Dans la famille Wade, Karim, le fils sulfureux: des révélations renversantes de médiapart (France)

Date:

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PAR MEHDI MEDDEB
De notre envoyé spécial au Sénégal
« Si on ne reste pas au pouvoir, nos adversaires
nous jetteront en prison. » C’est, en substance, le
message lancé par le porte-parole de la campagne
d’Abdoulaye Wade. Au Sénégal, des affaires, il y en a
à la pelle. La presse s’en fait largement écho, la justice
plus rarement. Il y a d’abord les mallettes, tradition
séculaire au pays de la Teranga, la fameuse hospitalité
sénégalaise, qui pour Wade père est sonnante et
trébuchante. Le représentant du FMI, Alex Segura,
avait ainsi renvoyé les 100 000 euros et 50 000 dollars
reçus en guise de cadeau de départ. Une manoeuvre
pour le discréditer car l’homme dérangeait pour ses
prises de position, notamment sur la corruption.
Nombre de journalistes de passage à Dakar se sont
également vu offrir un « petit quelque chose ». Dans
son livre Les Sorciers blancs, enquête sur les
faux amis de l’Afrique, Vincent Hugeux raconte
comme Thierry Oberlé, journaliste au Figaro, s’est
vu proposer « des per diems […] sur la table basse,
une enveloppe garnie, au jugé de 10 000 euros ».
Abdoulaye Wade, 86 ans bien toqués, les justifiera
par un : « chez nous, il y a des coutumes ». Et les
« coutumes » ont la peau dure car, pas plus tard que
durant cette campagne électorale, le parti du chef de
l’Etat, le PDS, a donné des per diem à de nombreux
journalistes sénégalais.
Mais sous la présidence Wade, « la corruption
s’est institutionnalisée », d’après plusieurs sources
diplomatiques en poste à Dakar. Les scandales ont
toujours en toile de fond un personnage décrié,
l’homme certainement le plus détesté du pays : Karim
Wade, le fils de « Gorgui », le Vieux en wolof. Karim
Wade, « toujours soupçonné, mais jamais directement
impliqué », comme le confie un ancien journaliste
d’investigation économique, Johnson Mbengue. Qui
poursuit : « aucune preuve tangible ne l’a mouillé, et
c’est toute la force de Karim Wade de brouiller les
pistes ».
Le fils du président sent le soufre. Bombardé conseiller
personnel du président sénégalais en 2002, Karim
Wade s’occupe dans un premier temps de chapeauter
et d’organiser les privatisations. Mais son arrivée
coïncide également avec l’accumulation des affaires
et des montages financiers encore jamais vus dans
le pays. Jusqu’à présent, aucune preuve tangible
ne permet d’avancer que le « Monsieur 15 % »,
comme le relatait un câble diplomatique américain
révélé par WikiLeaks, reçoit effectivement 15 % de
commissions. Si les soupçons se portent très souvent
sur Karim, c’est en raison des affaires qui touchent en
premier lieu son entourage le plus proche.
Mediapart révèle ainsi qu’un dénommé C.,
« partenaire de Karim » d’après plusieurs sources,
a reçu un virement de 2 millions de dollars le 1er
août 2007 de la part de Mohsen Al Kharafi. La plus
grosse fortune koweïtienne est à l’époque associée aux
chantiers du sommet de l’OCI (nous y revenons en
page 3), dont le conseil de surveillance est présidé par
un certain… Karim Wade. Y a-t-il eu ensuite rétrocommission
? Le doute plane.
Une ascension fulgurante
Il n’y a en revanche aucun doute sur le parcours à
vitesse grand V de Karim Wade. Inconnu en 2000 des
Sénégalais lors de l’arrivée au pouvoir de son père,
il est propulsé deux ans plus tard conseiller personnel
du chef de l’Etat chargé de chapeauter et d’organiser
les privatisations. Après un mémoire de DESS coécrit
avec sa soeur, sa cadette de quatre ans, Karim Wade
part faire ses classes à Londres pour la banque UBS. Le
forum de Davos le présente comme directeur associé,
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr 2
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et ce pendant dix ans. Problème : Karim Wade est
diplômé en 1995 pour se retrouver sept ans plus tard
dans un bureau du palais présidentiel à Dakar.
De retour au pays, Karim Wade se voit confier les
dossiers sensibles, notamment ceux des privatisations.
La première grosse affaire retentissante éclate
quelques mois plus tard : les ICS, les Industries
chimiques du Sénégal, fleuron industriel du pays à
l’arrivée d’Abdoulaye Wade, se retrouvent au bord
de la faillite au bout de quelques années à peine.
Comme le soulignait à l’époque le journal Jeune
Afrique, l’entreprise passe « d’un bénéfice net en 1999
de 18 milliards de francs CFA (27,6 millions d’euros)
à un déficit de 54 milliards de francs CFA (83 millions
d’euros) » cinq ans plus tard.
Entre-temps, un homme d’affaires français proche
de Karim Wade, Jérôme Godart, entre en jeu pour
mettre la main sur l’une des filiales du groupe, à
l’époque à majorité publique. « Mais une brouille de
gros sous entre les deux hommes a mis à genoux les
ICS », raconte Johnson Mbengue. Un autre journaliste
économique, Mohamed Gueye, ajoute : « La crise a
duré car Godart a été trop gourmand, mais il avait
réussi à faire bloquer les comptes de l’entreprise après
avoir porté plainte devant le tribunal de commerce de
Paris. » Un accord à l’amiable est finalement trouvé
sans qu’on en connaisse la teneur.
L’entreprise est toujours au bord du gouffre mais
Karim Wade revient tel « le sauveur », d’après
des syndicalistes du groupe. Résultat : les ICS sont
bradées au géant indien IFFCO, déjà minoritaire
dans l’entreprise, et désormais actionnaire à 66 % de
l’ancienne gloire nationale. Pour Johnson Mbengue,
« les ICS ne se sont jamais remises de cette gestion
calamiteuse ».
L’ANOCI, « le scandale du siècle »
Au chapitre de la mauvaise gestion, Karim Wade
va faire encore plus fort. Le conseiller spécial du
président se voit confier le pilotage de tout le 11e
sommet de l’organisation de la conférence islamique
(OCI) qui s’est tenu en 2008 à Dakar après plusieurs
reports.
« Au départ ça ne devait pas coûter un seul centime
à l’Etat sénégalais, explique Bara Tall, PDG de l’un
des plus importants groupes de BTP dans le pays et
en Afrique de l’Ouest. Ce devait être financé par
les pays du Golfe. » Pour le sommet de l’OCI, neuf
vastes chantiers doivent être lancés, et les deux tiers
ne seront réalisés… qu’un an après le sommet. Belle
performance.
L’autorité de régulation des marchés publics a rendu
un rapport accablant faisant état de violations dans
la procédure de l’appel d’offres. Ententes, gré à
gré, retards, etc. Sans parler des surfacturations.
« Quand l’homme de Karim Wade, Abdoulaye Baldé,
alors secrétaire général de la présidence et directeur
exécutif de l’ANOCI, nous présente le projet en 2004,
il nous explique qu’on doit se partager le gâteau,
affirme Bara Tall, également ancien conseiller du
président Wade tombé depuis en disgrâce. Je fais une
offre à 14 milliards de francs CFA (21,5 millions
d’euros), mais Baldé me dit de doubler ou presque. Je
refuse en prétextant que c’est trop, et que c’est un délit.
Je refais une offre, mais là encore il me dit : arrête
avec tes prix à la con !»
L’ANOCI (Agence nationale pour l’organisation de
la conférence islamique) passe pour de nombreux
observateurs pour « LE scandale du siècle » dans le
pays. Le journaliste indépendant, Abdelatif Coulibaly,
auteur d’un livre-enquête sur ces « contes et
mécomptes de l’ANOCI », dénonce « un gaspillage
de l’argent pour rien ». « Le gouvernement affirmait
que l’Etat avait déboursé seulement 72 milliards de
francs CFA (110 millions d’euros) pour ce sommet,
mais c’est complètement faux. D’après mes calculs et
les différents rapports d’audits, c’est certainement six
fois plus que l’Etat a dû sortir de ses caisses. »

