Ce que Yahya Jammeh nous aura appris – Par Madiambal Diagne

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Les autocrates se révèlent toujours comme des lâches au moment de quitter la scène. Yahya Jammeh vient de confirmer cette assertion. Il a fini par ravaler toutes ses bravades et accepter au bout du compte tout ce qui lui avait été proposé, d’abord par le Président démocratiquement élu par le Peuple gambien, Adama Barrow, ensuite par les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Tour à tour, la Présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, présidente en exercice de la Cedeao, puis le médiateur désigné par l’organisation sous-régionale, en l’occurrence le Président Buhari du Nigeria, ou le Président John Mahama du Ghana (qui a cherché en vain à lui faire accepter le sort qu’ils partagent ensemble, celui d’avoir été battu à la régulière à une élection présidentielle), tous s’y étaient essayés. Le roi du Maroc Mohammed VI a, lui aussi, cherché à jouer sa partition, offrant l’hospitalité à Yahya Jammeh. Muhamad Ibn Chambas, le représentant en Afrique de l’Ouest du secrétaire général de l’Onu, ainsi que le président de la Commission de la Cedeao, Marcel Alain de Sousa, se sont tous heurtés à un refus catégorique de Yahya Jammeh qui continuait à narguer son monde, feignant d’ignorer les appels insistants de la communauté internationale. Pendant tout ce temps, nul n’avait entendu le Président Alpha Condé de la Guinée tenter une quelconque médiation. Nul n’avait entendu le Président Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie tenter une médiation ou faire une déclaration. Ils se sont murés dans un silence qui, désormais, est devenu très parlant. Il apparaît à la lumière du dénouement de cette affaire que ces deux chefs d’Etat étaient sans doute ceux qui confortaient dans l’ombre Yahya Jammeh dans sa position de refuser de rendre le pouvoir. On peut même dire qu’ils tiraient les ficelles. Ils sont sortis du bois et sont allés in extremis sauver leur «ami», quand ils ont compris qu’il n’y avait plus aucune issue et que les forces internationales allaient intervenir pour bouter Yahya Jammeh, mort ou vif, du «State House» de Banjul. La décision de la Cedeao de suspendre les opérations militaires engagées constitue la meilleure preuve que si jamais il aurait dû y avoir une guerre, cela aurait été par la seule faute de Yahya Jammeh.

