El Hadj Faye, artiste-chanteur : «Je suis sobre, j’ai définitivement tourné le dos à l’alcool»

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People Il est resté tel qu’en lui-même. Malade, mais toujours avec ce même allant qu’on lui connaissait. Au Bureau sénégalais des droits d’auteur (Bsda) où on le retrouve, El Hadj Faye, fourré dans une djellaba marron ornée de dorures beiges, lunettes dissimulant des yeux malades, revient sur les raisons de sa longue absence de la scène musicale, son périple en Europe et jette un regard critique sur les productions musicales actuelles. Entretien à bâtons rompus avec l’auteur du mythique «Samina».

Depuis un certain temps, vous avez disparu de la scène musicale sénégalaise, qu’est-ce que vous devenez ?

Effectivement ! Depuis 8 ans, j’étais hors du pays. Plus précisément entre l’Italie, l’Allemagne, la France (Paris) et la Hongrie (Budapest). J’y effectuais une série de tournées, mais en même temps, je menais de petites activités car la musique à elle seule ne suffit pas à nourrir son homme. Je suis rentré au bercail en 2008.

Quels genres d’activités exerciez-vous en Europe ?

Je faisais du commerce. J’étais un marchand ambulant et je vendais des montres, des lunettes et autres menues articles.

On sait que les conditions de vie des émigrés ne sont pas toujours évidentes en Europe. Comment se passait votre vie là-bas ?

C’était mi-figue mi-raisin. Nul n’ignore que les conditions de vie en Europe sont très difficiles, mais heureusement que je détenais une carte de séjour. Je n’étais pas dans la clandestinité. J’étais obligé de me battre pour survivre et avoir de quoi subvenir aux besoins de mes deux femmes et mes enfants restés au pays.

Avant l’entretien, vous évoquiez des ennuis de santé. De quoi souffrez-vous ?

Je souffre de troubles visuels que je soigne depuis 1997. A l’époque, j’étais à l’Orchestre national et je disposais d’une lettre de garantie afin de pouvoir me soigner. J’ai subi une intervention chirurgicale de l’œil droit. Par la suite, j’allais beaucoup mieux, mais depuis quelque temps, le mal persiste. Je n’arrive plus à voir correctement dès que la nuit tombe et quand je parviens à me rendre dans les boîtes de nuit pour effectuer des prestations, la poussière et la fumée de la cigarette m’aveuglent.

«Je souffre de troubles visuels et si je ne suis pas soigné à temps, je risque de devenir aveugle»

De quel mal souffrez-vous exactement ?

Je ne saurais vous le dire. Mais, si je néglige mon mal, je sens que l’autre œil sera contaminé et je risque de devenir aveugle.

Vous avez adressé une lettre de demande d’assistance à votre ministère de tutelle. Quelle a été sa réponse ?

(Il sort une lettre). Le ministère m’a dit, par courrier, qu’il est dans l’impossibilité de me venir en aide car son budget ne le lui permet pas. Ensuite, il m’a demandé d’adresser une demande au Bureau sénégalais des droits d’auteur (Bsda). Mais, il semble oublier que le Bsda relève du ministère de la Culture et je suis un adhérent du Bsda, donc si je tombe malade et que j’ai besoin d’assistance, je ne peux m’en référer qu’au ministère de la Culture. Je suis revenu au Bsda et je leur ai présenté ma demande de prise en charge. Mais depuis lors, je leur cours derrière. Il est vrai que du temps de Modou Bossou Lèye, le ministère de la Culture m’avait beaucoup assisté.

Est-ce que ce n’est pas parce que vous avez déjà eu à bénéficier d’une aide du ministère de la Culture qu’il vous la refuse pour cette fois-ci ?

(Evasif). Je ne connais pas les raisons qui motivent ce refus. Je peux juste dire que les artistes sénégalais, surtout la vieille garde, ne sont pas suffisamment soutenus quand ils sont dans des difficultés. Les gens sont très prompts à faire des témoignages et à vous soutenir une fois que vous trépassez. Je n’ai pas besoin d’un hommage posthume. Si une bonne volonté veut me soutenir, elle n’a qu’à le faire de mon vivant. Le cas contraire, ce serait inutile.

On vous colle une réputation d’ivrogne. Est-ce vrai ?

C’est faux ! Je suis un artiste et je fréquente beaucoup d’endroits comme les restaurants, les boîtes de nuit, les bars et autres, mais je ne suis pas un disciple de Bacchus. J’y vais souvent pour rencontrer des relations d’affaires ou pour effectuer des prestations. J’étais un adepte de la boisson, mais aujourd’hui, je suis sobre et j’ai définitivement tourné le dos à l’alcool depuis mon retour au pays. J’avais même cessé de fumer, mais depuis quelque temps, j’ai cédé à la tentation de la nicotine.

Est-ce que votre ancienne addiction à l’alcool n’est pas la cause de vos ennuis sanitaires actuels ?