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D’après des documents que Mediapart s’est procurés,
tous les budgets de l’Etat ont été ponctionnés
pour financer un raout réunissant essentiellement
des enturbannés, et pour attirer les pétrodollars
du Golfe dans des projets privés qui n’avaient
rien à voir avec l’OCI. Avant même la révélation
des dysfonctionnements, et des malversations par
plusieurs audits publics, l’affaire a fait un tel tollé
que même le président de l’assemblée nationale de
l’époque, Macky Sall, un des ténors du parti au
pouvoir, tente de convoquer Karim Wade devant les
députés pour s’expliquer sur les retards accumulés et
l’opacité de la gestion. En vain.
Quelques mois après, Macky Sall sera débarqué du
perchoir. Abdoulaye Wade sacrifie l’un de ses héritiers
politiques pour protéger son fils après cet épisode de
l’ANOCI, dont le slogan, prémonitoire, était : « en
route vers le sommet ».
« Un affairiste mais pas un politique »
Mais le chemin « vers le sommet » est semé
d’embûches. Les Dakarois ne veulent pas de
« Karim ». Présenté pour prendre la mairie de la
capitale en 2009, il se fait battre à plate couture, y
compris dans son propre bureau de vote. « Ce n’est pas
un homme politique mais un affairiste », confie une
source diplomatique. Impopulaire, raillé car incapable
de parler l’une des langues nationales, Karim Wade,
cible de toutes les critiques, va devoir une nouvelle
fois tirer la manche de « Papa » Wade pour passer la
vitesse supérieure.
Deux mois à peine après son échec retentissant au
scrutin local et son crash-test devant les électeurs, il
devient ministre d’Etat. Le « super ministre » prend
sous sa coupe les infrastructures, les transports aériens,
la coopération internationale, l’énergie, mais aussi
pendant un temps l’aménagement du territoire. Le titre
est ronflant mais stratégique, un « Etat dans l’Etat ».
Des secteurs qui n’ont absolument rien à voir, mais
« qui charrient beaucoup de cash », comme l’indique
un homme d’affaires en vue.
La cadence des affaires prend cette fois une nouvelle
ampleur. La presse sénégalaise révèle quasiment
chaque semaine un scandale. Le secteur énergétique
concentre notamment l’attention. L’EDF locale, la
Sénélec, est dans la panade depuis des lustres,
bien avant l’arrivée de Karim Wade. Les délestages
empoisonnent la vie des habitants de la capitale, à
l’origine des manifestations qui ont surpris le pouvoir
en juin dernier. Les coupures de courant coûtent aussi
très cher à l’économie du pays, qui perd 1,4 point de
PIB à cause des délestages et des investissements des
entreprises dans les générateurs.
Celui que l’on surnomme désormais « le ministre du
ciel et de la terre » sort de son chapeau le plan Takkal :
plus d’un milliard d’euros pour restructurer le secteur.
En attendant, c’est une société américaine qui assure
les besoins en électricité de Dakar. Son contrat prend
fin en mars, juste après la présidentielle. Sauf que si
l’intention est louable, le gouvernement de Wade a
jeté une fois de plus le trouble en faisant obstacle à
toute transparence. Un décret polémique pris début
janvier met sur la touche l’autorité de régulation des
marchés publics. L’ARMP ne peut plus mettre son
nez dans les contrats énergétiques. « C’est gênant »,
admet une source diplomatique. Un autre diplomate
ajoute: « C’est de nature à renforcer les soupçons de
détournements de fonds. »
La lutte inefficace contre la corruption
Et les soupçons, il y en a à foison. Une
agence sénégalaise, la CENTIF, se charge de
recueillir justement les déclarations de soupçons de
blanchiment, de détournement et de corruption : 84 cas
en 2010, avec un montant astronomique représentant
« 17,6 % du PIB » soit plus des deux tiers de la
dette extérieure du Sénégal ! Et combien de cas ont
débouché sur des condamnations ? Un seul.
Un membre de cette cellule de traitement
des informations financières déclare sous couvert
d’anonymat que « la justice fait barrage presque
systématiquement dans les affaires de corruption ».
Une source diplomatique confirme : « Et pourtant, la
justice sénégalaise a les moyens de s’imposer car le
code pénal prévoit que toute personne inculpée doit
prouver l’origine de sa fortune illicite. Mais cet article
n’est jamais appliqué, et pire, il est menacé d’être
supprimé dans la prochaine révision du code pénal.

