos coutumes, nos traditions, le niveau d’instruction très bas de nos compatriotes ainsi que les outils de vulgarisation de ce bien précieux sont des facteurs contraignants. Je pense que malgré tout nous pouvons nous flatter de l’Etat de notre système démocratique.

Le pays a-t-il franchi des paliers importants ? Lesquels ?

Absolument. Le pays a franchi de grands paliers. La démocratie étant le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple souverain qui l’exerce en général par l’intermédiaire de représentants désignés lors d’élections au suffrage universel, l’on peut affirmer que le Sénégal peut se targuer de compter parmi les nations dont le niveau de pratique démocratique ont atteint des niveaux acceptables. Nous sommes dans une République où les libertés individuelles sont garanties par la Constitution, les lois et règlements, les élections à échéances régulières sont libres, transparentes et surveillées, la séparation des pouvoirs comme le suggérait Montesquieu, est une réalité, le pluralisme politique et syndical dépasse tous les records, la liberté de la presse et le pluralisme médiatique sont cités en exemples et enfin un pays où les juges, jaloux de leur compétence et de leur indépendance sont appréciés et courtisés par la communauté internationale.

Comment ce processus s’est déroulé sous Senghor, Diouf et Wade ? Quelle touche particulière ces trois présidents ont apportée ? Quels ont été leurs points faibles ?

Question difficile. Ces personnages de l’histoire politique du Sénégal indépendant ont joué des rôles différents mais complémentaires dans le processus de maturation de notre système politique. Bien avant l’indépendance, homme de culture, Senghor s’est intéressé à la marche de son pays. Il a créé le Bds avant de fusionner avec la Sfio de Lamine Guèye. Avec une main de fer, il a conduit les premiers pas de notre pays souverain, l’Ups étant le parti unique de fait après la fusion avec les uns, la dissolution d’autres formations politiques et l’exil forcé de certains leaders de Gauche. Cependant, à son actif, Senghor a instauré le multipartisme partisan limité à trois courants politique ; c’est cette ouverture démocratique qui a facilité l’existence du Parti démocratique sénégalais (Pds), premier parti d’opposition légale d’Afrique noire. Senghor a eu le mérite historique de quitter le pouvoir en décembre 1980, même si le passage du témoin ne s’est pas fait de manière démocratique.

Quant à Abdou Diouf qui a hérité du pouvoir en application de l’article 35 de la Constitution, la rigueur et le formalisme du fonctionnaire ont laissé une empreinte à son magistère. Dès son arrivée à la tête de l’Etat, pour accompagner les rigueurs des ajustements économiques et financiers, il a poursuivi les efforts de démocratisation en instaurant le multipartisme intégral. En mal penseurs, d’aucuns ont vite indexé une volonté de casser la bipolarisation du système incarné par Senghor et Wade. En dépit de cette ouverture démocratique, son régime a été marqué par des arrestations tous azimuts d’opposants et l’éclatement de la crise en Casamance. Le gant de velours que constituait l’acceptation de cette démocratie multi partisane, enveloppait la main de fer héritée de Senghor. En démocrate, il reconnut sa défaite et céda le pouvoir à l’élu du 19 mars sans tambour ni trompette. Avec Abdoulaye Wade, le président Abdou Diouf s’est toujours essayé à la cohabitation en 1991 et en 1995.

En 2000, arrive Me Abdoulaye Wade, qui depuis 1988 incarnait le changement aux yeux de l’opinion et du mouvement Sopi. Sa contribution à l’instauration et au renforcement de la démocratie a été déterminante. En effet, depuis le Feanf Me Wade a toujours combattu pour la liberté en général et l’émancipation de l’homme noir en particulier. En 1974, il a créé le Pds qu’il a su assurer une existence dans le jeu politique. De parti de « contribution », il a su en faire un parti d’opposition et enfin un parti victorieux. Ses vingt-six ans d’opposition ont servi aux Sénégal d’être cité en exemple en Afrique où les coups d’Etat constituaient la seule alternative d’alternance au sommet de l’Etat. Il a su convaincre les marxistes-léninistes et tous les partis de Gauche qui ne croyaient pas à des élections démocratiques de lutter pour l’amélioration du processus électoral, sa fiabilisation par le vote d’un code électoral consensuel. Avec lui, l’identification de l’électeur, le passage à l’isoloir et la présence des représentants des partis ou coalitions de partis politiques dans les bureaux de vote sont devenus des acquis irréversibles. Me Wade a vite compris que la démocratie s’accompagne d’une presse libre et indépendante du pouvoir. A cet effet, il a créé le premier quotidien indépendant : « Takussaan ». Après 2000, le président Wade a introduit dans la loi fondamentale, la reconnaissance du statut de l’opposition, le droit à la marche et l’égalité en Genre pour la promotion de la femme. C’est après 2000 que le pluralisme médiatique est une réalité. Le Sénégal compte une vingtaine de quotidiens, plusieurs radios privées et trois chaînes de télévision privée nationales et une ouverture totale de l’espace dédiée à la communication de masse. L’aide à la presse a été substantiellement augmentée. Sans conteste, il est celui qui a plus fait dans ce domaine pour avoir accompagné les autres dans leur volonté politique et pour avoir apporté sa touche personnelle quand il est devenu le chef de l’Etat.

50 ans après l’indépendance, la classe politique sénégalaise est-elle mature ? Pourquoi ?

Absolument. La classe politique sénégalaise est d’une maturité au-dessus de la moyenne africaine et rivalise avec la classe politique des nations qui ont un vécu démocratique plusieurs fois séculaire. C’est à saluer et à encourager.

L’âpreté des combats n’enlève rien à la qualité de notre pratique démocratique qui reste vivace et tributaire de nos traditions et usages politiques.

Quels sont les défis majeurs que les acteurs politiques doivent relever pour renforcer le processus démocratique ? Comment cela doit se faire ? Quel rôle l’opposition et le pouvoir doivent-ils jouer ?

L’urgence est au dialogue fécond. Des concertations en vue d’une amélioration du processus électoral s’imposent pour redonner confiance aux acteurs. Cela passe par la poursuite de la réforme du Code électoral, l’audit du fichier et l’apaisement du discours politique. Majorité et opposition doivent s’entendre sur ces minima dans le respect strict des institutions républicaines que nous nous sommes librement dotées. Chaque entité doit jouer son rôle, tel que prévu par les lois constitutionnelles et une bonne pratique démocratique : la majorité gouverne et l’opposition s’oppose en critiquant les actions du gouvernement avec des propositions de solutions alternatives. Les institutions et les hommes qui les incarnent doivent être en dehors des antagonismes, somme toute compréhensibles dans une démocratie. Les uns et les autres ont l’obligation de promouvoir une presse libre, compétente et indépendante, mamelle essentielle du système politique.

Propos recueillis par Babacar DIONE
lesoleil.sn

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