Bilan diplomatique de Macky Sall : entre coups d’éclat et échecs retentissants par Ibrahima Sadikh Ndour

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Le bilan de Macky Sall, au plan diplomatique, a deux (2) importantes réalisations à son crédit : l’obtention d’un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU (2016-2017) et, surtout, la gestion de la crise post-électorale en gambienne. Toutefois, ces deux succès ne pèsent pas lourds face aux nombreux échecs essuyés par notre diplomatie, faute de ne pas avoir une stratégie bien pensée.

Sommet de la francophonie de 2014 : le début des rancœurs

On a vite enterré le rôle trouble que Macky Sall a joué contre ses pairs africains lors du sommet de la francophonie tenu à Dakar en 2014. Il a été utilisé par la France et le Canada pour imposer la canadienne Michaëlle Jean à la tête de la Francophonie au détriment du candidat mauricien, Jean Claude de L’Estrac, qui était l’africain le mieux placé pour succéder Abdou Diouf à ce poste. Dans une tribune largement médiatisée au plan international intitulée « La trahison de Dakar », Jean Claude de L’Estrac a dénoncé « l’opération qui, au pays de Senghor, a vu l’Organisation internationale de la Francophonie être attribuée à l’Amérique du nord » en qualifiant l’attitude de notre pays de « paradoxe sénégalais ». Il a récusé l’élection de la canadienne en soulignant que « la Charte de l’Organisation n’a pas été respectée et que le nouveau secrétaire général a été désigné et imposé par une entente diplomatique entre la France et le Sénégal ». En effet, selon le Pacte de Hanoi, le poste de secrétaire général de la Francophonie doit être occupé par un représentant des pays du sud. Il ressortait des propos de Monsieur Jean Claude de L’Estrac, de façon nette, que le Sénégal avait joué contre les pays africains francophones. Cette attitude de la diplomatie de Macky Sall a fait le lit de beaucoup de rancœurs contre le Sénégal et, a certainement contribué à l’échec du Professeur Bathily dans sa tentative de se faire élire à la tête de l’Union africaine. Pour rappel, le Président congolais avait boycotté le diner officiel qui avait été offert par son homologue sénégalais, la veille de l’ouverture du sommet, en préférant rentrer chez lui nuitamment devant les manœuvres de Macky Sall visant à écarter son candidat.

Résolution 2334 du Conseil de sécurité condamnant Israël : mauvaises analyses stratégiques

Ce rôle de pion, le Sénégal l’a encore joué récemment, à son détriment, en portant la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant la colonisation israélienne. Certes, c’est un coup d’éclat de portée historique de la part du Sénégal, mais avec des conséquences immédiates : suspension des programmes de coopération et d’aide au profit du Sénégal, rappel de l’ambassadeur d’Israël pour consultation, puis rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Le Sénégal avait-il besoin de porter une résolution dont il n’est pas l’initiateur au risque de se mettre en première ligne inutilement ? Cette question garde toute sa pertinence au regard de l’histoire ayant entouré l’initiative de la résolution. En effet, à l’origine, c’était une résolution égyptienne. Le Président Abdel Fattah Al-Sissi a reculé au dernier moment pour éviter de se mettre à dos la nouvelle administration de Donald Trump qui s’apprêtait à prendre les commandes des États-Unis. À la suite du retrait égyptien, le Sénégal s’est joint à trois (3) autres membres non permanents du Conseil de sécurité (Nouvelle-Zélande, Malaisie, Venezuela) pour porter la résolution, à l’origine, initiée par l’Égypte. C’est vrai, au nom de la fierté et de la souveraineté nationales, le Sénégal n’a à recevoir aucune leçon, ni dictat de la part d’une autre pays. Cependant, force est de reconnaître que notre pays pourrait perdre au change en délaissant la position qui était la sienne : une position d’équilibre (soutien clair à la lutte du peuple palestinien et relations avec l’État d’Israël) qui lui permettait de se faire entendre par toutes les parties et de pouvoir jouer un rôle important dans la construction de la paix au Moyen-Orient. L’Égypte, un pays musulman comme nous, n’a pas hésité à privilégier ses intérêts en abandonnant la résolution qu’elle avait initiée. Pourquoi le Sénégal devait-il accepter de le faire à sa place ? La réponse est claire : manque de jugement et absence de solidité des analyses stratégiques au sommet de la diplomatie sénégalaise ! Par exemple, il est dommage, en tant que pays sahélien, que le Sénégal décide de se passer de l’une des plus grandes expertises dans les domaines de l’agriculture intensive et de la gestion maîtrisée de l’eau en vue de parvenir, rapidement, à l’autosuffisance alimentaire alors qu’au même moment l’Arabie Saoudite, pour ne citer que ce pays, profite allègrement, par des voies détournées, des innovations israéliennes, même au plan sécuritaire !

Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique : entre échecs et isolement

Concernant les différentes éditions du Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique organisées par le Sénégal, elles ont toutes connu des échecs en dépit des gros moyens financiers déployés et une communication outrancière. Cela n’a pas échappé l’œil averti de l’excellent journaliste-écrivain, chroniqueur au Monde Afrique, Seidik Abba, qui soulignait, à juste titre, relativement à la tenue du dernier Forum (5 – 6 décembre 2016) l’absence des principaux responsables continentaux lorsqu’il écrit : « il n’y avait dans la capitale sénégalaise pour assister au Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique ni le président tchadien Idriss Déby, président en exercice de l’UA, ni la présidente de la Commission de l’Union africaine, la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma. Même le commissaire à la paix et la sécurité de l’UA, l’Algérien Smail Chergui, n’a pas cru devoir se joindre aux discussions sur les immenses défis sécuritaires que le continent doit relever. (…) Aucun chef d’État des pays membres du – G5 Sahel – (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), région au cœur des problématiques abordées, n’a effectué le déplacement de la capitale sénégalaise. ». Ce qui démontre le manque de crédibilité de notre diplomatie, qui ne parvient pas à mobiliser aucun acteur de premier plan, et constituait un présage, voire un sérieux avertissement, pour celles et ceux savaient être lucides, de l’échec du Professeur Bathily dans la course à la tête de l’UA.

Déroute de Bathily : échec annoncé d’un candidat plus crédible que la diplomatie sénégalaise

Seidik Abba écrivait, le 31 janvier 2017, que « le candidat tchadien a tiré profit du fort rejet, non pas d’Abdoulaye Bathily, mais de l’action diplomatique de son pays, le Sénégal ». Ces propos sont d’une extrême justesse et fragilisent les explications circonstancielles se limitant exclusivement à justifier la victoire tchadienne par le seul engagement militaire de ce pays dans les opérations de lutte contre le terrorisme. C’est vrai, le Tchad a su tirer profit de son implication, en première ligne, dans la lutte contre le terrorisme et du lourd tribut qu’il a payé, mais cela n’explique pas tout concernant la débâcle ou la raclée diplomatique subie par le Sénégal.  Il s’agit bien d’une débâcle ou d’une raclée diplomatique, car le Sénégal n’a enregistré que 9 votes favorables au premier tour avant d’être éliminé au second tour avec 7 votes quand on sait que les 14 autres États membres de la CEDEAO étaient censés faire bloc derrière notre pays et que les émissaires de Macky Sall (ou lui-même) ont battu campagne dans 44 pays du continent. Quelle débauche de moyens pour un résultat catastrophique connu d’avance ! En effet, le Professeur Bathily jouit d’une très grande crédibilité ainsi que d’un respect immense auprès des Chefs d’État africains, des universitaires et des mouvements de lutte contre toute forme de domination sur le continent. Cependant, il était facile de percevoir, dès le début de sa campagne, que le Chef de l’État sénégalais ainsi que les responsables chargés de mettre en œuvre sa vision diplomatique n’ont pas la cote auprès de leurs homologues africains, à l’exception d’une infime minorité. En effet, au même moment où le Sénégal faisait la promotion de la candidature de Bathily, il était engagé, sans retenue, dans la bataille diplomatique visant le retour du Maroc dans les instances de l’Union africaine qu’il avait quitté délibérément en 1984. Cela heurtait et ne rassurait pas les pays africains classés dans le bloc des « progressistes » dont la particularité historique est d’avoir mené des luttes de libération comme le Front Polisario (Afrique du Sud, Algérie, Angola, Zimbabwe, etc.). Il s’y a joute que cette élection offrait l’opportunité aux responsables des autres pays africains de se venger de l’alignement systématique de notre diplomatie sur les positions françaises, voire de son rôle de valet français sur le continent africain (voir ci-dessus le rôle du Sénégal dans l’échec d’une candidature africaine à la tête de la Francophonie). Enfin, le Sénégal payait l’absence d’une politique de bon voisinage réfléchie, mûrie et entretenue. C’est un euphémisme de dire que Macky Sall n’entretient pas de bonnes relations avec ses homologues mauritanien, malien, guinéen, nigérien, pour ne citer que ceux-là. Les divergences sur la stratégie de résolution de la crise gambienne sont là pour nous rappeler ces mauvaises relations : le tandem Mauritanie – Guinée a pu freiner les ardeurs militaires du Sénégal et réussir à exfiltrer Yaya Jammeh.