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»« Paradoxalement, on a beaucoup plus d’institutions
chargées de lutter contre la corruption, ça fait bien de
les présenter devant des bailleurs de fonds, renchérit
Bira Gueye, journaliste économique, mais ce sont des
coquilles vides. » Et de fait, face à une corruption
qui s’est institutionnalisée sous l’ère Wade, l’impunité
règne.
Tous les dossiers liés à la corruption passent forcément
par le parquet. Résultat : la justice ne fait rien. Enfin
si, quand il s’agit d’abattre un ennemi politique. Bara
Tall, le PDG de l’un des ex-leaders du BTP dans
le pays, a vu son entreprise, Jean Lefèvre Sénégal,
« asphyxiée par l’Etat ». « Avant j’employais 3000
personnes, souligne cet entrepreneur reconverti dans
l’opposition politique. Mais maintenant je n’en ai
qu’une centaine. J’avais refusé de marcher dans
leurs combines de surfacturations sur les chantiers de
l’ANOCI. J’avais refusé de trop manger. » Comme
d’autres, il est victime de tentative de corruption.
« Abdoulaye Wade m’a proposé 18 millions de dollars
pour que je charge l’un de ses ennemis politiques,
Idrissa Seck [aujourd’hui candidat à la présidentielle
de dimanche]. Là encore j’ai refusé. » Un silence, une
larme écrasée. « Le ministre de la justice de l’époque
a annoncé mon inculpation à la télé. Mon père a eu
une attaque juste après. Ils ont monté une affaire de
détournement de toutes pièces. J’ai fait 72 jours de
prison, la procédure a duré des années. » La justice a
depuis prononcé un non-lieu partiel.
Ainsi vont les affaires sous les Wade…