Je ne sais pas. Tout ce que je peux vous dire, c’est ce que les médecins m’ont dit et en aucun moment, ils n’ont eu à me dire que mes troubles visuels sont dus à l’alcool que je consommais.

Vous ne vous produisez plus souvent. Comment subvenez-vous à vos besoins ?

Je suis toujours un artiste. Mais l’art est un milieu pourri, infesté de soi-disant artistes qui ne l’enrichissent pas. La jeune génération ne s’ennuie plus de l’expertise et de l’expérience de leurs aînés. Ils n’en font qu’à leur tête. La production ne marche plus au Sénégal.

«Je n’ai pas besoin d’un hommage posthume»

Est-ce que les gens sont au courant de votre présence au Sénégal ?

Ils le savent très bien. Ils savent que je suis revenu et disponible pour monter sur scène. De plus, je me rends visible en fréquentant les salles de spectacle et autres boîtes de nuit. Enfin, j’ai été l’invité de plateaux télé il n’y a pas longtemps de cela. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour dire que j’ai des enfants qui sont très doués pour la musique. L’homonyme de Ndiaga Mbaye par exemple chante très bien, de même qu’Adama, un autre de mes enfants, reconnu dans tout Guédiawaye (banlieue dakaroise) sous le pseudo d’«Ada Guéwél». Une de mes filles, Kiné Faye, s’adonne aussi à la chanson.

Combien recevez-vous en tout du Bureau sénégalais des droits d’auteur ?

Pas grand-chose. Les artistes ne reçoivent leurs droits au Bsda que tous les 6 mois. Des droits, du reste très insignifiants, du moins en ce qui me concerne. Lors de cette fête de Tabaski, les artistes étaient nombreux à faire le pied de grue en vain. Ils nous ont dit que l’argent ne sera disponible qu’à la fin de ce mois d’octobre. Ce qui est très dommage pour les pères de famille que nous sommes.

Vous fûtes un grand artiste. Qu’avez-vous gagné lors de vos moments de gloire ?

Je rends grâce au Tout-Puissant ! Je n’envie personne et je ne donne pas l’image d’un indigent.

Vous avez une maison ?

Je rends grâce à Dieu, voilà tout !

Où en-est votre brouille avec Viviane Chidid concernant les droits de la chanson «Samina» ?

On a tout de suite évoqué l’argent pour justifier mon action en justice. Ce qui est fait est fait, elle a repris cette chanson sans mon aval, n’empêche qu’elle n’en a pas tiré ce que j’en ai tiré au moment de sa sortie. J’en ai tiré beaucoup de contrats et d’argent. J’avais déjà donné «Ayo néné» à Viviane, je trouvais donc juste normal qu’elle me demande à nouveau l’autorisation pour reprendre une autre de mes œuvres. Elle ne m’a ni demandé d’autorisation ni remercié. Je n’ai pas apprécié.

Mais vous vous êtes retrouvés lors d’une soirée donnée par elle ?

Oui, elle m’a invité sur scène et m’a remercié. Ce à quoi j’ai été très sensible, je l’ai remerciée à mon tour. Nous sommes tous les deux du même milieu, il n’y a pas de raison de se regarder en chiens de faïence. D’autant plus qu’elle n’était pas la première personne visée par cette plainte.

«Art bi dou eumb, déy kheuy weusine»*

Que voulez-vous dire par là ? Qui était la première personne visée ?

Ceux qui sont visés sauront en lisant ces lignes.

Mais encore…

Je m’en arrêterais là !

Combien de productions avez-vous mis sur le marché ?

Beaucoup ! Peut-être 20, si ce n’est plus.

Quel est votre plus grand succès ?

L’argent est bien beau, mais j’ai d’abord l’amour de la chanson. Le reste n’est qu’un plus.

Quelle est votre toute dernière production ?

Il y a trois ans de cela, j’ai sorti un album intitulé : «Jammi rew mi.» C’était en 2011 lors des remous qui ont précédé l’élection présidentielle.

A-t-il été bien accueilli par le public ?

Oui. Une radio de la place en a fait un générique pour une émission.

Les autres artistes sont-ils au courant de votre maladie ?

Ce n’est pas la peine. Ceux qui doivent le savoir sont au courant. Comme le ministère de la Culture ou le Bsda avec lesquels je corresponds. Il leur appartient maintenant d’apprécier la situation.

Votre dernier mot ?

El Hadj Faye est toujours artiste malgré la maladie. A mes fans, je dis un grand merci et leur envoie ce message. «Art bi dou eumb, déy kheuy weusine»*
l’obs

1 COMMENTAIRE

  1. Il ne faut pas que ces gens détruisent leur vie pour ensuite venir se comporter en victimes qu’il faut aider.
    D’autres Sénégalais sont malades,mais gardent leur dignité.
    Pourquoi ce gars serait-il prioritaire?

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