En Centrafrique, « le conflit prend de plus en plus une tournure communautaire »

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Mumuza Muhindo Musubaho, coordinateur de projets de Médecins sans frontières (MSF), rentre d’une mission de 18 mois à Bria, dans l’est de la Centrafrique, épicentre d’une nouvelle flambée de violences. Entretien.

Depuis le mois de novembre, le sud-est de la Centrafrique connaît une nouvelle flambée de violences dont l’intensité prend de l’ampleur et s’étend. Les combats opposent d’une part différentes factions issues de l’ex-coalition séléka, une rebellion politico-militaire à majorité musulmane, et d’autre part des groupes autodéfense anti-balaka, essentiellement chrétiens et animistes.

Dans la ville de Bria, épicentre de ces violences, des milliers de civils, pris entre les feux, ont été contraints de quitter leurs domiciles et de rejoindre des camps de déplacés où les conditions de vie sont extrêmement difficiles.

Un accord de paix entre les groupes armés prévoyant un cessez-le-feu immédiat a été signé à Rome le 19 juin, aussitôt brisé à Bria par des affrontements qui ont fait des dizaines de morts.

France 24 : Vous rentrez d’une très longue mission à Bria. Quelle est la situation dans cette ville du sud-est de la Centrafrique, épicentre des violences ?

Mumuza Muhindo Musubaho : La situation est de plus en plus grave. Plusieurs quartiers sont toujours contrôlés par les groupes armés. Les civils sont pris pour cibles. Environ 80 % des blessés que nous recevons à l’hôpital de Bria sont des civils. Ils ont été privés de tous leurs biens, soit parce qu’ils ont été volés, soit parce qu’ils ont été brûlés. Entre 40 et 50 % des maisons ont été incendiées. Dans ce contexte, la quasi-totalité des habitants a rejoint différents sites de déplacés, plus ou moins sécurisés. Les Peuls sont regroupés dans le quartier de Gobolo, une partie de la population est confinée dans le quartier musulman de Bornou, environ 6 000 personnes se trouvent dans l’hôpital soutenu par MSF et la population chrétienne, qui représente 70 % de la ville, est sur un site à côté de la base des forces internationales de la Minusca. Ce site, le PK3, a été créé en novembre 2016, pour accueillir 3 000 personnes : ils sont aujourd’hui 20 000. Les conditions de vie de ces déplacés sont déplorables.

Quels sont les besoins les plus urgents ?

Nous sommes en période de saison des pluies, mais ils ne disposent pas de couvertures. Par ailleurs, ils n’ont pas de moustiquaires pour se protéger du paludisme qui connaît un pic. Il y a également des besoins en eau et en latrines. Le risque d’épidémie, notamment de choléra, est réel si la situation sécuritaire ne permet pas le retour chez eux de ces déplacés. Malheureusement, on constate une incapacité des forces internationales de la Minusca – Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique, NDLR – à mettre un terme aux combats et à s’interposer pour sécuriser la population. Il est même impossible d’évaluer le nombre de morts, la Croix-Rouge n’ayant pas accès à certains quartiers.

Qui est à l’origine de cette nouvelle flambée de violences ?

Le 21 novembre 2016, des combats ont éclaté à Bria. Les miliciens ex-séléka ont voulu reconstituer une coalition, mais un des groupes, l’UPC, l’Union pour la paix en Centrafrique (branche peule de l’ex-séléka), dirigé par Ali Darass, s’est opposé à cette perspective. Conséquence : les autres groupes armés de l’ex-Séléka ont attaqué leurs positions. Jusqu’en mai, on a ensuite constaté une relative accalmie à Bria, jusqu’à ce que des violences éclatent dans la ville voisine de Bangassou où les anti-balaka ont attaqué la population musulmane.

À partir de là, les musulmans de Bria, surtout « arabes », ont eu peur et ont commencé les attaques sur les miliciens anti-balaka, ce qui a relancé les hostilités dans la ville. Ce conflit prend de plus en plus une tournure communautaire. Par ailleurs, ces groupes armés ont des intérêts personnels, ils cherchent à se renforcer pour imposer leurs conditions à l’actuel gouvernement démocratiquement élu, notamment pour le contrôle des territoires.

Craignez-vous que ces violences s’étendent sur l’ensemble du territoire ?

Tout l’est du pays est sous le feu. Des combats sont signalés un peu partout. La crainte que ça continue et que ça se généralise est bien présente. Cela s’explique par l’incapacité des forces internationales de la Minusca à s’interposer. Ils deviennent des observateurs. Ils s’occupent seulement des sites de déplacés et ils laissent le conflit continuer. Ils n’arrivent à empêcher les combats entre les groupes armés.

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