Absence de fermeté et accords militaires : atteinte à la fierté nationale et néocolonialisme

Un autre échec de la diplomatie sénégalaise est celui enregistré dans la gestion des relations avec la Turquie, surtout au lendemain de la tentative de coup d’État que ce pays a connu. En effet, le Sénégal s’est couché, à plat le vendre, devant les exigences du Président Erdogan en décidant de placer sous tutelle de la Fondation de l’Éducation turque les six écoles du groupe scolaire Yavuz Sélim.

À ces échecs, on peut y ajouter le bradage de la souveraineté nationale notamment avec la signature d’accords militaires néocoloniaux comme celui signé le 02 mai 2016 avec les États-Unis permettant à ces derniers d’avoir un accès permanent à certaines zones stratégiques en faisant de notre pays une base logistique des opérations américaines en Afrique. Autre atteinte à la dignité nationale, la signature précipitée (12 mai 2012, entre les tours de la présidentielle française) d’un traité militaire garantissant à la France des facilités aux forces françaises qui stationnent dans la région de Dakar ou qui sont en transit sur le territoire sénégalais alors qu’Abdoulaye Wade avait mis fin à tout cela compte tenu du symbole néocolonial que représentait la présence des troupes françaises sur notre sol.

Les ambassades et consulats du Sénégal : des nids pour retraités et politisation des nominations

La gestion des nominations dans les représentations diplomatiques est marquée par la partisannerie et le favoritisme qu’on pensait révolus avec l’élection de Macky Sall sur la foi de ses promesses de rupture. Bien au contraire, Macky Sall fait pire en recyclant ou en maintenant des retraités à la tête des ambassades. C’est le cas, par exemple, de l’ambassadeur du Sénégal au Canada, Ousmane Paye, 69 ans (né le 14 mars 1948), de Babacar Diagne, 66 ans (né le 16 avril 1951), ambassadeur du Sénégal aux États-Unis ou de l’ancien commissaire de police divisionnaire Assane NDoye, 66 ans (né le 5 juin 1951) ambassadeur du Sénégal au Mali. Des personnes, sans lien avec la profession diplomatique, se voient propulsées ambassadeurs du simple fait de leur proximité avec le Chef de l’État ou de leur parenté avec une personnalité de premier plan. C’est le cas de Khadidiatou Tall, sœur de l’actuelle présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) nommée ambassadrice du Sénégal en Tunisie.

Cette dérive s’est amplifiée avec de nombreuses personnes, aux qualifications douteuses et sans expériences professionnelles probantes ou connues, qui sont bombardées à la tête des sections économiques de nos représentations diplomatiques, d’autres dans les consulats, devenus des nids de militants APR. Ces personnes se distinguent des professionnels et des personnels du Ministère des Affaires étrangères par leur politisation extrême, aux frais des contribuables sénégalais, comme en témoignent leurs nombreuses contributions dans la presse pour défendre Macky Sall et ses politiques ou, tout simplement, se signaler à lui.

Ibrahima Sadikh NDour

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5 Commentaires

  1. J’aimerai bien qu’on m’explique cette histoire de siège non permanent au conseil de sécurité des nations. N’est ce pas une position occupée à tour de rôle par nos états? Il me revient que même la Gambie de Yaya Jammeh a eu à occuper ce poste… quand c’était son tour.

    Merci

  2. Tu as oublie la Palestine qui depuis 1947 le sang coule et notre divorce avec l Etat d Israel des evenements qu attendaient le monde musulman . Prions pour que tout se passe bien… bon entendement…

  3. Pour le cas de bathily ce n est pas un echeque mais une betise. Comment des membres de memes organisations partageant la francophonie , une SOUS region, une meme FRONTIERE et la CDEAO peuvent occuper la Presidence et le secretariat General de l OUA, vs croyez que le reste des africains dorment…pauvre analyse. Arreter la politique politicienne pour de bonnes informations a notre peuple victime de l infidelite…

  4. On s’en fout des aides financieres si c’est la dignite humaine qui est en jeu en general et particulirerment celle des frères et soeurs en ISLAM/ c’EST TOI QUI A ECHOUE LAMENTABLEMENT en priviligeant le materriel a la dignite des membres de la Ouma du prophet Mohamed PSL/

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