Les masques sont tombés
Il convient donc de lire l’intervention des chefs d’Etat de la Mauritanie et de la Guinée simplement comme une opération de sauvetage, on peut même dire d’exfiltration de Yahya Jammeh, plutôt qu’une médiation. Ils n’ont reçu mandat de personne pour une médiation et la Cedeao a refusé toute négociation, restant sur sa position première conforme à celles de l’Union africaine et du Conseil sécurité de l’Onu, à savoir qu’il n’y avait rien à négocier et que Yahya Jammeh devait quitter le pouvoir illico presto pour éviter une intervention armée qui lui aurait été fatale. Mohamed Ould Abdel Aziz et Alpha Condé n’ont point fait montre d’une préoccupation pour le Peuple gambien qui s’est exprimé de façon claire et nette. Ils ont été préoccupés par le sort personnel de leur protégé et ont donc accouru pour lui sauver la tête. D’ailleurs, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a révélé ses états d’âme dans ses déclarations à la presse, tendant à culpabiliser la communauté internationale et au premier chef, le Sénégal. Pour lui, Yahya Jammeh apparaît comme une victime. Il voudrait ignorer ainsi que le despote ait été vaincu à la loyale à une élection libre et démocratique. Il voudrait aussi ignorer que le tyran de Banjul ait régné pendant vingt deux bonnes années en martyrisant, torturant et tuant son Peuple. Personne au monde ne peut prétendre ignorer les exactions de Yahya Jammeh (Voir nos chroniques du 5 janvier 2015 et du 18 avril 2016). Seulement, en agissant de la sorte, Mohamed Ould Abdel Aziz et Alpha Condé montrent que Yahya Jammeh était leur pion pour gêner, voire même déstabiliser le Sénégal. C’était un secret de polichinelle que des éléments de la garde prétorienne de Yahya Jammeh s’entraînaient en Mauritanie. Nous l’avons écrit plus d’une fois, Yahya Jammeh a toujours été instrumentalisé contre la sécurité intérieure et les intérêts du Sénégal. La rocambolesque affaire des armes iraniennes livrées à Yahya Jammeh et qui avaient été utilisées par le Mfdc contre l’Armée sénégalaise constituait un casus belli suffisant et on ne peu plus légitime pour régler son compte à Yahya Jammeh. Malheureusement, le gouvernement du Président Abdoulaye Wade s’était montré faible. On se rappelle que cette affaire avait été révélée le 12 novembre 2010 par le Nigeria devant le  Conseil de sécurité de l’Onu. Yahya Jammeh continuait à toiser et menacer le Sénégal en signant, en avril 2016, un accord de défense avec la Russie. Contre quel pays au monde autre que le Sénégal Yahya Jammeh pouvait-il ainsi préparer la guerre ? Recep Tayyip Erdogan a été le seul dirigeant au monde à avoir encouragé Yahya Jammeh en janvier 2014, quand ce dernier déclarait la Gambie comme un Etat islamique. Des officiers turcs entraînent les unités spéciales de l’Armée gambienne et cela, le Sénégal le sait bien. C’est une leçon à tirer. Il est donc légitime que le Sénégal règle cette question fondamentale. En effet, c’est un minimum de précaution de chercher à expurger un produit nocif ingurgité. Le Sénégal avait tardé à s’enlever la gangrène bien qu’il avait de bonnes raisons pour le faire et le Peuple gambien, qui a pris son destin en main pour voter massivement contre Yahya Jammeh, n’attendait pas moins du Sénégal que d’être à ses côtés. Le Sénégal aurait été lâche et aurait manqué à son devoir, mais aussi à l’exigence d’assurer et de garantir sa propre sécurité intérieure, s’il s’était abstenu de prendre la position qu’il a prise dans cette affaire du départ de Yahya Jammeh. Le dénouement de cette affaire consacre un véritable succès diplomatique pour le Sénégal. Le Sénégal n’a pas voulu la guerre et a tout fait pour l’éviter. Pour autant, il avait le devoir de se préparer à un affrontement armé inévitable, si jamais Yahya Jammeh persistait dans sa posture. Nous disions d’ailleurs dans une chronique en date du 9 janvier 2017 que «tout le monde veut la paix, mais prépare la guerre». L’Armée sénégalaise a encore une fois de plus démontré ses capacités opérationnelles et sa discipline.
Le chef de l’Etat mauritanien a fait dans de vulgaires manigances, cherchant à faire reporter la prestation de serment de Adama Barrow, ce qui ne donnerait au nouveau Président élu aucune légitimité et ce qui permettrait encore à Yaya Jammeh de pouvoir continuer à se proclamer chef de l’Etat gambien. Mohamed Ould Abdel Aziz a aussi cherché à braquer le nouveau Président Adama Barrow contre le Sénégal. A l’occasion de leur entretien à Dakar dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 janvier 2017, Mohamed Ould Abdel Aziz a cherché à le mettre en garde contre le fait que les intérêts du Peuple gambien ne se trouveraient pas dans une alliance avec le Sénégal. Alpha Condé, lui, n’a même pas eu la délicatesse de rencontrer Adama Barrow, mais a pris Yahya Jammeh dans «son» avion pour l’amener à Conakry. Cette attitude a le mérite de ne laisser aucune ambiguïté sur les préférences de Alpha Condé.

