Birahim Seck sur le Doing Business : «C’est un classement pour faire du gré à gré»

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Tandis que les parlementaires se querellent au point de s’envoyer des gifles autour des articles 20, 22, 35 et 36 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, des citoyens (journalistes, chroniqueurs, universitaires, membres de la société civile, internautes anonymes ou pas, etc.) se mêlent eux aussi au débat, via différents supports, pour tenter d’éclairer leurs compatriotes sur la signification réelle du classement du Sénégal par le Fmi. Quant au gouvernement, il a rajouté au bruit médiatique en tentant de répondre à une situation qui pourrait se résumer ainsi : «Votre pantalon est troué, ne vous baissez pas» (classement Fmi), il oppose : «…mais j’ai une belle chemise» (classement Doing Business).

En apportant cette réplique, le gouvernement de la République n’ignore pas que le classement du Fmi constitue une alerte à la problématique des Inégalités relativement à l’accès aux services sociaux de base et à l’iniquité dans le partage des richesses. Alors que le Doing Business mesure la capacité à réformer l’environnement des affaires. Nous sommes tentés d’ailleurs de nous demander à qui profitent «ces réformes».

Business à gros «sous» sur le dos du Peuple
En regardant de près, bien des entreprises qui font des «affaires» au Sénégal sont arrivées dans le tissu économique par effraction : Neco­trans et Dp world (Port de Dakar), Groupe Addoha (Construction de lo­gements), Eiffage (autoroute Dakar Diamniadio et Aibd-Thiès), China road and bridge corporation (Auto­route Ila Touba), Africa energy holding limited qui a créé Africa energy S.a (centrales de gaz et de charbon), la Société turque Summa (Ciad), le Group chinois Cgcoc Ltd (Cons­truc­tion du Parc industriel de Diam­niadio), Bamba Ndiaye S.a et ses Italiens (Building administratif). A cela, il faut ajouter l’étude de faisabilité et de mise en œuvre du projet Train express régional, les tracteurs brésiliens et indiens,… Toutes ces entreprises ont un commun dénominateur : gré à gré illégaux ou faux appels d’offres. D’autres grandes entreprises (sans exclure celles citées), en termes de rentabilité, implantées au Sénégal, bénéficient d’exonérations d’impôts au détriment du Trésor public, des collectivités locales qui les accueillent et des populations.

Business sur une jeunesse entre deux «feux»
Le gouvernement, lui, semble oublier que sur les 13 millions 508 mille 715 de Sénégalais (Rapport de l’Ansd sur le Recensement général de la population et de l’habitat, de l’agriculture et de l’élevage, 2013, page 61), la moitié est âgée de moins de 18 ans c’est-à-dire, 17 ans chez les hommes et 19 ans chez les femmes (Page 63 du rapport cité). Que et quoi faire de cette jeunesse dans un nœud de problèmes qui ont pour nom : pauvreté, déscolarisation, inégalité soutenue, chômage aigu, prédation des ressources publiques (corruption, détournement de deniers publics, enrichissement illicite, trafic d’influence etc.), immigration clandestine ? Cette jeunesse sénégalaise en particulier et sahélienne en général est bridée par un système de gouvernance corrompu, légitime ou dictatorial et une économie illicite qui génère 3,8 milliards de dollars par an dans l’immense Sahel (de la Mauritanie au bassin du Tchad, du Sud de la Libye au Nord du Nigeria).

Business sur un «avenant» illégal de 100%
C’est dans ce contexte que le gouvernement du Sénégal annonce par un communiqué publié par son porte-parole, le ministre délégué auprès du Premier ministre, Mon­sieur Seydou Guèye, qu’un port multifonctions sera conçu, réalisé et exploité par Dp world conformément au contrat de concession qui le lie à la Société nationale du Port autonome de Dakar. C’est sur la chaîne de télévision Sen Tv que monsieur le ministre a annoncé que l’opération se fera par avenant.
Dans ce cas de figure, il est impossible de parler d’avenant, parce qu’il n’existe pas de contrat initial relevant du même objet. La concession qui lie le Port autonome de Dakar et Dp world (Dpw) est dénommée «Concession des terminaux à conteneurs de la Zone nord du Port de Dakar» dont l’avis d’appel à manifestation d’intérêt a été publié le 26 octobre 2006 (avec ses irrégularités soit dit pour rappel), et que le contrat de concession a été signé le 8 octobre 2007 suite à la résolution n°20 du Conseil d’administration du 7 septembre 2007.  La concession du port de Bargny a pour objet «la conception, la réalisation et l’exploitation d’un port multifonctionnel». Le contrat est entièrement nouveau. Ce sont donc deux contrats aux objets différents. Il s’agit ici d’une pure invention d’une procédure d’attribution d’un nouveau contrat de concession par avenant. Du jamais vu !
Plus clairement, cela signifie simplement que le gouvernement veut faire un «avenant» de 100%. Ensuite, il sait parfaitement qu’il est illégal de conclure un avenant après la réception même provisoire des travaux, fournitures ou services, objets d’un contrat.
Monsieur le ministre Seydou Guèye voudrait-il également nous dire que les travaux de «revêtement de l’extension du Port de Dakar» n’ont pas fait l’objet de réception ? Ignore-t-il que la non-réception des travaux signifie que le terminal que Dpw est en train d’exploiter n’est pas un bien de l’Etat ? Si c’est le cas, ce serait une autre catastrophe. La constante (et c’est le cas de le dire) c’est que le mercredi 30 novembre 2011, l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, a procédé à l’inauguration du terminal.
Au lieu de songer à confier illégalement la construction du Port de Bargny à Dpw, le gouvernement doit renseigner les Sénégalais sur les 24 milliards 500 constituant la seconde tranche du ticket d’entrée relatif à la concession de 2007 et de son utilisation. Faut-il rajouter qu’avec cet «avenant», le citoyen sera privé de plusieurs milliards en termes de ticket d’entrée pour la conception, la construction et l’exploitation du Port de Bargny ? Car un ticket d’entrée ne peut être réclamé qu’à un concessionnaire entrant. En l’espèce, Dpw ne peut pas être considéré comme un concessionnaire entrant. Consé­quen­ce, le Trésor public va perdre au moins 60 milliards de francs Cfa. Yes They Do Business !
Birahime SECK – Membre du Conseil d’Administration du Forum Civil

1 COMMENTAIRE

  1. J’admire la lucidite de notre compatriote Birahim Seck qui ne se laisse pas facilement emballe par les neologisms de ces forces imperialistes qui, pour apprauvrir davantage leurs anciennes colonies (cette exploitation de l’ Afrique est quand meme vieille de plus de 600 ans) avec la complicite de nos propres dirigeants, ont cette manie de nous vendre tjrs de nouveaux concepts (chimeres) tels que Plan Senegal Emergence, Doing Business et j’en oublie encore….Ces, oh trop compliques, concepts n’ont jamais rien regle dans le continent Africain et sont completement detaches de nos realites socioculturelles. Ce ne sont que des raffistolages mineurs pr nous maintenir dans la servitude. Je suis vraiment sidere par la naivete (ou lachete) des « leaders » Africains. Merci, Mr Seck, d’avoir tirer sur la sonnette d’alarme! Ce cinema n’a que trop dure

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