mediapart.fr,  Document reproduit par  Adama Diouf  via l’édition abonnement du site.

14 Commentaires

  1. et oui c’est ca le senegal aussi! J ai travaillé deux ans dans une commune au Nord du Senegal. Ce climat a rendu impossible la gestion de dossiers !Et pendant ce temps des Semegalais se crevent pour envoyer leur revenus au pays et vivre à 6 dans une chambre. Et oui c’est cela un pays en voie de développement

  2. Faut pas oublier aussi la SONACOS (Société Nationale de commercialisation des Oléagineux du Sénégal), devenue Sunéor, bradé à son ami Jaber sans bourse déliée! La nouvelle appelation suffit pour éventer leur funeste dessein: Sunéor= Sun (soleil) et Or! La nouba, en quelque sorte, pour celui qui n’a pris la nationalité sénégalaise qu’en 2002!

  3. Bara Tall: « J’avais refusé de trop manger. »

    Se Serait-il transformé en opposant politique si on avait accepté  » qu’il mange UN PEU  » ?

    Cet article est biaisé car nulle part on ne voit la version de la partie incriminée. L’auteur de l’article ne nous dit pas s’il a essayé de contacter Karim; je ne dis pas que les accusations sont fausses mais même devant la justice, tout le monde a le droit de se défendre y compris les tueurs en série.

    On ne peut combattre l’injustice en étant injuste soi-même
    Abbas Ndiaye journaliste indigné par le lobbying sous toutes ses formes

  4. ok mais un voleur de première ne présente jamais a la barre pour essayer de se disculpé. Il ya de ces enrichissement en des temps record qui ne peuvent que provenir de l’argent salle de la drogue ou du détournement. Et puis rien de ce qu’on a présente comme soupçon de dysfonctionnement n’est faux qu’a impossibilité d’inculpé et jugé Karim alors ne parle pas d’injustice si tu es en temps sois peut sénégalais.

  5. C’est honteux.Je ne saurais savoir ce que les WADE mijotaient a leur prise de pouvoir,mais il est sur qu’ils ont tout fait sauf s’occuper des problèmes du pays.D’ailleurs Wade disait a sa femme que tous leurs soucis d’argent seront réglés…Allez savoir s’ils ont atteint ce seul et unique objectif.

  6. Maintenant cette merde wadienne est jetée à la poubelle et il appartient à notre Justice d’avoir le courage de régler tout ceci une bonne fois et pour toujours. Wade est plus merdique que tes chiottes publiques.

  7. Merci de cet article tristement éclairant ! Lu, avec la plus vive attention .
    Un premier leasting fiable de MEDIAPART, possiblement en- deçà de l’ ICEBERG …Ou la Pieuvre par excellence dudit du Clan!
    Non sans tristesse, relevant au passage l’attaque de Mr Lefevre, sous lesdites ( fortes)pressions / corruption, alors de pratique courante .
    Homme de coeur, notre ONG lui devant son soutien pour finaliser notre Jardin d’Enfants de WARANG ( petite Côte)

    D’autant, Monsieur le Président Macky SALL , et cher Frère, maintenez FERME votre Engagement de JUSTICE sans appel ! ! Très respectueusement, de tous nos voeux et ATTENTE !Le Tout Puissant vous en bénisse !

    Anouchka KHATCHADOURIAN / ONG MAISON SDOUCES France – Sénégal

  8. abbas ndiaye nous ne sommes pas dans un tribunal pour recueillir des versions par ci ou par la . ceci est un article qui retrace le parcours d’un voleur et de ses complices si cela te derange va prendre la version du voleur et publie la .Donc ne nous casse pas les peids avec tes orientations sur ce qui doit ou ne devrait pas etre .Nous sommes tous concient du role de cette pourriture de karim de grace cesse de nous pomper l’air

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