Le Sénégal devra rester vigilant
Yahya Jammeh est parti, mais il compte encore des sbires dans les Forces de sécurité en Gambie et tout le monde peut se persuader que l’homme n’a pas démordu de son idée de garder le pouvoir. Il est clair qu’il pourra compter sur des soutiens étrangers s’il cherche à revenir au pouvoir. Pour garantir la stabilité de son pouvoir et même pour sa sécurité personnelle que le clan Jammeh continuera de menacer, Adama Barrow devra faire avec le Sénégal.
Il apparaît donc que l’attitude de la Mauritanie et de la Guinée traduit clairement des positions hostiles et dirigées contre le Sénégal. C’est une leçon à tirer. Nous ne devons pas nous y tromper. Plus d’une fois, nous l’avons écrit à travers ces colonnes, comme par exemple le 14 novembre 2014, dans une chronique intitulée, «La fumisterie de IBK et les insultes de Alpha Condé contre le Sénégal», nous attirions l’attention sur l’hostilité manifeste de certains voisins du Sénégal.
Notre pays a alors un devoir de vigilance accrue avec des voisins qui ne lui veulent pas que du bien. Aussi, il devra surveiller la situation en Casamance où des éléments du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) se sont signalés aux côtés de Yahya Jammeh, qui les avait enrôlés dans la perspective d’un affrontement. Quid de ces éléments mercenaires et des armes dont ils ont déjà été dotés ? On est averti, le Sénégal devrait s’attendre à une recrudescence de troubles ou d’affrontements armés en Casamance. Sur un autre registre de la coopération entre le Sénégal et la Gambie, le Président Macky Sall est tenu de faire plus que ses prédécesseurs. Le contexte est favorable à un rapprochement entre les deux pays. Il devra travailler à conforter le régime de Adama Barrow dans la nécessité de travailler avec le Sénégal la main dans la main. Ainsi, le premier appel de détresse du Président Adama Barrow doit être entendu. Le nouveau chef de l’Etat gambien a révélé ce que tout le monde savait déjà, que les caisses de l’Etat gambien sont vides. Le Sénégal devra assister la Gambie à accéder à des aides et divers appuis pour remettre le pays en marche. Le premier geste du Sénégal devra être un appui budgétaire conséquent. Le Sénégal, en dépit de ses propres difficultés, devrait pouvoir le faire et il donnerait un bel exemple à la communauté internationale. Il convient de souligner que le Sénégal a déjà fait des gestes similaires au profit d’un pays comme la Guinée Bissau. Aussi, le régime du Président Abdou Diouf avait eu à le faire en faveur du Président Dawda Kairaba Jawara en Gambie, après sa réinstallation au pouvoir suite à un putsch de Kukoï Samba Sanyang en 1982.
Il reste à s’interroger sur l’attitude d’une certaine classe politique sénégalaise. Dans une situation pareille, au lieu de faire corps avec les autorités de leur pays pour défendre les intérêts supérieurs de la Nation sénégalaise, certains hommes politiques ont tenté de fragiliser la position du gouvernement du Sénégal. Une telle attitude est antipatriotique, car personne n’ignore que Yahya Jammeh s’est toujours évertué à saper nos intérêts et à déstabiliser le Sénégal, en armant et protégeant des rebelles qui s’attaquaient régulièrement aux populations et à l’Armée sénégalaises. Aucun homme politique sénégalais ne peut déclarer ignorer cela, mais pour certains, l’adversité nourrie à l’encontre du Président Macky Sall les rendrait butés au point de manquer à leur devoir patriotique. C’est aussi un autre enseignement de la crise gambienne.

Par Madiambal Diagne

7 Commentaires

  1. Chapeau bas ! Il faut quand même avouer que c’est là une spécialité bien maîtrisée des hommes de Macky: faire croire le contraire de ce qu’ils savent. Rappelez-vous, lorsque Macky Sall avait échoué à maintenir Diéndéré au pouvoir au Burkina. C’était Madiambal qui avait été mandaté pour nous concocter un « Que c’est beau de gagner quand tout le monde vos donnait perdant ».
    Nous, nous avons retenu, dans ce cas-ci de la Gambie, que par un communiqué
    officiel, la CEDEAO, l’UA et l’ONU ont remercié la CEDEAO, Buhari, Sirleaf; John Dramani, Ernest Bai, Alpha Condé et Abdoul Aziz. Cela fait quand une liste de présidents africains. Et dans cette liste, le nom de Macky Sall n’y a été aucunement cité. De là à ce que la presse des 100 veuille nous vendre une détermination de Macky Sall, ou un leadership de Macky, ou toute autre peinture il faudrait se lever plus tôt.

  2. Xeme ce soit disant communiqué commun de la CEDEAO, de l’UA et de l’ONU a été fabriqué de toutes pièces entre Nouakchott et Conakry. Il n’est endossé par aucune des organisation cités dans ton post.
    La première vertu d’un intellectuel de haut niveau-je te le concède- c’est de toujours penser qu’il y a des gens autres que vous-même pour vous lire et au besoin apporter la contradiction. A ce jeu de l’antimackysme obsessionnel vous risquez d’obtenir exactement le contraire de ce que vous recherchez.
    Votre mentor Abdoulaye Wade lui-même a compris qu’à trop vilipender le PR Macky c’est lui qui perdait en crédibilité au sein de l’opinion. Balle à terre moins frère CAN oblige

    • Donc « fabriqué de toutes pièces entre Nouakchott et Conakry » et reconnu par l’ONU. J’ai mis le lien qui permet de le vérifier dans mon texte. C’est dire que vous avouez que la diplomatie de Nouakchott et de Conakry ont damé le pion à celle de Macky Sall. Je vous dit: continuez d’être aveuglés par votre esprit extrêmement partisan; vous vous dirigez droit dans le mur ».

  3. Mon cher Ami Xème est d’une opiniatreté partisane articulée sur une structure de pensée névrotique .

    Cela ne sert à rien de nous rabacher des faits déjà passés . Si des faits écoulés avaient une valeur ajoutée ou une plus- value sur nos actions présentes de patriotes, nos profs d’histoire, nos traditionalistes, les hableurs du Fouta et de la Casamance et les verbeux du Saloum seraient déjà des prix  » Nobel de logorrhée infertile « .

    Dans cette analyse de Diagne, il y a tout de même de la pertinence et des recommandations qui sont dans l’intérêt de la Nation, abstraction faite de tel ou tel dirigeant actuel de la République .
    L’argumentaire ici est plus étayé que le laZer de l’autre de Dakaractu et incite à de la vigilance de vigilance voire de l’action prospective .

    La République transcende Abdoulaye Senghor ou Macky Diouf. Même le père batisseur des institutions de notre Etat, celui-là dont la mère était Serere a été relegué devant la puissance pérenne du Sénégal : j’ai nommé lillustre Mamadou DIA.

    Vous devez absolument laisser tomber les faits que vous coligez à postériori car c’est puérile .
    Donc M. XXXXeme, je vous prescris des exercices d’ analyse prospective , des propositions , des recommandations pro actives qui dépassent les positions partisanes. Vius devez faire montre de flexibilté mentale si vous n’avez pas les grilles d’analyse sclérosées.
    Merci de suivre la thérapie car  » Xar dey weessu mbotté »

  4. Abd Ould Aziz et Alpha yaya Condé ont bannané leur pote, en lui montrant un faux document.
    Ils ont berné Jammeh en le mettant dans l’avion privé pour qu’il se décide vite à partir .
    Ils savaient que ce fou de Jammeh est imprévisible
    Le Pa Guinéen et le Boy naar ont pris chacun leur pourcentage que le macaque Jammeh a rétiré des caisses de la Gambie.
    Quelques minutes d’escale à Conakry où on lui a interdit de descendre pour saw, malgré le fait que sa femme Zeynab Soumah soit guinénne.
    Ammoul yaagal , atchaa malabo tcha allou xatch
    Vive la Djamm la Paix

  5. Kouthia
    Ce document est a été posté dans le site d’information des nations unies par Guterres. C’est pas du tout un faux document. Je vous recommande de faire des recherches.

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